L’analyse technique (aussi appelée « analyse graphique » ou encore « chartisme ») est une méthode d’analyse probabiliste qui repose sur l’étude des graphiques boursiers pour essayer de déterminer où le cours d’un actif aura les meilleures chances de s’orienter dans un futur proche.
Le sujet de l’analyse technique déchaine souvent les passions dans le monde de l’investissement car il divise énormément :
- D’un coté nous avons ceux qui sont convaincus que l’analyse graphique n’est qu’une vaste escroquerie (les prix passés n’ayant à priori pas de raison de pouvoir prédire les prix futurs)
- De l’autre nous avons une armée de traders et de spéculateurs qui ne jurent que par cet outil

Alors l’analyse technique, est-ce que ça marche, ou est-ce qu’il s’agit là d’un simple piège à investisseurs? C’est ce que nous allons voir ici.
Dans cet article :
- Nous définirons ce qu’est l’analyse technique, ainsi que ses principaux axiomes et postulats
- Nous verrons en accéléré quelques uns de ses concepts clés (ceux qui sont à mon sens les plus utiles)
- Nous présenterons les conclusions de recherches académiques avancées sur le sujet
Table of Contents
L’analyse technique : définition et concept
L’analyse technique se base sur trois grands axiomes fondamentaux.
Axiome 1 : Le marché prend tout en compte (suivre les news est donc inutile)
Un des principes fondamentaux de l’analyse graphique est que puisque ce qui compte avant tout en bourse est la réaction des opérateurs de marché à une news plutôt que la news elle même, il est inutile de s’embêter à lire les quotidiens financiers et il vaut mieux simplement scruter l’action des prix et volumes d’échange pour avoir une bonne vision de la psychologie des investisseurs à un instant T.
L’idée est que « tout est dans les cours » et que le marché décompte instantanément ou quasi instantanément toute (bonne ou mauvaise) nouvelle. Si il y a un problème, nous le verrons donc la plupart du temps sur le prix avant de pouvoir comprendre ce qui se passe du coté des fondamentaux (du moins c’est le postulat de l’analyse technique).
Axiome 2 : Les cours suivent des tendances
Selon l’analyse technique, les cours de la bourse ne bougent pas de manière hasardeuse mais suivent des tendances qui peuvent être haussières, baissières, ou neutres.
Ces tendances sont le reflet de la psychologie des opérateurs de marché à un instant donné, et une des règles tacites de l’analyse technique est qu’une tendance persiste généralement dans la direction établie jusqu’à rencontrer une force égale mais opposée (comme en physique).
Axiome 3 : L’histoire se répète
La troisième idée fondamentale de l’analyse technique, c’est que l’on peut observer certaines récurrences (ou « patterns ») dans les cours boursiers, qui sont dues au fait que les humains ont tendance à se comporter toujours grosso modo de la même manière et à toujours réagir aux évènements par des excès d’enthousiasme, ou par des excès de pessimisme. Sans ces récurrences l’analyse technique serait inutile puisqu’elle ne nous dirait rien de très utile sur le futur.
Voyons maintenant dans le point suivant comment se traduisent ces concepts plus en détails.
L’analyse technique : cours accéléré et concepts clés
La base de l’analyse technique, c’est avant tout de savoir établir quelle est actuellement la tendance de marché.
Vous m’avez vu faire cela (ou y faire référence) dans plusieurs articles précédents si vous suivez le site depuis un petit moment (et dans les vidéos de la formation si vous êtes membre).
Fondamentalement une tendance peut être haussière, baissière, ou neutre.
Les tendances en analyse technique : définition et caractéristiques
Voici un exemple de tendance haussière :

Les cours sortent d’une tendance neutre en 2012 et évoluent ensuite au dessus de leurs moyennes mobiles à 50 et 200 jours en marquant de nouveaux plus hauts et sans retracer de manière significative. La tendance de fond est donc haussière.
(N.B : Les moyennes mobiles sont un indicateur calculé par défaut sur la plupart des plateformes d’analyse graphique, elles ne sont qu’une simple aide visuelle qui donne une vision plus claire de la tendance de fond en calculant une moyenne lissée des cours à X séances)
Voici un exemple de tendance baissière :

