Comme vous le savez probablement si vous êtes un lecteur régulier de ce blog, investir pour toucher des dividendes est une excellente manière d’augmenter ses rentrées d’argent et de diversifier ses sources de revenus.
Seulement, il y a des règles. Et je vois beaucoup de gens sur internet donner des conseils douteux voire franchement dangereux sur l’investissement boursier (c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de lancer ce site initialement).
Si plusieurs blogueurs et youtubeurs défendent (à juste titre) l’idée qu’investir pour toucher des dividendes est moins risqué (détail important : uniquement quand c’est bien fait) que de spéculer sur la valeur des titres, cela n’en empêche pas une grande partie d’asséner avec aplomb de grosses bêtises.
Dans cet article je vais revenir sur 3 idées fausses et dangereuses que je vois revenir régulièrement sur l’investissement en actions de rendement.
1/ Acheter une action uniquement pour toucher des dividendes élevés
Voici un exemple typique de ce que j’ai pu lire sur l’investissement dans le but de créer des revenus passifs (i.e. : toucher des dividendes). Arrêtez moi si ça vous rappelle quelque chose.
« Hé je m’appelle Jérôme, il y a quelques mois de ça je ne connaissais rien à la bourse et aujourd’hui je touche 9% de dividendes sur mes actions EDF et ça SANS RIEN FAIRE de manière complètement automatique. Même quand je dors, même quand je pars en vacances, même quand je suis aux toilettes. Mes dividendes ont payé mon dernier séjour aux Caraïbes (voici une photo de moi avec un Daïquiri). Apprenez comment vous pouvez faire la même chose en achetant en 5 minutes les sociétés en semi faillite que je vais vous conseiller en échange d’une somme modique. »
Maintenant penchons nous ensemble sur les 2 actions dites « de rendement » que j’ai vu conseillées par 2 « Jérômes » (nous ne citerons pas de noms) différents : EDF et Société Générale. Commençons par EDF et son fameux rendement à 9%.
Comme je l’ai déjà dit sur ce site (et excusez moi si vous êtes un lecteur fidèle et que je me répète) : investir dans une action sur le seul critère du rendement est probablement la pire erreur qu’un investisseur puisse faire. C’est aussi la plus répandue.
90% du temps un rendement élevé cache un problème majeur sur le titre qu’un investisseur débutant ne sera pas forcement capable d’identifier. Ensuite un dividende élevé ne suffira pas à compenser les pertes en capital que vous ferez sur une mauvaise société.
La preuve en image avec le graphique long terme d’EDF et ses 9.5%, recommandée par Jérome :
Wow, de 80 à 10 euros en moins de 10 ans, qui ne voudrait pas de cette petite merveille dans son portefeuille?
Le haut rendement vient tout simplement du fait que la chute du titre en terme de prix est si rapide que le rendement augmente mécaniquement (car rendement = montant du dividende en euros/prix ne l’oublions pas). Donc ici si le titre cotait 20 euros en 2015 et payait 1 euro de dividende, le rendement était de 5%.
En 2016 le prix de l’action a été coupé en deux comme vous pouvez le voir, on a donc toujours un dividende de 1 euro pour un prix de 10 euros, soit 10% de rendement (N.B. : Pour les mathématiciens pointilleux qui me lisent (et je sais qu’il y en a), 1 euro est une approximation donnée pour faciliter les calculs, le vrai dividende était exactement de 1.10)
Donc si vous trouvez un titre qui chute a une vitesse suffisamment vertigineuse, vous allez trouver les meilleurs rendements du marché! En ayant acheté EDF sur le seul critère de son rendement en 2015 vous auriez perdu 50% de la valeur de votre portefeuille pour toucher un dividende de 1 euro par titre.
Imaginons que vous ayez investi 1000 euros dans le titre en 2015. Vous avez donc 50 titres à 20 euros. Vos 50 titres paient 10% de rendement soit 100 euros sur vos 1000 euros. Votre portefeuille a perdu 50% de sa valeur, reste 500 euros + 100 euros de dividendes = félicitations, vous avez perdu 40% de votre portefeuille en moins d’un an.
