On me pose souvent la question (par mail ou dans les commentaires) : Quel est l’intérêt d’acheter des actions individuelles? (plutôt que de simplement investir dans un fonds diversifié)?
Il y a quelques mois j’avais publié un article intitulé « 5 actions en soldes qui paient des rendements supérieurs au marché ». Dans cet article, je présentais 5 valeurs qui (selon ma propre grille d’analyse) se payaient relativement peu cher tout en proposant des dividendes élevés (dont 3 que je trouvais particulièrement intéressantes à cette période).
Pour illustrer « en temps réel » quelle peut être la valeur ajoutée d’un bon choix d’action (et suite à la période boursière un peu difficile que nous venons de traverser), je vous propose donc de faire une petite mise à jour de la valeur des titres présentés dans cet article 6 mois plus tard.
Les actions « en soldes » initialement présentées
Si vous ne souhaitez pas relire tout l’article, en voici la conclusion :
« Des 5 valeurs présentées (offrant toutes des niveaux de dividendes supérieurs à l’indice S&P 500), ma préférence personnelle en terme de rapport risque/rendement va actuellement vers Abbvie, 3M et JNJ, et un peu moins vers AT&T et Altria. […]
Je souhaitais en tous cas illustrer à travers cet article le fait que même dans un marché haussier « mature » il est possible de trouver des titres raisonnablement valorisés, et offrant des niveaux de dividendes plus intéressants que ceux des trackers sur indices actuels.»
J’ai donc pensé qu’il serait intéressant (suite à la période boursière un peu plus agitée de ces derniers mois) de faire un bilan de comment un portefeuille composé des 3 titres mis en avant dans cet article se serait comporté « en live » depuis sa publication.
(Ce genre d’exercice me permet aussi de vous montrer un stock picking « en temps réel » puisque lors de l’article de juillet, je n’avais aucune idée de ce qui allait se passer sur les 6 prochains mois).
Performance du portefeuille 3 titres
Voici donc un portefeuille composé des 3 « top picks » de l’article (ABBV, 3M et JNJ) entre cet été et aujourd’hui :
Un portefeuille qui aurait investi dans les 3 actions présentées au moment de l’article en juillet aurait obtenu une performance de +5.6% (contre -1.4% pour l’indice S&P 500 sur la même période, soit un différentiel de +7% en faveur du portefeuille).
Pour cette simulation j’ai simplement pris une somme de base de 30 000 dollars, j’ai investis 10 000 dollars dans chaque action pour le portefeuille et 30 000 directement dans l’indice comme référence (à la fin des 6 mois le portefeuille de 3 titres vaut 31 682 dollars, celui investi dans l’indice en vaut 29 585).
Les 3 titres ont été sélectionnés en fonction des critères que je présente en détails sur le site et dans la formation (qualité, robustesse, dividendes croissants, valorisation attractive, etc…).
Et le portefeuille de 5 titres?
Même si AT&T et Altria n’étaient pas nécessairement aussi intéressantes que les 3 autres, observons (pour l’exercice) comment se serait comporté un portefeuille simplement composé des 5 titres de l’article :
Le portefeuille a réalisé une performance de +1.7% (contre -1.4% pour l’indice boursier S&P 500) sur la même période. Il y a donc toujours une surperformance de +3.1% par rapport à l’indice (mais elle est un peu moins significative, il est vrai). En revanche, vous auriez perçu des dividendes nettement plus élevés que la moyenne de la part d’AT&T (6% environ vs 1.8% pour l’indice) et d’Altria (5% environ vs 1.8% pour l’indice).
J’ai pensé qu’il serait intéressant de vous présenter ces résultats de suivi puisqu’ils sont particulièrement en accord avec les postulats qui avaient été posés initialement en juillet (après tout c’est bien beau de vous présenter des analyses régulières sur le site, mais si les résultats suivent c’est tout de même mieux!).
(N.B : Je précise au passage ici qu’il s’agit d’un exercice de style et que je ne conseille à personne d’investir dans un portefeuille composé de seulement 3 titres (chose qui serait bien trop risquée) et recommande un degré plus large de diversification pour gagner en sérénité et en stabilité.)
