J’ai souvent mis en garde dans de précédents articles sur les dangers d’investir dans des actions à haut rendement (et par haut rendement, je veux dire des actions qui paient de hauts ou de très hauts dividendes).
Comme il m’arrive cependant d’investir occasionnellement dans ce type de titres, je voulais prendre le temps de faire un article récapitulatif sur les principaux facteurs à vérifier (ainsi que sur les principaux pièges à éviter) si vous souhaitez acheter des actions à haut rendement qui vous rapporteront de l’argent sur le long terme.
Ce que nous verrons ici :
- Pourquoi la majorité des actions à haut rendement vous feront perdre de l’argent
- Les 5 éléments clés à vérifier pour acheter des actions à haut rendement de qualité
Pour illustrer les problèmes que vous êtes susceptible de rencontrer en vous lançant dans cet univers boursier particulier, commençons par 2 études de cas rapides.
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Le piège des actions à haut rendement : 2 études de cas
Comme je le répète souvent sur le site : les actions à haut rendement sont (dans leur grande majorité) des pièges qui cherchent à attirer les investisseurs débutants avec leurs juteux dividendes… pour mieux leur faire perdre de l’argent ensuite.
Observons par exemple (pour illustrer le propos) le cas d’une action française qui payait jusqu’à récemment de hauts rendements.
Le pièges des hauts rendements : l’exemple d’EDF (-60%)
Comme vous pouvez le voir en rouge, le titre payait en 2016 un rendement de 9.30% (très nettement supérieur à la moyenne du marché donc). Et en 2017 vous pouvez voir que ce rendement chute de moitié. Comment cela se fait-il?
Le dividende de l’action a simplement été coupé en deux (et il faut toujours garder à l’esprit lorsqu’on investit que dans l’absolu, un dividende peut toujours être coupé par la société qui le paie).
Jetons maintenant un coup d’oeil à la performance en terme de prix sur la même période :
Comme vous pouvez le voir, la performance en terme de prix du titre est désastreuse.
- Si vous aviez acheté le titre en 2016 lorsqu’il payait 9.3% de rendement, vous auriez encaissé une perte de -30%.
- Si vous aviez acheté le titre en 2015 lorsqu’il payait 8.1% de rendement vous auriez encaissé une perte de -60%.
L’action EDF n’est malheureusement pas un cas isolé, et elle est symptomatique de ce que vous aurez tendance à trouver en majorité en vous aventurant dans l’univers de la bourse à haut rendement : des actions dont les rendements sont hauts simplement parce que le prix du titre est en chute libre (car rendement = dividende/prix), et dont les dividendes seront bientôt coupés.
Observons un cas encore pire que celui d’EDF.
Le piège des hauts rendements : l’action Solocal (ex pages jaunes -50%)
Comme vous pouvez le voir ici en plus de passer de 13% de rendement en 2008 à 0% aujourd’hui, le cours de la société est aussi passé de 7 euros à l’époque à 3 aujourd’hui… soit une chute de prix de plus de 50%.
Les investisseurs qui pensaient faire une affaire en achetant un titre peu cher qui allait les payer de généreux dividendes de 13% ensuite se sont laissés piéger par la hauteur du coupon sans considérer d’autres éléments essentiels… comme la santé de la société par exemple.
C’est pourquoi si vous voulez vous aventurer dans l’univers des actions à haut rendement et y rencontrer un certain succès, vous devez absolument vous poser les bonnes questions avant d’acheter.
5 éléments clés à vérifier avant d’acheter une action à haut rendement
1/ Quel est le problème avec la société?
En investissement le rendement rémunère toujours un risque, et si une action verse un rendement plus haut que la moyenne, c’est simplement parce que le marché juge qu’elle est plus risquée que la moyenne.
En temps qu’investisseur votre rôle est donc d’identifier quels sont les problèmes éventuels de la société, et si le rendement proposé parait suffisant pour compenser la prise de risque effectuée en achetant ce titre « à problèmes ».
Parfois le marché à tord et surestime les problèmes d’une société en dépréciant significativement son prix de manière injustifiée (c’est là que résident les bonnes opportunités), mais gardez à l’esprit que 90% du temps (ou plus) le marché à raison, ce qui fait que la grande majorité des actions à haut rendement sont par nature de mauvais paris.
Si vous trouvez une action à très haut rendement et que vous ne parvenez pas à identifier clairement les risques et à expliquer en quelques mots pourquoi elle paie autant, c’est probablement que quelque chose vous échappe (et que vous devriez rester à l’écart jusqu’à ce que vous ayez mis le doigt dessus).
Une fois que vous aurez trouvé quel est le problème, vous devrez vous poser la question suivante…
2/ Le problème est-il temporaire ou permanent?
