Faut-il être intelligent pour devenir riche? On nous dit souvent que oui, et pourtant nous connaissons tous des gens très intelligents peinant à boucler leurs fin de mois.
L’affreux matérialiste que je suis a toujours eu dans l’idée qu’une personne vraiment intelligente devait forcement être capable de trouver un moyen de devenir riche, ou tout du moins d’arriver à vivre très confortablement (car sinon, à quoi bon être malin après tout?).
Et pourtant je me suis rendu compte d’une chose (qui m’a semblé tragique) en effectuant un suivi à travers les années des individus les plus brillants que j’ai croisé dans ma vie (comprenez les ex-premiers et premières de mes classes de collège, lycée, faculté, etc…) : non seulement la plupart ne sont pas riches, mais certains se trouvent même à ce jour dans des situations financières tout à fait désastreuses. Comment est-ce possible? Intelligence et richesse sont-elles vraiment liées?
C’est une question que je me suis longtemps posé car les implications semblaient déprimantes : si des individus plus malins que moi n’y arrivaient pas comment aurais-je, moi, la moindre chance de réussir? Avec les années j’ai commencé à voir qu’il y avait beaucoup, beaucoup d’autres facteurs plus importants que l’intelligence pure (rétrospectivement cela me semble maintenant évident mais j’ai réellement mis beaucoup de temps à le comprendre).
Mieux encore une étude très approfondie a récemment été réalisée par un prix nobel d’économie à ce sujet, et j’aimerais vous en présenter les conclusions dans cet article, car je pense qu’elles sont très intéressantes.
Intelligence et richesse : ce que nous dit la science
Dans un essai paru dans les années 2000 intitulé « quotient intellectuel et richesse des nations », Flynn et Vanhanen, deux professeurs en psychologie et science politique défendaient l’idée qu’il existait un lien très fort entre l’intelligence moyenne d’un pays (mesurée par le quotient intellectuel) et son niveau de richesse, suggérant l’idée que oui, il existe bien une relation positive entre intelligence et richesse. Cependant cet article a été très critiqué (notamment à cause du fait que les données sur le QI peuvent facilement être manipulées, et que cette mesure est influencée par beaucoup de facteurs tels que l’éducation, les conditions de vie, etc…).
De plus quelque chose ne collait pas : si il faut réellement être intelligent pour être riche, comment se fait-il que l’homme le plus intelligent des Etats-Unis, Chris Langan (dont le quotient intellectuel est estimé entre 195 et 210, ce qui fait de lui l’un des hommes les plus intelligent ayant jamais vécu), ait passé la majorité de sa vie à travailler dans un ranch et comme videur de boite de nuit en peinant à joindre les deux bouts?
Warren Buffett, le plus grand investisseur du 20ème siècle a toujours défendu l’idée que les marchés financiers (et le monde des affaires) « ne sont pas un domaine où celui qui a 160 de QI bat celui qui a 100 de QI », et qu’il faut quelque chose de bien plus important que la simple intelligence pour réussir : le caractère. Il semblerait que les dernières recherches académiques viennent donner raison à Mr Buffett.
James Heckman, doctorant et prix nobel d’économie a récemment sorti les conclusions d’une étude de long terme qu’il a réalisé sur la relation existant entre le niveau de richesse d’un individu, son intelligence et son caractère (je remercie au passage Faye Flam qui m’a fait connaitre ce papier via son article sur Bloomberg intitulé « If you’re so smart, why aren’t you rich« ).
Il semblerait que le lien entre intelligence et succès financier soit beaucoup, beaucoup plus faible que l’on ne pourrait le croire. Lorsque l’on interroge les gens, le poids qu’ils attribuent à l’intelligence de quelqu’un pour expliquer sa réussite (financière ou professionnelle) se situe généralement entre 25 et 50%. L’économiste James Heckman a étudié le sujet et il semblerait qu’il n’en soit rien. Selon lui, le quotient intellectuel est un facteur qui compte pour moins de 2% dans la réussite d’un individu.
Mais si le Q.I ne compte pas tant que cela, alors qu’est ce qui compte?
Et bien comme l’avait suggéré l’Oracle d’Omaha il y a des années déjà, il semblerait que le premier facteur déterminant le succès financier soit… le caractère. Ou plus précisément certain traits de personnalité bien spécifiques comme la persévérance, la méticulosité et l’auto discipline.
L’étude réalisée par Heckman est réellement impressionnante : elle a suivi des centaines de personnes durant plusieurs décennies, pris en compte des dizaines de facteurs allant de l’indice de masse corporelle au casier judiciaire ; voici un graphique tiré de son papier de recherche qui illustre bien ses conclusions.
Vous pouvez voir ici le lien existant entre le quotient intellectuel en noir et la personnalité en gris, avec le niveau de salaire, la propension à la dépression, la santé physique et la santé mentale. Pour tous ces facteurs, la personnalité est un facteur bien plus important que l’intelligence pure.
Pourquoi cette étude est-elle importante?
