Trop de gens pensent encore qu’il est possible de devenir riche rapidement grâce au trading. Dans cet article, nous allons voir pourquoi choisir le trading est l’une des pires décisions que vous puissiez prendre si vous voulez vous enrichir, et quels sont les principaux dangers du trading.
Les réseaux sociaux nous donnent parfois l’illusion que le trading est une activité « facile » avec laquelle on peut commencer à gagner de l’argent en quelques semaines. Il n’en est rien. Nous allons présenter ici quelques statistiques récoltées sur plus de 60 000 comptes de trading.
Nous allons voir en détails qui gagne, qui perd et dans quelles proportions. Et comme vous allez le voir : la réalité est très différente de l’image qui nous est souvent vendue.
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Le trading : un danger pour vos finances?
Il y a quelques années de cela, Barber et Odean (deux doctorants en finance) ont publié une large étude visant à illustrer les dangers du trading intitulée « Trading is hazardous to your wealth » (traduction approximative : « le trading est dangereux pour vos finances« ).
Pour faire cela, les deux auteurs ont étudié les performances de 66 465 comptes de trading aux États-Unis sur une période de 5 ans, en séparant les comptes qui faisaient le plus de transactions (les traders), et ceux qui faisaient le moins de transactions (les investisseurs).

Voici quels ont été les résultats respectifs de chaque groupe :
- Le groupe qui passait le moins de transactions a affiché des retours annuels de 18.5% sur la période étudiée.
- Le groupe qui passait le plus de transactions à affiché une performance de 11.4% sur la période étudiée
(N.B : Pour information le marché affichait une performance de 17.9%/an sur la période).
Cela veut dire que les comptes qui passaient le plus de transactions (les traders) ont réalisé une performance annuelle 7% plus mauvaise que les comptes qui se sont simplement contenté d’investir et sont partis jouer au golf (et 7% de moins par an, cela signifie laisser près d’un tiers des gains annuels sur la table!).
Barber et Odean lient les résultats de cette étude à un problème de surconfiance et de frais de transaction élevés : les traders particuliers surestiment leurs chances de pouvoir battre le marché, paient trop chers en frais de transactions (même chez des courtiers low cost) du fait du nombre de transactions élevé, et s’entêtent alors que les probabilités sont contre eux dès le départ.
Le conseil de Barber et Odean pour gagner plus d’argent sur les marchés est simple : faites le moins de transactions possibles. La phrase de conclusion de leur étude est sans appel : « ceux qui tradent le plus sont ceux qui perdent le plus . »
Cependant vous vous dites peut être une chose ici : les performances sont peut être plus mauvaises, mais il semble que tout le monde gagne de l’argent ici non? C’est le cas car cette étude a été réalisée durant une période de marchés particulièrement favorables.
Penchons nous maintenant sur une autre étude réalisée sur les performances des day traders.
Combien de traders perdent de l’argent : les véritables chiffres
Dans le monde de la bourse, on dit souvent que 95% des traders perdent de l’argent, et qu’il y a seulement 5% de traders gagnants. Parfois on entend qu’il y a 80% de perdants, et 20% de gagnants.
Barber et Odean (qui n’aiment décidément ni les approximations, ni les gens qui font du trading) ont décidé de déterminer quel était le véritable pourcentage de day traders perdants en réalisant une nouvelle étude.
Ils ont observé toutes les transactions réalisées par des day traders sur la bourse de Taiwan pendant 15 ans. Et il en est ressorti que le chiffre de 95% de perdants est en dessous de la réalité.

Voici quelques unes des conclusions de cette étude :
- La performance aggrégée des daytraders est négative sur chacune des 15 années étudiées
- 98% des daytraders perdent de l’argent
- 40% des day traders arrêtent au bout d’un mois
- 87% arrètent sous 3 ans
- 93% arrètent sous 5 ans
Et le mot de la fin de de leur étude :
« Faire du day trading n’est pas plus profitable ou plus rationnel que de jouer à la roulette, et on ne peut pas plus apprendre à devenir un day trader gagnant qu’à devenir un joueur de casino gagnant.«
Les dangers du trading : Un œil objectif sur la concurrence
Ayez conscience de qui sont vraiment vos concurrents dans le domaine du trading.
