En bourse, les sociétés sont classées en fonction des industries et des secteurs dans lesquels elles opèrent (quelques exemples : les soins à la personne, la finance, l’automobile, etc…). Et chacun de ces secteurs répondant à des dynamiques internes et à des facteurs économiques qui lui sont spécifiques, on recommande généralement d’inclure des actions de chacun d’entre eux dans son portefeuille boursier afin que celui-ci soit bien diversifié.
Ceci étant dit, vous êtes vous déjà demandé quel a été jusqu’à présent le meilleur secteur boursier (toutes industries confondues)?
Dans cet article, nous allons voir ensemble quel est ce secteur (probablement pas celui auquel vous vous attendez), et quelle a été la meilleure action de ces 100 dernières années.
Le meilleur secteur boursier des 100 dernières années
Le monde a connu de nombreuses transformations entre le siècle dernier et aujourd’hui.
A la fin des années 1800, la seconde révolution industrielle a apporté au monde le pétrole, l’électricité, la chimie, avec elle de nouvelles entreprises sont nées et de nouvelles fortunes ont été bâties.
Dans les années 1970, la 3eme révolution industrielle a changé la face du monde : les télécommunications, le micro ordinateur, le transistor, Apple, Microsoft, Google, Amazon, Facebook : vous connaissez la suite.
Le problème c’est que les entreprises et les secteurs porteurs vivent et meurent : le marché de l’automobile d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui des années 1920, et beaucoup d’entreprises du secteur de l’industrie ont connu de grosses difficultés au cours des dernières décennies.
Pourtant une industrie en particulier a été épargnée par les tendances changeantes et les crises économiques et a surperformé de très loin toutes les autres.
Et cette industrie c’est… (roulements de tambour) : l’industrie du tabac.
En bleu clair sur le graphique vous pouvez voir que l’industrie du tabac a pulvérisé les rendements moyens du marché avec une constance et une résilience étonnante a travers les âges.
Là ou 1 dollar investi dans le marché en 1900 aurait été multiplié par 38 255 dans les années 2000, 1 dollar investi dans l’industrie du tabac aurait été multiplié par 6 280 237.
L’action qui a réalisé la meilleure performance sur ces 100 dernières années est d’ailleurs un fabriquant de cigarettes.
La meilleure action de ces 100 dernières années
Voici les rendements à long terme de l’action Altria (anciennement Philip Morris Companies Inc.) :
Comme vous pouvez le voir sur les 4 dernières décennies les rendements moyens de l’action ont été de 20.6% par an ce qui est tout simplement énorme et plus de 2 fois la moyenne du marché.
En plus de cela l’action Altria a augmenté son dividende pendant plus de 47 ans ce qui lui confère le statut honorifique de dividend aristocrat (même si la société n’apparait pas sur la liste officielle du fait de ses multiples spinoffs et changements de noms).
Altria est à ce jour la société qui a la meilleure performance boursière à long terme toutes catégories confondues.
Quelles sont les raisons de cette extraordinaire performance?
Elles sont multiples mais en voici quelques unes :
1/ Absence de problème d’obsolescence du produit
Un produit comme le tabac n’est pas peremptible au même titre qu’un bien technologique, il évolue peu ou pas, ne nécessite pas de grosses dépenses de recherche et développement, et son niveau de demande à travers les décennies est resté plus stable que celui de la majorité des autres industries.
2/ Fort pricing power et fort branding
Comme nous l’avons vu récemment avec les hausses successives (et outrancières) des prix des paquets au cours des dernières années : les fumeurs sont prêts à payer très cher leurs cigarettes.
Ils sont également attachés à leurs marques préférées, ce qui veut dire qu’ils sont prêts à payer un premium pour pouvoir fumer une marque plutôt qu’une autre.
A titre d’exemple, les cigarettes Marlboro (vendues par Altria) pouvaient être vendues 20 à 30% plus cher que la concurrence sans subir d’impact négatif significatif sur le volume des ventes.
3/ Immunité aux récessions
Exactement comme dans le cas de l’alcool (même si cela peut paraitre contre intuitif) : la demande de tabac ne baisse pas significativement durant les récessions et les cycles économiques n’ont que très peu d’impact sur ce type d’industrie.
A l’inverse, dans une industrie comme l’automobile, la conjoncture est très importante et en période de récession, les ventes s’effondrent.
La stabilité et la prédictibilité aident à dégager des rendements supérieurs aux industries plus volatiles.
4/ Excès de cash et business à faibles besoins en capital (=grosses redistributions aux actionnaires)
L’industrie du Tabac produit d’énormes niveaux de Cashflow et les sociétés qui les produisent n’ont pas besoin d’en réinvestir une grande partie dans l’entreprise pour que celle-ci continue de grossir.
A l’inverse de sociétés technologiques comme google qui ont d’énormes dépenses de recherche et développement, les cigarettiers peuvent donc se permettre de redistribuer une grosse part des cashflows dégagés sans mettre en péril la croissance de la société, ce qui dope la rentabilité de leurs actions.
