Je constate une tendance générale en échangeant avec les lecteurs du site : celle de vouloir investir essentiellement en actions locales plutôt que d’acheter des actions américaines ou étrangères (principalement pour éviter de payer des impots).
Il est vrai que pour les investisseurs français par exemple, le Plan d’Epargne en Actions est un atout considérable qui permet d’alléger sa fiscalité et de faire jouer les intérêts composés en sa faveur.
Mais faut-il pour autant investir uniquement en actions locales? C’est ce que nous allons voir plus en détails aujourd’hui. Au programme (entre autres) :
- Ce qu’est le « home country bias » en bourse
- Comment il peut vous conduire à perdre de l’argent
- Quand (et sous quelles conditions) vous avez intérêt à acheter des actions qui ne sont pas de votre pays d’origine
Le « home country bias » en bourse
Ce qu’on appelle le « home country bias » est une tendance bien connue en investissement : celle de donner une priorité excessive aux actions de son propre pays plutôt que d’avoir une allocation « mondiale » mieux diversifiée et plus robuste.
Ce biais psychologique conduit souvent les investisseurs à donner la préférence à ce qui est « local » plutôt qu’à ce qui est objectivement de la meilleure qualité (et peut être un frein considérable pour ceux qui ont eu l’idée d’acheter des actions américaines ou étrangères).
Le « home country bias » est l’un des biais les plus connus et les mieux documentés, voici un exemple de sa prévalence dans différents pays :
Ce graphique représente la part de titres moyenne de leur propre pays détenue par des investisseurs américains, canadiens, anglais, australiens et japonais comparée à leur pondération dans un indice « mondial » diversifié. Comme vous pouvez le voir : tous les pays privilégient à l’excès leurs actions locales plutôt que les actions d’autres pays (les anglais étant meilleurs que la moyenne à ce jeu là).
Comment cela se fait-il?
Cette tendance peut être expliquée (entre autres) par les avantages fiscaux qui sont souvent conférés aux investisseurs « locaux » par les Etats (401K aux Etats-Unis, PEA en France, etc…) et qui leur permettent de ne pas payer de taxes pendant très longtemps sur la part de leur portefeuille placée en actions de leur pays d’origine.
Le problème c’est que ce choix d’allocation ne tient guère compte de la qualité objective des sociétés détenues, ni de leur dynamisme (le premier critère de sélection étant ici de payer les taxes les plus faibles possibles), ce qui peut souvent conduire à des choix qui ne sont pas toujours éclairés par soucis de « rester local ».
De plus, d’une année sur l’autre, les rendements d’un pays par rapport à un autre peuvent varier grandement ce qui peut conduire à rater des gains massifs ou a être trop concentré sur la mauvaise zone au mauvais moment.
Le problème de détenir ses actions à un seul endroit
Voici (pour illustrer le problème) les rendements boursiers de différents pays sur une période de 6 mois :
Et si vous trouvez que le graphique précédent date un peu (c’est le seul que j’ai trouvé présentant autant de pays), voici un exemple datant de cette année :
Comme vous pouvez le voir ici, acheter des actions américaines permettait mécaniquement d’améliorer la performance par rapport à un investisseur entièrement investi en actions locales cette année.
La diversification géographique (en plus d’un processus de sélection rigoureux) est donc un facteur supplémentaire sur lequel vous pouvez jouer pour réduire les risques et améliorer les rendements à long terme de votre portefeuille boursier.
Maintenant, vous vous demandez peut être si les atouts conférés cette année par le fait d’acheter des actions américaines relèvent plutôt de l’exception ou de la généralité. C’est ce que nous allons voir dans le point suivant.
Acheter des actions américaines en temps qu’étranger (et vice versa) : bonne ou mauvaise idée?
Voici un graphique retraçant les périodes où les actions américaines ont sur et sous performé les actions du reste du monde :
Comme vous pouvez le voir ici : sur les 40 années étudiées, les actions américaines ont fait mieux que les actions du reste du monde a peu prêt la moitié du temps (et inversement), parfois dans des amplitudes très significatives ce qui est un bon argument en faveur d’un mix des deux.
Et le problème des taxes alors?
Les investisseurs qui souhaitent acheter des actions américaines mettent souvent en avant le problème des taxes (puisque vous ne pouvez pas les inclure dans votre Plan Epargne en Actions). Voici mon point de vue personnel sur le sujet de la taxation étrangère (et comment arbitrer plus efficacement entre les actions locales et les autres).
Certains des retours à long terme attendus sur des sociétés américaines que je détiens en portefeuille se situent dans la tranche des 12 à 14%/an (bien sûr il s’agit d’une estimation). Moins 30% de taxes la tranche de rendement passe alors entre 8.4 et 9.8%.
C’est toujours une meilleure option que d’investir dans des actions locales qui seront certes taxées à zéro mais dont les rendements attendus seront estimés entre 4 et 6% (par exemple). Et cela en plus des avantages conférés en investissant à l’étranger en terme de réduction des risques.
Les rendements attendus (pré et post taxes) sont donc un facteur majeur à prendre en compte avant de décider d’allouer plus ou moins de capital à une zone géographique ou a une société en particulier (et il ne fait guère sens d’investir dans des sociétés qui ne grossissent que peu ou pas simplement parce qu’elles sont locales).
La priorité doit être donnée à mon sens au plus rentable dans l’absolu (et donc au meilleur investissement potentiel plutôt qu’au moins taxé).