L’argument généralement avancé ici pour éviter de faire face à la dure réalité est « ok j’ai perdu 40% de mon portefeuille, c’est beaucoup mais j’investis pour le rendement : je vais toujours toucher des dividendes de 10% tous les ans sur mes titres! »
Et c’est FAUX! A cause de l’erreur numéro 2.
2/ Croire qu’un dividende fonctionne comme le rendement d’un livret
Certains confondent les rendements distribués par les actions avec les rendements des obligations ou d’un compte sur Livret chez leur banquier. Il pensent que voir écrit qu’une action paie 9.5% garanti un rendement à vie de 9.5%. Ce n’est absolument pas le cas.
Souvent il y a une idée fausse dans la tête des investisseurs qui est que soit une action paye, soit elle fait faillite mais qu’il n’y a pas de scénario intermédiaire. Ils partent donc du principe qu’une action comme EDF ne fera pas faillite et qu’ils toucheront toujours leur dividende.
Ce mode de fonctionnement est celui des obligations, pas des actions. Si vous achetez une Obligation EDF à 2% de rendement, EDF vous remboursera dans 100% des cas à l’échéance si elle n’a pas fait faillite et le taux de 2% ne peut pas bouger.
Dans le cas des actions, les dividendes peuvent être coupés à n’importe quel moment. C’est à dire que votre rendement de 10% ne va pas probablement pas durer.
Conclusion vous vous retrouvez avec une action dont la valeur est coupée en deux ET qui en plus paie de moins en moins.
Reprenons l’exemple des deux actions évoquées au dessus, EDF et Société Générale.
Le dividende de EDF a déjà été coupé de 1.25 à 1.10 en 2015. Et il est prévu qu’il soit encore coupé en 2017. En fait le dividende a été coupé régulièrement au cours de ces dernières années. On a donc un titre qui est engagé dans une spirale de prix négative ET dans une spirale de dividende négative. Dommage pour Jérôme numéro 1.
Et qu’en est-il de Société Générale conseillée par Jérome numéro 2? C’est encore pire. Le dividende a été coupé en 2008, annulé en 2011 et coupé de nouveau en 2012. Plutôt dommage si vous êtes retraité et que vous comptez sur eux pour payer vos factures…
Et au niveau du cours alors? Et bien nous sommes en 2017 et le cours de l’action SG est toujours en dessous de son cours de 2009 de 50 euros et très loin de ses plus hauts historiques de 2007 à … 150 euros. 10 ans pour une action dont le cours est divisé par 3, et qui a coupé ses dividendes régulièrement.
Maintenant essayons d’oublier un instant que nos 2 Jérômes ont tenté de nous embarquer avec eux dans leurs choix d’investissement tout pourris et jetons sur eux un regard plein de compassion.
Comment ont-ils pu se laisser embarquer dans cette galère?
A cause de l’erreur numéro 3.
3/ Acheter une action sous prétexte qu’elle n’est pas chère
L’argument erroné de « l’achat en soldes » est un des plus vieux de l’histoire de la bourse.
Dans la vraie vie un objet qui passe de 100 à 50 euros pendant les soldes est 90% du temps, effectivement, une affaire (sauf quand le magasin essaie de nous escroquer en majorant le prix barré pour nous faire croire que s’en est une, mais c’est un autre débat). Sauf que dans le monde financier ces règles n’ont plus court du tout. Déjà parce qu’un titre peut monter de 10 000% ou chuter de 100%, et ensuite parce que le jeu des pourcentages est trompeur. Je m’explique.
Si comme EDF une action passe de 80 à 40 euros elle a perdu 50% de sa valeur. Certains pensent que c’est une bonne affaire. Puis de 40 à 20 elle perd encore 50%. Puis de 20 à 10 elle perd encore 50%. Et si vous l’achetez à 10 et qu’elle tombe à 1 euro vous aurez perdu 90%. L’idée est que le prix ne compte pas. L’acheter à un prix moins élevé ne rend pas l’action plus sure si la société est mauvaise : dans l’absolu elle peut toujours coter en centimes et vous faire perdre 50, 60, 80%.
D’où le proverbe boursier « on ne rattrape pas un couteau qui tombe« .
Mais si le principe est connu depuis des décennies, pourquoi les gens continuent de répéter les mêmes erreurs encore et encore?
