Beaucoup d’investisseurs sur le chemin de l’indépendance financière (ou souhaitant juste maximiser les dividendes qu’ils reçoivent) se posent la question : Faut-il acheter des actions à haut rendement tout de suite (et les réinvestir)?
…ou vaut-il mieux acheter des actions à rendement plus faible, mais à plus à forte croissance?
Sous cette question apparemment simple se cachent en fait de nombreuses subtilités, et je vous propose d’y répondre ici à travers cet article en 3 parties. Au programme :
- Un bref retour sur le débat Croissance/Rendement
- Quel style est le plus rentable entre les deux?
- Quelle approche paie le plus de dividendes?
Table of Contents
Croissance ou Rendement : L’Éternel Débat
Nous revenons à travers cet article indirectement sur un éternel débat qui a tendance à diviser le monde de l’investissement : Faut-il investir pour la croissance ou pour le rendement?
- Un investisseur qui investi dans une optique « croissance » recherche avant tout une appréciation de la valeur de ses placements (boursiers, immobiliers ou autre) dans le temps.
- Un investisseur dit « de rendement » se concentre avant tout sur le cashflow versé (actions à hauts dividendes ou loyers), mais avec peu d’espoir de plus value en terme de prix.
Dans un monde idéal, un investisseur répondrait qu’il souhaite avoir les deux (la croissance, et le rendement). Mais tout investisseur expérimenté sait qu’en règle générale, les placements permettant d’avoir le beurre et l’argent du beurre sont très rares.
Pourquoi pas les deux?
A cause des règles de base de l’offre et de la demande.
Pour faire simple : un placement qui propose un rendement élevé avec de faibles risques sera très demandé par les investisseurs, ce qui fera augmenter son prix, et baisser son rendement (les marchés sont usuellement très bons à ce jeu là, on dit qu’ils sont efficients).
Pour vous donner un exemple concret : Un appartement à Paris a de bonnes chances de s’apprécier dans le temps en terme de prix, mais sa rentabilité en terme de loyer versés est faible.
A l’inverse vous pouvez trouver des appartements qui vous paieront 8 à 10% de loyers en rase campagne… mais avec peu de chances de les revendre plus cher que ce que vous les avez payé (et avec un risque élevé de moins value).
Ceci parce que les appartements parisiens sont très demandés (ce qui met une pression à la hausse sur le prix, et à la baisse sur le rendement), et que les appartements en rase campagne sont moins demandés (ce qui met une pression à la hausse sur le rendement, et à la baisse sur le prix).
Et sur les actions?
Les actions suivent grosso modo cette même logique.
Une action qui vous paie 8 ou 10% de dividendes a probablement des problèmes de croissance (à quelques exceptions près, mais nous y reviendrons plus tard), et inversement si vous cherchez des actions à croissance explosive : elles vous paieront rarement plus de 2 à 3% de dividendes.
La question est donc : quelle option est la meilleure?
- Des paiements élevés tout de suite (mais à taux fixe)?
- Des paiements plus modestes (mais croissants année après année)?
C’est la question à laquelle nous allons répondre dans la suite.
Actions à Haut Rendement vs Dividendes Croissants : Quel est le Plus Rentable?
Pour trancher la question, nous allons étudier 3 scénarios :
1/ Une action qui paie 2% de dividendes annuels avec 8% de croissance en moyenne
2/ Une action qui paie 5% de dividendes annuels avec 5% de croissance en moyenne
3/ Une action qui paie 10% de dividendes annuels avec 0% de croissance
Comme vous pouvez le constater, nous comparons bien 3 placements qui sont sur un pied d’égalité puisque les 3 rapportent au total 10% de rendement par an (prix+dividendes), soit la moyenne historique des marchés actions.
1/ Forte croissance / faible rendement
Dans ce tableau nous achetons en année 1 une action qui paie 2% de dividendes et s’apprécie de 8% annuellement. Les dividendes sont réinvestis pour acheter de nouveaux titres chaque année.
A la fin de la période, les retours totaux (prix+dividendes) sont de +159%.
2/ Rendement moyen et croissance moyenne
Dans ce tableau nous achetons en année 1 une action qui paie 5% de dividendes et qui s’apprécie de 5% annuellement. Les dividendes sont réinvestis pour acheter de nouveaux titres chaque année.
A la fin de la période, les retours totaux (prix+dividendes) sont de +159%.