Les cours évoluent sous leurs moyennes mobiles et marquent régulièrement de nouveaux plus bas sans retracer à la hausse de manière significative. La tendance de fond est donc baissière.
Et voici un exemple de tendance neutre :

Nous pouvons voir que les cours évoluent ici de manière latérale et assez aléatoire autour de la moyenne mobile à 50 jours en bleu : il n’y a pas de biais haussier ou baissier clairement défini sur la période, la tendance est donc « neutre ».
(N.B : tout ce qui n’est pas clairement haussier ou baissier est par définition considéré comme neutre/latéral/sans tendance).
Quelques précisions supplémentaires sur les tendances boursières
La tendance peut être différente en fonction de l’unité de temps sur laquelle on se place (exemple long terme haussière, mais court terme baissière). Généralement la tendance de fond est donnée par le référentiel temporel le plus long et les référentiels de temps plus court (en horaire par exemple, et plus globalement tout ce qui est en dessous du journalier) sont surtout utilisés par les traders.
La tendance de fond détermine la manière de laquelle vous allez vous positionner sur les marchés. Dans le cadre d’une tendance haussière, vous voulez acheter sur des cassures haussières vers de nouveaux plus hauts, ou bien réaliser des achats sur repli (c’est à dire quand les cours chutent sur une unité de temps courte, mais que l’unité de temps longue est haussière).
Quand les cours sont en tendance neutre, vous voulez plutôt acheter sur ce qu’on appelle une « zone de support » et quand les cours sont en tendance baissière, vous ne voulez pas acheter du tout (les traders diront qu’il faut alors vendre à découvert, mais les statistiques sont claires sur le fait que la majorité des gens perdent de l’argent avec cette pratique donc je ne la recommanderai pas).
Ce qui nous conduit à un second concept clé en l’analyse technique : les zones de support et de résistance.
Les zones de support et de résistance en analyse technique : définition et caractéristiques
Qu’est ce qu’une zone de support?
Une zone de support est une zone où les acheteurs vont avoir tendance à se positionner pour rattraper les cours lorsque ceux-ci chutent.
Elles peuvent être définies par des niveaux horizontaux, verticaux ou obliques sur lesquels les cours ont tendance à buter plusieurs fois. Pour placer une zone de support nous avons généralement besoin de 2 points sur lesquels les cours sont venus buter (ou plus).
Plus un support est « testé » (plus on vient taper dessus), plus il a de chance de lâcher.

Qu’est-ce qu’une zone de résistance?
Une zone de résistance est basiquement l’inverse d’une zone de support : il s’agit d’un niveau de prix sur lequel les cours vont venir buter à répétition.
Les vendeurs se positionnent généralement sur les zones de résistance pour vendre leurs titres ce qui empêche les cours de marquer de nouveaux plus hauts. Si une résistance est « cassée » à la hausse, on considère que les cours ont généralement de bonnes chances de s’élever sur de nouveaux sommets.

NB : j’ai pris ici deux exemples où ces niveaux étaient relativement faciles à déterminer, mais il faut cependant noter que les choses peuvent parfois être beaucoup plus floues en fonction des conditions de marché et des actifs traités.
Le rôle des volumes
Les volumes d’échange sont également un outil clé en analyse technique. Toute action des cours est généralement jugée comme plus fiable si elle est confirmée par des volumes importants.
Une cassure haussière ou baissière réalisée dans des volumes significatifs aura plus de poids et aura plus de chances d’être suivie par un mouvement important dans la direction de la cassure qu’une cassure sans volume (notez que dans les 2 exemples précédents, les cassures se font dans de gros volumes et les mouvements qui s’en suivent sont significatifs).
De même dans le cadre d’une tendance haussière ou baissière « idéale », l’action des prix est harmonieusement accompagnée par les volumes (les séances de hausse se font dans des volumes conséquents dans le cadre d’une tendance haussière, et les séances de baisse dans des volumes conséquents dans le cadre d’une tendance baissière).
Voilà pour l’essentiel et pour les bases.
A cela s’ajoutent parfois sous ou sur les cours des dizaines d’indicateurs plus ou moins compliqués (comme les moyennes mobiles, les bandes de bollingers, les MACD, ROC, etcetc…) qu’il serait bien trop long de traiter ici et que personnellement je n’utilise que peu ou pas pour des raisons que nous allons voir dans le point suivant.

