Si vous vous intéressez à la bourse : vous avez forcement entendu parler de l’affaire Gamestop, qui a agité les médias au cours de ces dernières semaines (ou comment un petit groupe de traders a fait grand bruit à Wall Street en s’organisant via des forums de discussion pour faire tomber plusieurs hedge funds).
J’ai posté la semaine dernière un résumé de ce qui s’est passé sur la page facebook du site si jamais vous n’avez pas trop suivi l’actualité, mais vu que cette affaire s’est répandue comme une trainée de poudre sur les réseaux : je vais partir du principe que vous en connaissez déjà les grandes lignes.
Je vous propose dans l’article de cette semaine de plutôt revenir sur les leçons que nous pouvons tirer de tout cela en temps qu’investisseurs.
Table of Contents
1/ Évitez la vente à découvert
C’est probablement la leçon la plus évidente de cette liste, mais l’affaire Gamestop aura au moins le mérite d’avoir mis en lumière les inconvénients et les risques majeurs que peut susciter la vente à découvert en bourse.
La vente à découvert, c’est ce que faisaient les Hedge Funds qui se sont retrouvés en faillite (ou semi faillite) au cours de ces dernières semaines, et c’est probablement la méthode de spéculation baissière la plus utilisée sur les marchés (par les particuliers comme par les professionnels).
Cela consiste à emprunter les titres d’une société que vous ne possédez pas afin de les vendre, dans le but de les racheter ultérieurement à un prix inférieur (du moins vous l’espérez).
La vente à découvert a 3 inconvénients majeurs :
- Le potentiel de perte est illimité (car une action peut monter de 100, 1000 ou 3000%)
- Vendre à découvert coûte de l’argent (car vous empruntez les titres, et devez donc payer régulièrement des intérêts et des dividendes à la personne qui les détient)
- Vous devez forcement racheter vos titres (pour les restituer au prêteur)
Certains professionnels utilisent cet outil pour essayer de gagner dans les deux sens du marché (à la hausse et à la baisse), mais plus souvent que le contraire : la pratique est risquée et dégrade votre espérance de gain (le gain potentiel est limité, la perte potentielle illimitée).
Il est plus facile et plus avantageux mathématiquement de simplement rester acheteur.
2/ Méfiez-vous de ce qui est gratuit
Le second point important à retenir de l’affaire Gamestop, c’est le fait que certains courtiers en bourse populaires ont bloqué la possibilité de passer des ordres au pire moment.
Les plus touchés ont été les courtiers qui proposaient des ordres « gratuits », ce qui a entrainé des pertes importantes pour de nombreux particuliers (et professionnels).
Voyez plutôt l’exemple de ce Twitto faché qui a perdu la coquette somme de 700 000 dollars :
Lorsque l’on pense « risque » en bourse, ont pense souvent à la possibilité d’un krach ou d’une dégringolade des cours. On pense plus rarement au risque opérationnel lié à un courtier défectueux.
Imaginez acheter Gamestop pour ce que vous pensez être un achat/revente rapide… puis voir votre position chuter de 30%, 40%, 50% alors que vos ordres de vente sont refusés les uns après les autres. Ce n’est pas une sensation très agréable.
Les marchés ayant quasiment toujours une bonne raison d’être agités : il ne sert à rien d’économiser quelques euros sur ses ordres de bourse, si c’est pour en perdre ensuite des centaines (milliers?) parce que votre courtier est inaccessible.
(N.B : Personnellement j’utilise Degiro pour mes transactions US, et il était toujours possible de passer des ordres, même sur Gamestop, malgré les conditions de marché difficiles).
3/ Si vous en entendez parler : il est déjà trop tard
Au cours de ces dernières semaines, l’affaire Gamestop s’est retrouvée absolument partout sur les réseaux sociaux.