Des doctorants en mathématiques financières, des ingénieurs, des intelligences artificielles programmées par les meilleurs cerveaux de la planète, des robots qui peuvent passer des transactions à la nanoseconde, des gérants de hedge fund avec 40 années d’expérience.
Ayez conscience que ces gens (et ces robots) sont meilleurs de minute en minute, car chaque année la technologie évolue et le niveau de connaissance général des marchés évolue (la preuve est dans les chiffres, car le niveau de surperformance des meilleurs gérants de la planète, leur « alpha« , comme on l’appelle en finance, diminue d’année en année).
Maintenant, repensez à la partie de l’étude de Barber et Odean qui explique que le premier problème des apprentis traders est l’excès de confiance dans leur capacité à battre le marché. Pensez-vous en toute objectivité qu’il soit possible de faire mieux que tous ces gens en regardant simplement quelques graphiques boursiers le soir en 10 minutes après le travail?
Et les gagnants? (des singes et des machines à écrire)
Une fois que nous avons constaté qu’il y avait beaucoup (beaucoup) plus de traders perdants que de traders gagnant, une autre question survient. Les 2% de traders gagnants ont-ils des compétences spéciales? (ont-ils un secret?)
Quand une proportion si écrasante de gens échouent, et qu’une minorité réussit, un problème d’ordre intellectuel, philosophique et statistique apparaît : il devient très difficile de dire si ces gens réussissent parce qu’ils sont talentueux, ou parce qu’ils sont juste extrêmement chanceux.
En statistiques, ce problème est souvent exemple illustré par l’histoire suivante : si l’on place dans une pièce un nombre suffisamment grand de singes qui tapent sur des machines à écrire pendant une durée suffisamment longue : statistiquement, l’un des singes finira par taper un ouvrage complet de William Shakespeare.
Est-ce que cela veut dire que ce singe à des capacités littéraires très nettement supérieures aux 99.9% d’anthropoïdes présents dans la pièce? Ou est-ce simplement que, comme au loto, il doit bien y avoir quelques gagnants du simple fait des probabilités et du hasard ?

Si une infinité de gens jouent à pile ou face, il y aura quelqu’un dans le lot qui fera pile 50 fois d’affilée. Des études en psychologie ont prouvé que les gens qui avaient de meilleurs résultats que la moyenne au jeu de pile ou face tendaient à penser qu’ils avaient développé une technique pour faire tomber la pièce plus souvent du coté qu’ils souhaitaient.
Dans les faits ce n’est bien sûr pas le cas : les lanceurs de pièce sont simplement devenus surconfiants à cause de leur série de lancers chanceux (comme les traders de l’étude de Barber et Odean). C’est un biais psychologique naturel de se croire responsable de ses victoires et de rejeter la responsabilité de ses échecs.
Maintenant imaginez que notre singe dactylo évoqué précédemment soit si convaincu de son talent, si encensé par ses amis singes pour son exploit d’écriture, qu’il se mette à faire une méthode intitulée « comment écrire un chef d’œuvre », et qu’il vous la vende. Quels résultats pensez vous que vous allez obtenir en l’appliquant?
La place de l’instinct (et de la chance) en trading
Je conclurai cet article pour appuyer mon propos général par une citation du fils de Georges Soros (milliardaire boursier, gérant de fonds, et trader célèbre :
« Mon père (George Soros), vous donnera souvent de longues théories pour vous expliquer pourquoi il prend telle ou telle décision d’investissement. Je me souviens l’avoir vu se lancer dans de grandes explications quand j’étais enfant et penser « Mon dieu, mais quel tas de conneries ! ».