La science a expliqué pourquoi : le prix auquel cotait une action dans le passé joue souvent un rôle d’ancrage psychologique.
Qu’est ce que c’est que ça?
C’est un biais cognitif dont l’existence a été démontrée par les prix Nobel d’économie comportementale Kahneman et Tversky. L’idée est que notre cerveau a tendance à utiliser la première valeur qu’on lui donne comme point de référence, même si cela n’a pas forcement de sens.
Par exemple si je prends 2 groupes de personnes, que je demande au premier groupe « A quel âge est mort Ghandi, avant ou après ses 9 ans? » et que je demande à un second groupe « A quel âge est mort Ghandi, avant ou après 140 ans? », il se trouve que la moyenne estimée par le second groupe est beaucoup plus élevée que la première. Simplement parce que dans le second cas j’ai donné un gros chiffre, et même si il est évident que cela ne devrait pas avoir d’influence sur notre décision puisque tout le monde sait que Ghandi est mort après ses 9 ans et avant ses 140 ans. (lien de l’expérience ici si vous êtes anglophile)
Dans le contexte d’une action si la première fois que l’on voit un titre il cote 100 euros et qu’il passe ensuite à 50 euros, on aura automatiquement tendance à penser qu’il n’est pas cher et on aura tendance à ignorer plus facilement les éventuels problèmes (pourtant évidents parfois) de la société. Le prix de 100 euros nous aura « ancrés » psychologiquement.
Alors, comment éviter tous ces problèmes?
Et bien déjà en évitant les titres engagés dans des dynamiques de coupe régulières de leur dividende. Cela peut paraitre évident nous sommes d’accord, mais quand je vois des Jérômes agiter fièrement leurs gros rendements sur leurs actions toutes pourries sans avoir pris la peine de vérifier au moins cet élément, cela me hérisse légèrement le poil. Des gens de ma famille s’étant déjà fait avoir par des conseillers financiers douteux (et ayant perdu de l’argent sur Société Générale, entre autres), j’ai du mal à laisser passer ce genre de choses.
Le second point est d’être moins gourmand au niveau des rendements recherchés. Gardez à l’esprit : acheter une action uniquement pour son rendement c’est comme se marier avec quelqu’un uniquement pour son physique. Vous ne serez pas le premier à vous faire avoir mais cela ne se terminera probablement pas bien.
Le troisième point c’est de ne pas acheter sous prétexte que le prix est bas mais de toujours enquêter pour savoir pourquoi le prix est bas. Si vous ne pouvez pas expliquer pourquoi en quelques mots : n’achetez pas. Vous n’achetez pas qu’un morceau de papier qui vous paie (ou pas) régulièrement quand vous achetez des actions, vous achetez une société. Si la société ne va pas bien, forcement, elle ne vous paiera pas. Ce n’est pas une manière pérenne d’investir son argent durement gagné.
J’espère que cet article vous évitera de tomber dans quelques pièges classiques tendus par certains individus (parfois malgré eux), la semaine prochaine je vous montrerai qu’il n’y a pas besoin d’investir dans les actions à haut rendement pour obtenir de très bons résultats boursiers.
Yoann says
Bonjour,
Merci pour cette article, une piqure de rappel ne fait jamais de mal.
Le dividende pérenne dans le temps fait partie des premiers critères que je regarde chez une société avant d’acheter des actions avec le bénéfice croissant sur 10 ans et le ratio ROE/ROIC.
Au plaisir,
Yoann
Allan says
Merci pour cet excellent article
Xavier says
Je vais me lancer prochainement dans l’achat d’actions, la bourse et ses mystères … je suis en phase de documentation et d’apprentissage, et merci pour votre article modérateur d’ardeurs et qui ramnène les 2 pieds sur terre.
Il est si vrai que de nombreux « experts » boursicoteurs trainent sur les réseaux, mais en gardant tête froide ( tiens je crois avoir déja lu ça quelque part « faire abstraction de ses sentiments », pourquoi ne pas utiliser ses boursicoteurs et leurs conseils comme exemples à ne pas faire ?? Ça peut être très instructif comme votre article l’est .
Merci encore.