5/ Vache à lait du gouvernement (ce qui empêche les tirs de barrage sur une industrie moralement douteuse)
Ce n’est pas un secret : le gouvernement taxe grassement le tabac depuis des décennies ce qui lui permet de remplir ses caisses facilement et l’a rendu bien moins enclin à serrer la vis au niveau de la régulation de cette industrie (qui comme chacun le sait propose pourtant des produits qui sont loin d’avoir un impact positif niveau santé publique).
Du moins c’était le cas jusqu’à présent comme nous allons le voir dans le point suivant.
L’industrie du tabac dans la tourmente en 2017 (la fin d’une ère?)
Il y a eu des nouveautés du coté de la relative immunité gouvernementale des compagnies de tabac car au cours de ces derniers mois, la FDA (food and drugs administration, le gendarme de la santé américain) a fait passer une loi visant a réduire drastiquement le taux de nicotine des cigarettes, le but étant d’atteindre selon eux des niveaux dits « non addictifs ».
Ce à quoi les américains (par nature très attachés à leur liberté de pouvoir se détruire la santé sans que le gouvernement ne vienne y mettre son grain de sel) ont rétorqué ironiquement que la prochaine mesure de la FDA serait sans doute de n’autoriser que la commercialisation de Whisky sans alcool.
Quoiqu’il en soit la mesure de la FDA a fait grand bruit et les cours des actions de cigarettiers se sont fait massacrer dans la semaine qui a suivi :
La thèse derrière la forte chute des cours est bien sûr la suivante : les cigarettes sans nicotine, c’est comme la bière sans alcool : ça n’a aucun intérêt.
Donc si la FDA réduit à quasi zéro le taux de Nicotine : les profits des sociétés vont s’effondrer (…ou pas?)
Fin d’une ère ou opportunité?
Les soucis derrière la thèse du scénario catastrophe pour les cigarettiers sont selon moi multiples :
1/ Les mesures prises par le gouvernement pour faire fumer moins les gens ont été jusqu’à présent largement inefficaces
Des hausses de prix déraisonnables aux paquets neutres en passant par les images qui vous donnent envie de vomir vos cacahuètes quand quelqu’un pose son paquet sur la table à l’apéritif : force est de reconnaitre que pas grand chose de ce que n’a tenté le gouvernement au cours des dernières années n’est parvenu à faire ne serait ce que vaciller l’industrie jusqu’à présent.
Les statistiques prouvent que rien de tout cela n’a significativement réduit la consommation de cigarettes ; en fait depuis le début des années 2000, la consommation de cigarettes moyenne est restée stable à légèrement croissante.
Les nouvelles mesures de la FDA changeront-elles vraiment les choses? Pas sûr.
2/ Les taxes sur le tabac sont une manne pour le gouvernement
Le combat des gouvernements contre les industriels du tabac s’est toujours fait en y allant un peu avec le dos de la cuillère (c’est à dire à coup d’images choquantes et de paquets neutres plutôt que de mesures plus drastiques), et non sans une certaine hypocrisie ce qui est au moins une des raisons pour lesquelles il est si peu efficace. Pourquoi?
Parce qu’il est socialement beaucoup plus facile de monter scandaleusement les taxes sur les cigarettes pour remplir les caisses de l’état que de monter scandaleusement disons, l’impôt sur le revenu (un cas de figure où les voitures ont plus fréquemment tendance à prendre feu spontanément et les comptes des banques panaméennes à se remplir inexplicablement).
De ce point de vue, la FDA ferait-elle sciemment passer une mesure pour tuer l’industrie? Je ne pense pas.
3/ Les compagnies de cigarettes sont incroyablement résilientes et adaptables
L’action de la FDA est loin d’être la première action gouvernementale supposée négative pour les compagnies de tabac (en plus d’un siècle, il y en a eu des quantités). Pourtant les cigarettiers sont toujours là avec les gains qu’on leur connait.
Vous avez sans doute vu la marque IQOS apparaître comme par magie depuis quelques temps chez vos amis fumeurs (ou peut être êtes vous vous même un utilisateur).
Et bien il se trouve qu’IQOS est justement le nouveau produit phare d’Altria qui a l’exclusivité de sa commercialisation sur le sol américain : une cigarette « plus saine », moins toxique, et surtout plus en accord avec les idées de la FDA sur le sujet.
(N.B. : Ceci étant dit, le fait que la réduction de nicotine doive concerner ou non les cigarettes IQOS n’est pas encore clair pour le moment ce qui fait peur au marché, mais nous en saurons sans doute plus à ce sujet dans les mois qui viennent).
Coté nouveaux marchés, vous n’êtes pas sans savoir également qu’aux états-unis une certaine plante médicinale a été légalisée dans certains états, ce qui a crée une nouvelle branche de business à laquelle les cigarettiers s’intéressent fortement (parce que ne nous mentons pas, ils sont bien déterminés à toucher leur part de tout ce qui se fume de prêt ou de loin sur le globe).