Une brève étude de l’état du marché sur la même période
Selon le site Finviz, sur 7547 actions actuellement listées (pour le marché US) :
- 73% ont réalisé des performances négatives sur les 6 derniers mois (5524 titres sur 7547)
- 53% ont perdu 20% ou plus depuis leurs plus hauts annuels (4035 titres sur 7547)
- 15% ont perdu 50% de leur valeur ou plus depuis leurs plus hauts annuels (1102 titres sur 7547)
73% des actions américaines ont donc des performances négatives sur les 6 derniers mois (un environnement qui ne pardonne pas autant que l’an dernier si vous avez été un peu laxiste sur votre sélection de titres).
Ces statistiques cadrent cependant avec celles de plus long terme que j’avais déjà posté sur le site et qui mettent en avant que 75% des actions ne vont nul part, et que la majorités des gains des marchés boursiers ne sont générés que par une minorité d’actions (qu’il vaut mieux éviter de rater donc) :
La résultante de ce constat, c’est qu’investir sur le top 25% des sociétés de qualité supérieure débouchera mécaniquement sur de la surperformance pour un individu qui investi dans des actions individuelles par rapport à quelqu’un qui investi dans un tracker.
La mauvaise nouvelle c’est que trouver ce fameux « top 25% » n’est pas chose facile, et que l’on a (statistiquement) 75% de chance de se tromper en agissant sans méthode solide et éprouvée (d’où l’importance de se former).
Conclusion
J’espère que ce bref récapitulatif du portefeuille de 3 titres présenté dans l’article de juillet vous aura intéressé.
Je voulais en profiter pour revenir rapidement sur la question du « stock picking vs fonds diversifié » ici, car je sais que beaucoup d’investisseurs enthousiastes se lancent parfois dans l’aventure sans connaitre les statistiques en « 75/25 » du monde de la bourse.
La réalité est que sélectionner de bons titres et les acheter au bon prix peut sembler simple sur le papier mais est loin d’être facile en pratique. Ceci étant dit, comme nous l’avons vu ici, un stock picking bien réalisé peut vous aider (si vous avez l’expertise, le temps et les ressources nécessaires à y consacrer) à naviguer à travers les périodes de marchés difficiles avec moins de sueurs froides.
Laurent says
J’avais suivi tes conseils à l’époque et j’ai investit dans les actions à forts dividendes conseillées. A ce jour, j’ai fait +11% dividendes compris (+10% sans les dividendes) soit une rentabilité annuelle de 22%. Très correct compte tenu de la baisse de ces derniers jours.
J’aurais pu faire mieux mais j’avais acheté TXN qui a perdu 13%.
Pierre says
Bonjour Laurent,
Merci pour ce retour positif. Effectivement, c’est une belle performance compte tenu du contexte de marché de cette année (qui est loin d’être évident).
Par rapport à TXN, j’en profite aussi pour faire un bref rappel sur le fait que toutes les actions que je présente ou choisi (même dans le cadre de mon portefeuille personnel) ne sont pas forcement toutes de grands gagnants (surtout sur une période aussi courte que 6 mois).
Par exemple dans le portefeuille présenté ici, l’essentiel de la surperformance a été générée par le titre JNJ mais au moment de l’acheter, je ne savais pas que ce serait lui le « grand gagnant » des 3, j’ai simplement acheté 3 sociétés de bonne qualité attractivement valorisées.
Mon portefeuille personnel (qui est beaucoup plus diversifié) suit grosso modo les mêmes règles avec une majorité d’actions assez latérales (mais qui versent de généreux coupons), quelques petites pertes, et quelques « grands gagnants » qui viennent générer l’essentiel de la surperformance. Ces quelques grands gagnants (additionnées à un processus de sélection qui permet d’éviter ou limiter fortement le nombre de « grands perdants ») suffisent à faire la différence sur le long terme.
Francois says
Présenter le résultat de vos prévisions vous honore car bien peu de blogueurs ou de grandes figures médiatiques de l’industrie de la finance se prête à l’exercice. Leurs résultats sont trop mitigés et s’ils le faisaient systématiquement, ils perdraient leur crédibilité, car ils vendent avant tout leur opinion. Ou ils ne parlent que de leurs bons coups, alors que vous n’avez pas hésité à inclure AT&T et Altria dans votre exemple, et en toute honnêteté, vous aviez clairement indiqué que vous préfériez les trois autres titres.