Parce qu’elle confirme grand nombre de vieux adages financiers (tel que « le succès n’arrive pas tant au brillant qu’au discipliné« ). Et qu’elle vient confirmer indirectement pourquoi il y a très peu de chances de découvrir quoi que ce soit d’utile en cliquant sur les fameux articles « devenez riche rapidement » que l’on trouve un peu partout sur internet. Si les traits de caractère prédisposant à l’enrichissement sont la persévérance, la méticulosité et l’auto discipline, comment espérer réussir en utilisant des méthodes qui ne nécessiteraient l’usage d’aucune de ces qualités?
De plus ces conclusions sont en parfait accord avec un autre test qui avait été réalisé il y a quelques années : le test du Marshmallow. Dans cette étude, il avait été constaté que les enfants qui très jeunes étaient capables de résister à la tentation de manger immédiatement un Marshmallow en échange de la promesse d’avoir plus tard un second Marshmallow (et donc les enfants qui comprenaient le mieux le concept de gratification différée et qui avaient le meilleur niveau d’auto discipline) étaient aussi ceux qui avaient tendance à mieux réussir dans la vie, ceci indépendamment de leur quotient intellectuel.
Exactement comme le test du Marshmallow, devenir riche découle plus de la patience et du caractère que de capacités intellectuelles extraordinaires. Tout investissement susceptible de conduire à l’enrichissement viendra mettre à l’épreuve votre capacité à rester discipliné avant votre intellect : a chaque fois que la bourse chutera vous devrez maitriser vos émotions. Quand vous investirez dans l’immobilier, votre méticulosité dans les calculs que vous effectuerez sera testée. A chaque fois que vous éplucherez des listes de centaines de petites annonces ou de centaines d’actions dans l’espoir de trouver la bonne, votre persévérance sera testée. Ce n’est jamais facile.
Cependant il y a une bonne nouvelle. Si agir sur un facteur inné comme l’intelligence peut sembler impossible, améliorer certains traits de sa personnalité est tout à fait faisable. Prenez la persévérance par exemple. De nombreuses études ont été faites sur le sujet, et les conclusions ont été que la persévérance et la volonté fonctionnent un peu comme des muscles : plus on les utilise, plus on les renforce. Travailler à développer ces traits de caractère est donc loin d’être une cause perdue, mais ce n’est certainement pas quelque chose de facile, et c’est là que se situe la véritable barrière.
Le coté positif de tout cela c’est que ces études prouvent que personne n’a besoin d’être un génie pour réussir. Alors ne vous laissez plus avoir par les gens qui utiliseraient encore le critère de l’intelligence comme un argument (je pense en premier lieu aux professeurs des écoles qui sont toujours bien prompt à ressortir ce vieux cliché).
Un ami a moi avait souvent de mauvaises notes lorsque nous étions à l’école primaire et les professeurs n’hésitaient pas à le traiter d’imbécile et à lui dire qu’il n’accomplirait jamais rien dans la vie. Il leur répondait toujours très calmement, comme si il ne tenait aucun compte de leur point de vue, ce qui bien sur avait le don de les mettre hors d’eux. Cela lui a causé beaucoup de problèmes durant sa scolarité. Aujourd’hui il vit au 30eme étage d’une tour située dans l’un des endroits les plus chers du monde, et il a une piscine dans son appartement. Il n’était peut être pas le plus intelligent de la classe, mais curieusement je n’ai jamais entendu quelqu’un lui reprocher de manquer de caractère…
Yoann says
Très bon article,
Oui en effet, moi aussi j’ai la conviction qu’être bête est discipliné vaut mieux qu’être intelligent et paresseux et ce quelque soit les domaines de sa vie ( après si on est discipliné et intelligent c’est parfait aussi 😉 )
D’ailleurs les plus grande choses que j’ai accomplie dans ma vie ( parler anglais et japonais, gagner de l’argent en bourse, être musclé et en bonne santé …) je l’ai doit plus à ma discipline qu’à mon intelligence, donc oui j’approuve à 100% 😉
Pierre says
Salut Yoann!
Même constat de mon coté. La combinaison parfaite étant d’être intelligent, discipliné et chanceux! (mais j’en ai rencontré peu qui réunissaient les trois :-p )
Le Journal D'un Trader says
Superbe article qui reflète bien tous ce que j’ai lu sur le sujet et ma propre expérience : sans discipline et sans un bon « mindset », on peut être aussi intelligent que l’on veut, cela n’impliquera pas automatiquement la réussite du côté financier. Il y a beaucoup de choses et de concepts à apprendre et votre site m’a l’air d’être un bon média pour cela ! Bravo ! Je vais partager ce superbe article sur mes réseaux.
Pierre says
Merci à vous 😉
RENE MAVOUNGOU PAMBOU says
C’est une réflexion fort pertinente! En effet, être intelligent est une chose non moins importante, mais cela ne suffit pas pour autant quant à la réussite sociale de l’individu. En fait, réussir dans la vie implique davantage autre chose certes, mais il n’en demeure pas moins que ce sont les intelligences qui créent la richesse. Pour ce faire, on peut être intelligent, encore faudrait-il avoir l’aptitude et la capacité nécessaires à gérer cette faculté cognitive à bon escient en vue d’un éventuelle ascenssion sociale.