C’est une question à laquelle il est parfois extrêmement difficile d’apporter une réponse tranchée (et être capable d’y répondre est souvent ce qui sépare les investisseurs expérimentés de ceux plus novices).
Maintenant que vous avez identifié le problème, vous allez devoir être capable d’identifier si celui-ci est lié au fait que son business model est « cassé » (auquel cas vous ne devrez surtout pas y toucher), ou si il est lié à des facteurs d’ordre temporaire qui se résorberont très vite, ce qui vous permettrait potentiellement d’acheter un titre de qualité à prix discounté.
Quelques exemples de problèmes temporaires et non reproductibles : le passage d’un ouragan aux Etats-Unis entrainant un mauvais trimestre pour une de vos sociétés, un embargo temporaire sur un produit, un problème logistique exceptionnel, etc…
Quelques exemples de problèmes potentiellement sérieux et permanents : ralentissement progressif et durable des ventes, entreprise opérant dans un secteur en phase de devenir obsolète et dépassé, entreprise dont la demande pour le produit phare est en déclin, etc…
3/ La société a-t-elle les moyens de continuer à payer son dividende?
C’est une question clé qui vous évitera de vous retrouver dans les situations d’EDF et de Solocal présentés ci-dessus. A chaque fois que vous voyez un rendement élevé, vous devez descendre dans les bilans et évaluer si le cashflow dégagé par la société est suffisant pour continuer de payer des dividendes ou non (j’explique (entre autres) comment faire cela plus en détails dans la formation du site).
Evaluer le niveau de sécurité du dividende vous permettra d’avoir une meilleure idée des risques de coupe futurs et d’éviter ainsi les sociétés à problèmes. Dans les cas d’EDF et de Solocal présentés ci-dessus, il était par exemple très facile de voir à l’avance que les hauts dividendes qu’elles offraient il y a quelques années n’avaient pratiquement aucune chance de durer.
Leur business model était en péril, leurs résultats sur le déclin, et leurs paiements de dividendes excessifs par rapport aux niveaux de revenus générés.
4/ Qu’à fait le prix du titre au cours de ces dernières années?
Comme nous l’avons vu plus haut, beaucoup d’actions à hauts rendements de mauvaise qualité ont un prix en chute libre. Ajouter un peu d’analyse technique à vos décisions d’achat ou de vente peut donc vous aider à filtrer simplement les brebis galeuses.
Il existe de nombreuses subtilités et nuances en analyse technique, mais en ce qui concerne les actions à haut rendement vous pouvez déjà appuyer vos décisions par un concept simple : si le prix est en chute libre, vous avez de bonnes chances de perdre plus sur la valeur de l’action que vous ne gagnerez en dividendes (pensez à EDF et Solocal).
5/ Le dividende est-il dans la zone de danger?
Vous noterez quelque chose d’intéressant si vous reprenez les 2 actions que j’ai présenté plus haut : toutes avaient un (très) haut rendement juste avant que leur dividende ne soit coupé. Il existe une zone de rendement sur les actions au delà de laquelle la probabilité de coupe est si élevée que vous ne devriez même pas envisager de les acheter.
Voici un petit tableau qui vous montrera quelle zone de rendement aura (historiquement) tendance à vous donner les rendements de long terme les plus optimaux :
Pour vous donner une idée plus précise : dans les conditions de marché actuelle, les actions à plus haut rendement que j’ai acheté évoluaient dans une zone comprise entre 5 et 8% de dividendes annuels (ce qui reste nettement supérieur aux 1.8% de dividendes payés actuellement par l’indice boursier américain S&P 500).
Conclusion
L’univers des actions à haut rendement est à réserver à mon sens aux investisseurs les plus avertis, car il est essentiel d’avoir une bonne expérience des marchés avant de s’y aventurer (sous peine de ne pas pouvoir discerner les pièges boursiers des vraies bonnes affaires).
Egalement du fait de leur nature plus risquée que la moyenne, les actions à haut rendement ne doivent à mon sens constituer qu’une petite partie de votre portefeuille boursier, et le coeur doit être constitué de valeurs beaucoup plus sûres et stables qui vous paieront certes des dividendes un peu plus faibles mais dont les perspectives de croissance seront meilleures (car comme je l’ai expliqué dans l’article de la semaine dernière, la seule chose qui comptera au final pour vos rendements totaux à long terme sera la qualité de vos placements).
Enfin si vous voulez vous lancer dans l’univers des actions à haut rendement, collez plutôt à celles qui ont des rendements « raisonnables » et évitez tout ce qui est absurdement élevé.
De par sa structure, une action ne peut en effet tenir indéfiniment des distributions très hautes de manière soutenable (et si toucher des coupons élevés tout de suite est votre but premier en bourse, il faut savoir qu’il existe de meilleurs actifs que les actions à haut rendement pour atteindre cet objectif, mais ce sera là le sujet d’un prochain article).
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