Actions locales vs Actions étrangères : Un bref récapitulatif
Les avantages de l’investissement en actions locales :
- Moins de taxes : Un outil comme le PEA permet de ne pas payer d’impôts sur ses titres « locaux » pendant des années.
- Des sociétés que l’on connait : Danone, L’Oréal, ou Pernod-Ricard sont des marques qui font partie de notre quotidien depuis des décennies comparativement a des sociétés étrangères qui nous sont moins familières.
- Pas de risque de change : Pas de problème avec les fluctuations des taux de changes ici puisque l’on investit uniquement en euros.
Les inconvénients de l’investissement en actions locales :
- Concentration des risques : Un portefeuille surpondéré sur une seule zone géographique est très exposé au « risque pays » par rapport à un portefeuille plus diversifié (exemple récent : si les gilets jaunes continuent de paralyser le pays en France, l’impact sur la croissance ne sera probablement pas positif, un problème que n’ont pas nos voisins extérieurs).
- Choix d’action limité : plutôt de que sélectionner une société parce qu’elle est objectivement la meilleure (ou la plus attractive), on se met parfois à choisir simplement la « moins mauvaise » de la liste qui est à notre disposition (ce qui peut être dangereux et déboucher sur des rendements sous optimaux).
- Plus de volatilité (et de frayeurs) : comme nous l’avons vu plus haut les rendements annuels d’un pays isolé peuvent varier significativement par rapport à un indice action « mondial ». Si un bon choix de pays peut déboucher sur de la surperformance, un mauvais choix peut aussi couler votre portefeuille.
Ce qu’il vous faudra si vous souhaitez vous diversifier en actions étrangères :
- Etre un investisseur compétent : Il faudra que vous soyez capable d’analyser et évaluer des sociétés étrangères (et donc inconnues pour certaines) sur le seul critère de leurs prospectus, de leurs bilans et de leurs ratios financiers.
- Ne pas avoir peur du risque de change : Investir dans des actions de pays étrangers implique d’investir dans différentes devises (USD, GBP, JPY, etc…). Avoir les yeux rivés sur les taux de change (en plus de la valeur de vos actions) peut vous rendre nerveux si vous n’y êtes pas préparé.
- Utiliser un courtier « low cost » : Investir sur des marchés étrangers implique souvent des frais supplémentaires qui risquent d’annuler une bonne partie des bénéfices de la diversification. C’est pourquoi utiliser un courtier très peu cher sur les titres étrangers est essentiel (je recommande et utilise moi même Degiro pour cela).
Conclusion
J’espère que ce bref tour d’horizon des avantages conférés en terme de diversification par l’investissement en actions américaines et étrangères vous aura intéressé et vous aura donné des éléments de réflexion pour votre propre portefeuille.
Le but ici n’est bien entendu pas d’essayer de « parier » sur la zone qui aura la meilleure performance l’an prochain (ou dans deux ans) mais simplement d’être exposé sur une maximum d’entreprises de bonne qualité (et ce indifféremment de leur pays d’origine).
Gardez toujours à l’esprit que la qualité du business devrait toujours être le premier critère de sélection d’un investissement (indépendamment des considérations fiscales et géographiques).
(P.S : Et attention toutefois avant de vous lancer (#disclaimer), l’investissement est une activité qui implique des risques bien réels de pertes en capital, aussi soyez sûr d’être dûment formé et préparé avant d’envisager de passer à l’action).
Francois says
Vous parlez souvent de l’importance d’être diversifié et d’avoir des actifs non corrélés entre eux. Je pense que la diversification géographique fait partie de ça,que des actifs dans un même secteur peuvent réagir différement selon leur region (par exemple, dans le tourisme, les banques, les telecoms, etc.) même si il y a des tendances mondiales. Par ailleurs, quand on regarde les capitalisations boursières des pays, on voit que les USA représentent 50% de la valeur boursière mondiale environ. La France, environ 3.3% (et un peu moins pour le Canada à 2.9% genre). Sachant cela, est-ce qu’on peut passer à côté de la bourse américaine? Surtout quand on ajoute que plusieurs compagnies vraiment mondiales (Disney, Google, Apple, Microsoft, Coca-Cola à la limite GM et McDonald’s) sont américaines. Outre celle-là, quelles companies sont vraiment mondiales? Samsung je dirais, probablement HSBC, peut-être Volks Wagen et Syemens, mais des françaises… est-ce que Airbus, Michelin et Danone (qui sont connues mondialement et dont on peut avoir les produits ici au Canada à tout le moin) sont comparable à un Disney ou à un Microsoft en terme d’empreinte mondiale? Dans mon livre à moi, c’est clair que les USA doivent faire partie d’un portefeuille bien construit. Mais bon, au Canada on a un compte d’épargne retraite qui bénéficie d’une entente fiscal avec les USA et dans lequel les dividends de companies américaines ne sont pas imposés, alors ça change la donne.
Kam says
Bonjour François,
Merci pour toutes ces précisions sur l’investissement au Canada. Je serai intéressé à débuter seul à investir dans les dividendes en visant une dizaine de compagnies canadiennes et américaines. Je pense a Royal Bank, canadienne ressources, Couche-tard (Canada) et ABBVIE, COCA Cola, 3M, J&J, etc. J’aimerais en avoir ton avis . Merci un québécois.