Bref coté croissance, ils ont encore deux ou trois choses dans les cartons et les connaissant, ils ne se laisseront probablement pas enterrer si facilement.
Conclusion
L’industrie du tabac a été un secteur immensément rentable pour les investisseurs recherchant un cashflow sûr, stable et résilient au cours du siècle dernier et du début de celui ci.
La panique de court terme liée à l’annonce de la FDA est (si l’on s’en réfère à l’histoire) très probablement passagère, le temps que les géants du secteur y trouvent une parade, ce qu’ils ont toujours réussi à faire jusqu’à présent (dans l’intervalle une volatilité certaine est à attendre sur le secteur).
A titre personnel, je ne détiens pas d’actions de ce secteur et n’en ai jamais détenu jusqu’à présent (je n’ai jamais été un grand fan de l’éthique en zone grise de l’industrie).
Ceci étant dit je suivrai avec attention les évolutions de cette affaire pour voir si les cigarettiers s’orienteront effectivement vers une manière de fumer moins toxique, ou si ils vont pirouetter comme ils le font toujours pour passer entre les mailles du filet.
Dans les deux cas il est très probable que l’opportunité de ramasser des actions intéressantes en soldes se présente sur le secteur le plus rentable de l’histoire de la bourse dans un futur proche (du moins pour ceux qui seront intéressés).
jc says
Bonjour,
Merci pour cet article. Je n’avais du tout pensé à ce secteur. Il est vrai qu’il rivalise d’ingéniosité pour aller de l’avant et éviter les embûches. Y a t’il possibilité d’investir dans ce secteur sur le marché français où ces entreprises sont toutes cotées sur des marchés étrangers ?
Salutations
Pierre says
Bonjour JC,
Les poids lourds de l’industrie sont tous à l’étranger, principalement sur les marchés américains et anglais (mais comme dit en fin d’article, il n’y a pas nécessairement besoin d’avoir des actions de ce secteur pour obtenir de bonnes performances à long terme, il existe beaucoup d’autres titres plus locaux de très bonne qualité) ;
Cdt
Ignace says
Bonjour,
J’adore votre blog raison pour laquelle je suis fièrement abonné.
J’ai toujours rêvé de faire fortune avec la bourse, seulement je suis Congolais (résident au pays R.D.Congo, Kinshasa).
Y’a t-il une possibilité pour moi d’avoir accès à ce type d’affaires (opportunité)?
Un article dans se sens (Afrique: Comment investir en bourse) me sera d’une grande utilité.
Cordialement.
Pierre says
Bonjour Ignace (et merci à vous de suivre le blog).
Je suis personnellement résident français donc je ne sais pas du tout comment cela se passe du coté de l’Afrique mais à priori si vous pouvez ouvrir un compte chez un courtier en bourse, vous pourrez avoir accès aux actions du monde entier ;
Cdt
Ignace says
Très heureux de vous lire.
Pouvez vous me recommander quelques courtier en bourse ?
Pour être sincère c’est un nouveau monde que je découvre.
Je sais pas grand chose. Par contre j’ai cette soif d’apprendre, (en mode apprentissage et déterminé) seulement j’ignore par où commencer.
À ce niveau zéro que je suis que doit-je faire ?
Merci
Pierre says
Bonjour,
A titre personnel je recommande souvent Degiro ou Boursedirect car ce sont les courtiers les moins chers, mais je ne sais pas si ils permettent d’ouvrir des comptes pour les résidents fiscaux situés en dehors de l’Europe (il faut voir avec eux).
Concernant le formation vous avez plusieurs options, j’ai fais une article compilant plusieurs livres utiles sur la bourse ici (https://plus-riche.com/apprendre-bourse-meilleurs-livres) et sinon vous avez bien sûr l’espace de formation du blog : https://plus-riche.com/portefeuille-boursier-qui-rapporte
Cdt
Olivier de epargnersanssepriver.com says
Salut Pierre!
Je n’aurais jamais trouvé la réponse à cette question tout seul! J’aurais pensé au pétrole ou à l’or mais pas au tabac. Les résultats sont impressionnants. Je n’achèterai pas pour autant d’actions dans le tabac car je n’achète que des actions qui sont en accord avec mes valeurs et le tabac n’en fait pas parti. Tout comme le pétrole. J’ai entendu une récente étude qui disait qu’augmenter fortement le prix du paquet avait un effet négatif sur l’arrêt du tabac. Qu’en penses tu?
Pierre says
Bonjour Olivier,
A priori les hausses supérieures à 10% du prix du paquet sont efficaces pour faire baisser les ventes selon les calculs de l’OMS mais je pense qu’il est difficile de dire si la baisse de la consommation est liée purement à ce facteur ou a une combinaison de différents éléments ;
Cdt