Ceci dit, étant moi-même dans Altria depuis 2008 (je garde très longtemps mes titres, parfois trop), je le regarde aller, et je me demande si ça serait pas le temps de rempiler, vu sa dépréciation récente et son incursion dans le domaine du cannabis. Ainsi, il faut savoir que la situation évolue toujours à la bourse, et que si vous referiez la même analyse aujourd’hui qu’il y a six mois, peut-être proposeriez-vous des titres différents parmi ces cinq?
On parlait aussi beaucoup du 80/20 dans mes cours RH et de gestion. On dirait que dans la vie, 20% des choses causent toujours 80% des effets. En santé, 20% des malades comptent pour 80% des coûts. Dans une équipe de travail, 20% des employés causent 80% du tracas au gestionnaire. Vous décrivez une situation qui s’apparente à ça à la bourse, je serais curieux de voir quelle proportion du rendement du S&P500 provient du 20% des titres les plus performant (et quelle proportion des pertes des 20% les moins performants).
Pierre says
Bonjour François,
Oui j’ai pensé qu’il serait plus intéressant de faire un bilan objectif qui mette en avant les réalités de la bourse (à savoir que même les bons investisseurs ont des positions perdantes qu’ils doivent gérer dans leurs portefeuilles!). Peter Lynch lui même (avec ses performances de 30%/an) avait déclaré qu’il avait raison grosso modo 6 fois sur 10. En lisant certains gourous on a parfois l’impression qu’il faut avoir raison 100% du temps pour gagner de l’argent, alors qu’en réalité il s’agit surtout d’avoir quelques grands gagnants et de minimiser le nombre de grands perdants via un bon risk management.
Concernant Altria, le dividende est bien couvert par le cashflow de la société actuellement (comme évoqué dans l’article) ce qui est à mon sens une raison suffisante pour la conserver. Cependant le manque de visibilité sur la société me gène un peu actuellement (idem pour AT&T, c’est pour cela que je disais préférer les 3 autres). Ce sont des compagnies qui peuvent soit se reprendre brutalement (et déboucher sur un rattrapage massif en terme de prix), soit rater le tournant et connaitre d’ici quelques années de gros problèmes (de dette pour AT&T et de volumes de vente déclinants pour Altria). Actuellement je préfèrerais attendre un catalyseur positif sur l’un ou sur l’autre avant de prendre une position plus tranchée sur ces 2 titres (histoire que la situation soit un peu moins en 50/50).
Et tout à fait les propositions sont évolutives en fonction des news et de ce que fait le marché (par exemple JNJ et Realty Income qui étaient de bonnes opportunités il y a quelques mois commencent à se payer trop cher à mon sens aujourd’hui)
Effectivement pour le principe des 80/20, c’est la fameuse « loi de Pareto » que l’on a tendance à retrouver dans de nombreux domaines. Pour le S&P 500 je ne retrouve plus les papiers là dessus mais la majorité des gains sont effectivement générés par une minorité d’actions (environ 20% de gagnants et moins de 10% de grands gagnants comme le laisse suggérer le graphe ici ; si je retrouve des sources plus précises à ce sujet, cela pourrait d’ailleurs faire un bon sujet d’article futur!) ;
Bien Cordialement
Francois says
Hé bien, peut-être que JNJ redevient abordable suite à la tempête du talc de la semaine passée !
Pierre says
Effectivement c’était inattendu (beaucoup de manipulations autour de toute cette affaire, le rapport publié était déjà connu depuis un moment. JNJ a publié plusieurs démentis, a crée un site web complet sur les détails de cette affaire, et rachète actuellement ses propres actions pour prouver sa confiance en une résolution favorable).
Ceci dit c’est un bon exemple « live » de pourquoi il est important de diversifier son portefeuille au delà de 3 ou 5 titres (même si je ne pense pas que les courants évènements auront un impact significatif sur la société à long terme).