3/ Haut rendement et croissance nulle
Dans ce tableau nous achetons en année 1 une action qui paie 10% de dividendes et qui s’apprécie de 0% annuellement. Les dividendes sont réinvestis pour acheter de nouveaux titres chaque année.
A la fin de la période, les retours totaux (prix+dividendes) sont de (vous l’aurez peut être deviné) : +159%.
Conclusions de cette étude
Alors, pourquoi avoir commencé par cela? Pour établir 3 choses.
1/ Acheter des actions à haut rendement en pensant gagner plus d’argent est une illusion
Certains investisseurs pensent qu’en achetant des titres avec de gros dividendes (ou des appartements avec de gros rendements), ils gagneront nécessairement plus qu’en achetant des instruments qui paient moins. Comme nous avons pu le voir ici : c’est faux.
Ce qui se passe la plupart du temps, c’est que ces instruments à très gros rendement sont aussi les plus risqués du marché et impliquent des risques de perte en capital élevés (le tout pour ne pas gagner nécessairement plus au final qu’un investissement avec un coupon plus faible… mais qui a de meilleures perspectives de croissance).
2/ Les valeurs de croissance ne rapportent pas forcement plus que celles de rendement
D’autres investisseurs sont à l’inverse convaincus que l’investissement dans des valeurs technologiques (par exemple) à forte croissance rapportera nécessairement plus sur le long terme que de placer dans des produits de rendement (qui sont à réserver aux gens qui souhaitent arrêter de travailler d’ici quelques années, ou se créer un complément de revenus).
Ce n’est pas nécessairement vrai non plus.
Si un investisseur trouve un placement à haut rendement qui paie des coupons de 10% (ou plus) stables dans le temps, et qu’il les réinvestit systématiquement, il est très possible que l’investisseur de rendement batte l’investisseur de croissance, et ceci parce que…
3/ La qualité de vos placements est la seule chose qui compte vraiment pour obtenir des rendements totaux élevés
Croissance ou rendement, le style d’investissement importe peu : la seule chose qui compte pour votre succès à long terme c’est que vos valeurs de croissance continuent à croitre à un rythme élevé, et que vos valeurs de rendement continuent de payer année après année quoi qu’il arrive.
Ce qui va déterminer l’essentiel de vos rendements finaux, ce n’est donc pas le fait que vous investissiez plutôt dans des valeurs de croissance ou dans des valeurs de rendements, mais c’est votre capacité à identifier des valeurs de bonne qualité.
Maintenant que nous nous sommes d’accord sur ce point, analysons les choses sous un autre angle…
Hauts rendements ou dividendes croissants : qu’est-ce qui paie le plus de cash?
Dans le point précédent nous avons vu que (toutes choses étant égales par ailleurs) les rendements totaux d’une action à forte croissance et d’une action à fort rendement sont identiques.
(Du moins, du moment que l’action de croissance peut assurer son taux de croissance dans le temps, et l’action à haut rendement ses paiements, et que nous sommes sur des sociétés de qualité à peu prêt équivalentes).
Maintenant posons la question sous un autre angle.
Pour gagner le plus de dividendes (et le plus vite possible) :
- Vaut-il mieux privilégier de hauts rendements tout de suite (et les réinvestir)?
- Ou vaut-il mieux privilégier des rendements plus faibles, mais à forte croissance?
Simulation de différentes stratégies (sur 30 ans)
Un graphique efficace valant mieux qu’un long discours, voici la réponse en image :
Ce que nous voyons ici plus concrètement c’est le montant de dividendes versés annuellement par :
- Un placement qui paie 12% dès l’année 1 et qui grossit de 0% (réinvestis chaque année)
- Un placement qui paie 8% l’année 1 et grossit de 4% par an (réinvestis chaque année)
- Un placement qui paie 4% l’année 1 et qui grossit de 8% par an (réinvestis chaque année)
- Un placement qui ne paie pas de dividendes (mais dont le prix progresse de 12%/an)
Ces quatre placements sont donc comparés sur un pied d’égalité en terme de retours totaux (12% chacun). Là où ils ne sont pas égaux en revanche, c’est sur le niveau de dividendes générés dans le temps.
Quelles sont les conclusions de cette étude?
1/ En terme de cashflow, les hauts rendements l’emportent sur les faibles rendements
On peut clairement voir ici que le placement avec 12% de rendement et 0% de croissance permet de dégager plus de cash plus rapidement que les placements suivants… (et ceci malgré leur croissance plus rapide).
Ici nous voyons clairement que le placement à 4% de rendement et 8% de croissance annuelle ne rattrapera jamais les paiements versés par le placement à 12% (réinvestis chaque année) par exemple.