L’analyse technique : est-ce que ça fonctionne?
Il y a eu des dizaines d’études académiques réalisées sur le sujet de l’analyse technique (en particulier sur l’utilité des fameux indicateurs évoqués dans le paragraphe précédent), et le moins qu’on puisse dire c’est que les résultats ne sont pas très positifs.
La majorité des indicateurs inventés par l’analyse technique ne servent à rien
Dans l’étude académique intitulée « technical analysis around the world : does it ever add value?« , plus de 5000 indicateurs ont été testés sur 49 marchés boursiers différents. La conclusion a été sans appel : ils n’ont aucune valeur prédictive et ne permettent donc pas de réaliser des profits en excès par rapport aux marchés étudiés. Bref ils ne fonctionnent pas. C’est pour cela que pour ma part je laisse les indicateurs au placard.
A l’inverse, le sujet de la valeur des tendances, des supports et des résistances et de certains patterns boursiers est sujette à débat (partiellement parce qu’elle est extrêmement dure à tester de manière systématique : un analyste débutant et expérimenté n’auront pas forcement tendance à placer leurs lignes aux mêmes endroits, ou à voir les mêmes patterns partout, et il est difficile d’informatiser et d’automatiser un backtest de ce genre de choses).
C’est ce qui fait que l’analyse technique a généralement tendance à être plutôt considérée comme un art que comme une science. Cependant il s’avère que (contrairement aux indicateurs) plusieurs études ont prouvé que le phénomène de persistance des tendances est bien réel, et que le concept de support et de résistance fonctionne.
Egalement, j’ai personnellement étudié les méthodes de beaucoup des meilleurs traders mondiaux (les rares dont la performance a été effectivement auditée de manière indépendante) ainsi que celle des meilleurs investisseurs du passé, et la plupart incluent au moins une forme d’étude des cours de la bourse (presque toujours utilisée en combinaison d’autres méthodes cependant).
Est-ce que j’utilise l’analyse technique personnellement dans mon processus d’investissement?
Oui tout à fait. Ce que je vais acheter reste avant tout déterminé par l’analyse fondamentale (qui est à mon sens un outil bien plus important à maitriser pour un investisseur à long terme que l’analyse technique), néanmoins l’analyse technique peut être un outil précieux très utile pour jauger la psychologie de marché.
L’analyse technique est souvent mise au banc des méthodes d’analyse traditionnelle car elle a tendance a être plus subjective que les autres (si les bénéfices nets d’une entreprise ne sont pas sujets à débats, une zone de résistance peut être placée à un endroit légèrement différent d’une personne à l’autre), mais cela ne la rend pas inutile pour autant.
Comment je l’utilise
Une des règles « techniques » que j’utilise est par exemple de ne jamais acheter un titre qui est actuellement engagé dans une forte tendance baissière (même si ses fondamentaux ont l’air bons). Cela expose en effet à des risques de pertes à court terme importants qui sont évitables, je préfère donc toujours laisser le marché « confirmer » d’une manière ou d’une autre la thèse fondamentale que j’ai établi (l’analyse fondamentale étant en elle même utile pour nous dire quoi acheter, mais un peu moins pour nous dire quand acheter).
Attention cependant à la tentation du trading : l’analyse technique reste avant tout un simple outil de confirmation. Si vous l’appliquez simplement sur des actions un peu au hasard vous aurez du mal à réaliser des profits, et l’utiliser en combinaison d’autres méthodes (fondamentales et quantitatives par exemple, ce que je fais personnellement) augmente significativement les probabilités de succès.