Nous avons eu droit à l’avis de Youtubeurs et d’Instagrameurs de tous horizons, en passant par des actrices de films pour adultes, et même de Jordan Belfort (aka « le loup de wall de street« ) qui a posté des appels publics à « Tenir les positions » (#Holdtheline) :
Considérant que l’homme a fait sa fortune initiale en vendant des actions qui ne valaient rien à des particuliers naïfs par téléphone (le tout en s’autosurnommant « le loup de Wall Street« ) : c’est assez drôle de le voir prétendre être du coté des petits porteurs pour gagner des vues sur Youtube.
Il n’a bien entendu pas été le seul « influenceur » a avoir surfé la vague, et le pic de popularité de l’affaire a été atteint fin janvier/début février comme vous pouvez le voir sur la date du Twitt posté ci-dessus. Sans grande surprise, voici ce qui s’est passé ensuite :
C’est une règle classique du monde de l’investissement qui s’est retrouvée une nouvelle fois justifiée : quand un actif atteint son pic de popularité, c’est qu’il est temps de le vendre.
Ceux qui ont vraiment gagné de l’argent ici se sont positionnés il y a des mois, lorsque Gamestop n’intéressait absolument personne.
4/ Michael Burry est toujours un génie
Si vous connaissez Jordan Belfort (évoqué dans le point précédent), vous avez peut être vu le film « le loup de wall street« , mais avez vous vu « The big short« ? (excellent film tiré du livre du même nom).
Dans le film nous pouvons suivre 4 traders (incarnés par Christian Bale, Brad Pitt, Steve Carrell et Ryan Gosling) juste avant la crise de 2008 qui vont peu à peu comprendre la pyramide qu’est devenu le marché immobilier américain, et les dangers des dérivés financiers, pour finir par miser sur un krach et gagner une fortune. Un de ces traders était Michael Burry.
…et un des premiers à avoir accumulé une position acheteuse conséquente sur Gamestop aujourd’hui (de manière documentée, et avant tout le monde) se trouve être aussi Michael Burry!
Voici une lettre que sa société Scion Capital avait adressé à Gamestop en Juillet 2019 :
Rares sont les traders capables de débusquer l’opportunité d’une vie. Plus rares encore sont les traders capables de réitérer l’exploit 2 fois (à la hausse et à la baisse).
Chapeau bas à Michael Burry, que l’on retrouve rarement dans la presse, mais qui continue (discrètement) à être un des esprits financiers les plus brillants de ces dernières décennies.
5/ Attention aux belles histoires (et au biais du survivant)
L’affaire n’est même pas encore arrivée à son terme que l’histoire de Gamestop commence déjà à être déformée par la presse et les réseaux sociaux.
On peut lire un peu partout « comment une armée de geeks géniaux s’est coordonnée via des forums pour combattre Wall Street« . Ils ont certes bien joué leur coup, mais ce n’est pas exactement ce qui est arrivé.
La réalité est souvent bien plus complexe et chaotique que ce que l’on nous dépeint (en témoigne la baisse vertigineuse de ces dernières séances, qui n’était pas exactement prévue dans le plan de « short squeeze » initial).
Je ne sais pas si vous avez l’habitude de fréquenter les forums boursiers. Moi oui (depuis un bon moment). Et suivre les recommandations postées dessus est usuellement un bon moyen de faire sauter son compte de bourse en quelques semaines.
Les tentatives de trades improbables qui n’aboutissent à rien sont légion (beaucoup d’utilisateurs de Wallstreetbets postent d’ailleurs sur base régulière des images de leur compte descendu à 0), et le mot d’ordre est « YOLO » (« You Only Live Once »).
Vous n’entendrez jamais parler de tous les dossiers postés sur ces forums qui ont réduit des comptes de bourse à zéro. En revanche, les quelques personnes qui ont gagné gros sur Gamestop sont surmédiatisées, et présentées (à postériori) comme des génies qui avaient tout calculé.
C’est ce qu’on appelle « le biais du survivant« .