Ce que nous montre ce graphique, c’est qu’en terme de cashflow dégagé il nous faut donc une croissance très rapide (et plusieurs années) pour espérer rattraper un placement qui a un haut rendement dès le départ.
2/ Les placements à haut rendement ont donc leur place dans un portefeuille orienté « Indépendance Financière »
Pour un jeune investisseur (qui a le plus souvent peu de cash à placer mais plusieurs décennies devant lui), la stratégie généralement conseillée est d’investir dans des valeurs de croissance (Facebook, Amazon, Google…) pour essayer de jouer un « home run » et de réinvestir l’argent plus tard sur des valeurs de rendement.
Le graphique ci-dessus montre que si le but final est de dégager un maximum de cash avec son portefeuille boursier (et ce même si c’est d’ici plusieurs décennies), commencer à investir le plus tôt possible dans une stratégie de rendement est une alternative tout aussi viable.
Voire même meilleure que d’investir dans une stratégie de croissance (en fonction de vos objectifs).
3/ Deux nuances importantes à apporter ici cependant
Ce tableau ne prend pas en compte 2 facteurs importants à considérer en situation « réelle » :
- Le niveau de risque des placements à haut rendement : la plupart du temps, les placements à haut rendement sont les plus risqués et les plus « piégeux » du marché (sociétés à problèmes, produits de bourse complexes, etc…), et trouver des paiement à la fois élevés et sûrs dans le temps nécessite un haut niveau d’expertise boursière.
- Les taxes : être taxé chaque année sur des niveaux de dividendes élevés peut réduire la rentabilité totale des stratégies à haut rendement (en fonction de votre tranche d’imposition, du compte que vous utilisez et de vos objectifs, une stratégie plus orientée croissance peut être mieux adaptée. Ceci dit il existe des options pour réduire votre fiscalité).
Conclusion
Nous avons vu ici que pour espérer dégager des rendements (et des dividendes) supérieurs dans le temps, un investisseur a besoin de 2 choses :
- Soit d’un rendement de base élevé (placement à haut rendement)
- Soit d’une croissance élevée (et soutenable)
C’est pour cela que mon portefeuille boursier est essentiellement divisé en 2 catégories actuellement :
- Les placements à haut rendement (qui paient de gros dividendes tout de suite)
- Les placements qui ont une croissance des paiements supérieure à la moyenne (par exemple Abbvie que j’avais déjà présentée sur le site et qui a augmenté ses paiements de 35% par an au cours de ces dernières années)
Si ce n’est pas déjà fait, vous pouvez jeter un œil à comment ces deux stratégies ont performé respectivement en temps réel dans mon dernier rapport annuel.
Comme nous avons pu le voir ici : commencer à inclure des placements qui paient des dividendes élevés tôt dans sa vie d’investisseur peut être un atout majeur si l’objectif principal du portefeuille est de dégager un maximum de cashflow rapidement.
En espérant que vous y voyiez plus clair sur le débat Croissance VS Rendement ici, et sur ce je vous dis à bientôt pour un prochain article (ou une prochaine vidéo)!
Tiri says
Article trés interessant. Je suis assez surpris des résultats de la comparaison quand même. La stratégie des dividendes croissants promue un peu de partout ne serait finalement pas la plus optimum contrairement à ce que beaucoup de gens disent?
Du coup, une stratégie à la « dogs of the dow » efficace est un peu confirmée ici, non?
Pierre says
Bonjour Tiri,
Tout dépend de l’horizon temporel est des objectifs de chacun. Je dirai qu’ici la stratégie de base (acheter des titres dont les paiements montent chaque année) n’est pas remise en cause, en revanche une attention particulière doit être portée sur les rendements de départ, si un investisseur a pour objectif de dégager de gros dividendes à moyenne échéance.
Par exemple, je vois beaucoup d’investisseurs orientés « dividendes » acheter des titres à 1% de rendement sous prétexte que la croissance est bonne, mais réalistement il s’agit plus d’un investissement orienté « croissance » qu’orienté « rendement », car il y a fort à parier que les dividendes dégagés, même à 10 ans, seront assez faibles.
(Fait important aussi : comme mentionné en fin d’article, les taxes ne sont pas prises en compte ici, et cela peut faire une grosse différence dans l’équation, donc tout dépend aussi de la situation fiscale de chacun pour ce qui est du choix d’une stratégie optimale) ;
Cdt