Beaucoup de traders perdent de l’argent en s’en tenant uniquement à l’analyse technique parce qu’elle offre un avantage statistique très faible en elle même. Comme le disait un de mes mentors boursiers « que ce soit en trading ou en investissement : la sélection du véhicule est la clé. Tout le reste est secondaire« . En bref, investir sur le bon actif sans avoir un timing parfait est mieux qu’investir avec un timing parfait mais sur un actif médiocre.
Conclusion
Mon avis personnel sur la question (forgé à travers mes lectures académiques, mes années d’expérience sur les marchés et mes discussions avec des traders et investisseurs de talent) est que l’analyse technique peut apporter de la valeur au processus d’investissement… mais uniquement si elle est appliquée par quelqu’un qui maitrise bien son sujet et qui s’en tient aux concepts les simples et les plus efficaces (en oubliant les dizaines d’indicateurs inutiles qui nous sont souvent paradoxalement vendus comme le saint graal).
Bien sûr cet article ne constitue qu’un simple tour d’horizon sur l’analyse technique, le sujet est suffisament riche pour écrire un livre dessus (et en fait il y en a eu des quantités), si vous voulez l’explorer plus en détails je vous recommande le classique « l’analyse technique des marchés financiers » de John Murphy (s’agissant de livres techniques à destination de professionnels ils ont malheureusement le désavantage d’être assez chers), vous avez aussi l’option de la formation du site où je consacre un module à l’analyse technique à travers l’étude de plusieurs actions et de cas pratiques de titres que j’ai moi même acheté.
Et vous avez aussi bien sûr l’option de googler pour trouver des tutoriels qui viendront approfondir les sujets que je vous ai présenté ici (mais encore une fois attention il y a énormément de pseudoscience dans le secteur, alors faites attention de bien vérifier que tous les éléments qui vous seront présentés sont backés par des recherches sérieuses).
Si vous étiez déjà un adepte de l’analyse technique, j’espère que cet article vous aura encouragé à laisser de côté les indicateurs compliqués et à revenir à quelque chose de plus simple, et si vous ne connaissiez pas du tout j’espère que ce bref tour d’horizon du sujet vous aura intéressé.
Bonjour Pierre et merci!
Super article où j’ai appris énormément. Je me sens à présent prêt pour affronter le marché boursier avec technique et assurance.
La 1ère action que j’avais acheté au feeling a perdu 66% de sa valeur et d’après l’analyse technique ,elle n’a pas fini de chuter
La 2ème par contre ne cesse d’augmenter et après analyse va encore augmenter fortement.
Pour la 1 ère (technicolor) vaut il mieux tout vendre ou attendre 1an ,2 ans voir 10 ans que cela remonte un peu?
J’avoue que cela m’ennuie d’avoir perdu 600€…
a+
Bonjour Olivier,
Le risk management doit toujours être défini avant l’entrée en position (que ce soit au niveau de la taille de la position prise ou de la zone de sortie potentielle), sans quoi il devient difficile de contenir les dégâts que peut causer un titre problématique.
Une fois en position si le titre continue sans cesse de briser de nouveaux plus bas et que les fondamentaux sont mauvais, sortir est généralement une bonne idée. Si il y a des signes de stabilisation on peut patienter un peu pour tenter un rebond, mais on en revient à miser vraiment sur de la chance pure (ce qui en bourse est rarement une bonne idée) ;
(PS : également (nuance importante), l’analyse technique ne prédit pas la direction future d’un titre, elle nous renseigne simplement sur la psychologie de marché à l’instant T, et permet de gérer les risques en conséquence) ;
Cdt