Le fait qu’un « petit groupe de génies » se soit mutuellement coordonné pour cette attaque est au mieux très optimiste, et au pire une grosse déformation de la réalité.
La situation est née d’une combinaison de gens enfermés chez eux depuis des mois (sans grande autre source de distraction que les réseaux sociaux), d’une erreur majeure de risk management de la part de certains hedge funds, et d’un meme devenu viral.
Retirez l’un de ces facteurs, et la situation que nous avons connu ne se serait probablement jamais produite.
Même Michael Burry, l’homme qui avait pointé du doigt initialement les positions vendeuses excessives sur Gamestop a récemment déclaré que l’affaire était devenue « totalement hors de contrôle« .
6/ Ne cherchez pas le prochain Gamestop
Les articles abondent déjà dans le sillage de la situation de ces dernières semaines « Le prochain Gamestop« , « 5 valeurs lourdement shortées« , « L’argent sera-t-il prochain Gamestop?« .
Comme nous l’avons vu dans le point précédent : ce qui s’est passé sur Gamestop était très improbable, et a laissé beaucoup de spéculateurs « sur le carreau » (même en étant du bon coté du trade) du fait de contraintes techniques.
Même Michael Burry n’avait pas placé tout son fonds sur Gamestop, et a vendu l’essentiel de sa position bien avant l’envolée finale. Les pros savent bien qu’être capable de constater d’une anomalie sur les marchés, et être certain de pouvoir en tirer un profit sont 2 choses très différentes.
En ce moment, nous sommes en pleine folie spéculative, et dans une période où tout le monde surestime les chances que ce genre de choses n’arrive. Comme le dit Buffett, « Rien n’endort aussi bien la rationalité que de larges sommes d’argent gagnées sans effort« .
Ne vous laissez pas avoir par l’ambiance générale, collez à votre stratégie, et passez votre chemin quand on vous parle du « prochain Gamestop« .
Conclusion
Ce début d’année 2021 commence très fort. Comme tous les scandales financiers, l’affaire Gamestop aura permis de mettre en lumière certaines failles du système (notamment le manque de fiabilité de certains courtiers), et certaines erreurs à ne pas commettre sur les marchés.
Ceci étant dit, les raisons qui font tomber les traders sont toujours les mêmes depuis des décennies : l’égo, les prises de risque excessives, et la volonté de faire de l’argent rapide sur la dernière tendance chaude du moment.
Ne vous laissez pas happer par tout cela, soyez contrarien, jouez un autre jeu.
(P.S : Disclaimer final, toute cette affaire est un bon rappel que l’investissement est une activité qui implique des risques bien réels de pertes en capital, aussi soyez sûr d’être dûment formé et préparé avant d’envisager de passer à l’action).
Gael says
Cet homme a perdu 700 000 dollars 😳 ???
Mais quelle idée de mettre autant d’argent sur cette affaire. Quand bien même on a l’impression de flairer un « bon » coup on y va progressivement.
Qui va piano va sano …
Vive les dividendes croissants réinvestis !
Pierre says
Oui, il s’agit de Dave Portnoy, il n’est pas très connu en France mais il a plus de 2 millions d’abonnés sur Twitter, et il s’est fait une petite réputation d’influenceur « bourse casino » depuis quelques temps sur le web.
(Il a d’ailleurs déclaré récemment que Buffett était « dépassé », donc on va dire que c’est une petite leçon d’humilité ici. Heureusement pour lui, je pense qu’il lui en reste encore pas mal sous le pied 😛 ).
ELYA DARELLE says
700.000 dollars sur une seule action ?!! Quelle folie !! Il ignore la « DIVERSIFICATION » ! Vous devriez lui proposer votre formation sur la bourse peut être ha ha ha !! Et la vente à découvert est à fuir absolument !! Je ne l’ai JAMAIS pratiquée ça représente trop de risques !! On voit d’ailleurs ce que ça donne ici !!
En tout cas, merci pour votre excellent article toujours bien documenté !