Je veux dire, pour l’avoir vu faire, la raison pour laquelle il change ses positions sur les marchés la plupart du temps c’est que son dos commence à lui faire un mal de chien. Ça n’a rien à voir avec la raison. Il a une sorte de spasme et c’est le signal. »
Soros lui même a admis se baser grandement sur ses « instincts primaires » pour prendre ses décisions d’investissement, c’est probablement pourquoi vous pourrez lire tous ses livres et étudier toutes ses transactions, vous ne gagnerez jamais d’argent comme lui le fait.
C’est un peu la même chose pour Warren Buffett (bien que Buffett soit un investisseur et pas un trader) : ses méthodes sont connues de tous et pourtant personne n’arrive à l’égaler. Chance insolente ou « ingrédient secret »? Sur les marchés il est souvent difficile de faire la différence entre les deux. Et si talent il y avait, il est difficilement transmissible.
Le meilleur trader du monde pourrait vous dévoiler tout son système en détails : cela ne vous servirait probablement à rien, car la véritable raison de son succès n’est tout simplement pas le système (une conclusion dont j’ai moi même pris conscience dans la douleur, après avoir acheté bien trop de méthodes de trading).
Si vous êtes face à un trader gagnant, il s’agit soit de chance pure, soit d’une mémoire procédurale accumulée pendant ses dizaines d’années d’expérience de trading, et ce sont deux choses que l’on ne peut malheureusement pas acheter pour quelques euros sur internet.
Vous gagnerez tout à laisser cela de coté, et à vous concentrer sur des méthodes d’investissement plus simples, qui mettent réellement les chances de votre coté, car comme le dit Warren Buffet, la règle numéro pour gagner de l’argent, c’est avant tout d’éviter d’en perdre.
(PS : si le sujet vous intéresse, je vous mets en lien cette petite vidéo de Charles Dereeper qui a plus de 20 ans d’expérience en trading et qui vous confirmera à travers son expérience la réalité des statistiques désastreuses évoquées ci-dessus)
Bonjour Pierre,
Je suis absolument d’accord avec toi concernant la dangerosité du daytrading et du swingtrading.
J’aimerais par contre connaitre ton avis sur le trading de position, qui est selon moi bien moins stressant et chronophage que le daytrading, et bien plus sécurisant.
Du fait qu’il se base sur le pyramidage et la gestion du risque, le rendement long terme peut être colossal, et le risque bien faible (voire inexistant dans certains cas).
Après cela reste un avis personnel !
Merci d’avance pour ta réponse !
Anthony
Bonjour Anthony,
Alors tu as tout à fait raison pour ce qui est de l’augmentation des chances de succès en allongeant l’horizon temporel : en général, plus on se place sur de longues unités de temps, meilleures sont les probabilités de réussite (et les signaux d’achat/vente sont plus fiables).
Cependant il ne faut pas sous estimer la difficulté de gagner de l’argent sur les échéances de temps plus longues également. Comme dit dans l’article, beaucoup de hedge fund et de gérants professionnels jouent à ce jeu là et il est loin d’être évident. Tout doit être optimisé et testé (critères d’entrée/sortie, taille de position, critères d’ordre stop, adaptation aux conditions de marché, etcetc)
La plupart de ces systèmes se basent sur une forme de suivi de tendance et le problème est que quand les marchés passent en range, ces systèmes ont tendance à ne plus fonctionner, parfois durant de longues périodes, ce qui les rend parfois extrêmement difficiles à appliquer.
Le risque d’exploser son compte est certes beaucoup plus faible que dans le daytrading mais il y a une autre forme de risque : celle de faire moins bien que le marché (ce qui arrive malheureusement souvent), et celui de se faire stopper fréquemment (ce que les américains appellent « death by a thousand cuts »).
Bref si je devais résumer : est-ce qu’il est possible de réussir en trading en se plaçant sur des échéances de temps plus longues et en ayant un système robuste : oui absolument. Est-ce que c’est facile à faire : absolument pas, et comme pour les autres styles de trading seule une petite minorité de gens y arrive (et la plupart sont des professionnels du secteur avec des années d’expérience ou des mathématiciens)