Parmi les questions les plus fréquentes que je reçois, celles sur les krachs boursiers (ou du moins celles en rapport avec l’attitude à adopter, soit en réaction, soit en prévention d’une chute des marchés) sont celles qui reviennent en tête de liste.
- Comment se protéger des krachs boursiers?
- Que faire si les bourses décrochent?
- Faut-il vendre ses actions si les marchés chutent?
J’ai déjà répondu (au moins partiellement) a plusieurs de ces questions dans de précédents articles, mais comme je continue d’en recevoir je vais consacrer ici un article complet au sujet afin de le traiter en profondeur.
Nous y verrons entre autres :
- Pourquoi essayer de prévoir les krachs boursiers nuira à vos performances
- Ce qu’il ne faut surtout pas faire pendant une chute de marché
- 5 manières efficaces de se protéger d’un krach boursier
Table of Contents
Quelles sont les chances de krach boursier?
En dépit de la tendance naturelle des médias financiers à nous sortir tous les 3 mois des articles du style « la hausse des taux d’intérêts causera le prochain krach boursier » ou « cette figure graphique méconnue va précipiter le marché dans les abysses », la vérité est que les krachs boursiers sont par essence imprévisibles.
Et en un sens c’est logique, car un krach boursier est généralement causé :
- Soit par un événement soudain (et imprévisible) qui vient changer radicalement les anticipations des investisseurs (et cause un rajustement brutal des prix, souvent dans la panique et de manière excessive).
- Soit par un simple changement de sentiment du marché qui survient parfois sans raison aucune (changement de sentiment souvent aggravé par des facteurs structurels comme le trading algorithmique et des besoins en liquidité).
A moins d’avoir une boule de cristal, il est donc impossible de prévoir l’imprévisible, ou d’anticiper un évènement qui prend ses racines dans la logique du sentiment plutôt que dans celle de l’intellect. Nous avons parfois l’impression à postériori que nous aurions pu prévoir certains évènements de l’histoire, mais la science a prouvé que c’était là largement l’oeuvre du biais rétrospectif, et qu’en temps réel nos modèles prédictifs complexes ne font guère mieux que le hasard.
Est-ce que cela veut dire que l’on doit accepter de subir les krach boursiers de plein fouet pour autant et s’en remettre entièrement au destin? Heureusement non et il existe des solutions pour protéger son patrimoine contre ce genre d’événements.
Mais avant de les présenter, commençons tout d’abord par voir ce qu’il ne faut pas faire durant un krach boursier.
La pire chose à faire durant un krach boursier
La pire chose à faire est tout simplement de paniquer et de vendre ses titres (parce que c’est ce que la majorité des investisseurs font, et comme vous le savez dans doute, la majorité des investisseurs n’ont pas de très bons résultats en bourse). Alors pourquoi ne pas simplement vendre et racheter plus tard? Voyons cela ensemble.
1/ Les investisseurs sont mauvais en timing de marché
Acheter « quand le marché à l’air sûr » (c’est à dire généralement après une période de hausse prolongée) et vendre quand le marché panique (c’est à dire en pleine chute) vous assurera de systématiquement acheter au plus haut et revendre au plus bas ; en fait il y a de nombreux papiers de recherche qui prouvent que plus un investisseur est actif sur son compte de bourse, plus il a de chances de perdre de l’argent.
J’avais déjà présenté sur le site le papier intitulé « trading is hazardous to your wealth » de Barber et Odéan qui prouvait (à travers l’étude de plus de 66 000 comptes d’investisseurs particuliers) que les comptes qui font le plus d’achat/revente sont systématiquement ceux qui obtiennent les pires performances à long terme. Le phénomène est largement lié à l’existence du biais de surconfiance qui pousse toujours les investisseurs à croire qu’ils sont plus malins que le marché (et que les statistiques s’appliquent aux autres, mais pas à eux).
En admettant d’emblée notre complète et totale incapacité à anticiper l’inanticipable, nous partons donc déjà avec une longueur d’avance sur l’investisseur qui se ment à lui même (et si vous avez encore des doutes à ce sujet, je vous invite à lire « le cygne noir : la puissance de l’imprévisible » de Nassim Taleb).
Mais au delà des raisons psychologiques, il y a aussi des raisons mathématiques derrière le fait de ne pas vendre pendant les krachs boursiers.
2/ Les mathématiques de la bourse sont contre l’achat/revente
Il faut savoir que les marchés ne montent pas (du tout) de manière linéaire. Quelques jours dans l’année font usuellement l’essentiel de la performance d’un portefeuille (et il ne se passe rien ou presque rien le reste du temps). Si vous ratez ces quelques « bons » jours de bourse, vos performances en souffriront grandement.
Voyez sur le graphe suivant par exemple : si vous aviez raté les 10 meilleurs jours de bourse de ces 10 dernières années (10 jours seulement sur 2600 au total), votre performance aurait été diminuée de 80%.
Et bien entendu, les meilleurs jours de bourse ont généralement tendance à se trouver grosso modo autour des mêmes périodes que les pires, ce qui veut dire qu’un investisseur qui panique et sort du marché aura toutes les chances de les rater (comme en témoigne le graphique suivant) :
Egalement acheter et revendre sans cesse viendra briser le phénomène de composition des intérêts de votre portefeuille (à plus forte raison si vous êtes un investisseur en actions à dividendes croissants). Bref, vous l’aurez compris : en gros, vendre est une mauvaise idée.
Mais si vous souhaitez détenir des actions (parce que vous savez qu’il s’agit du meilleur placement à long terme), mais que vous ne souhaitez pas voir votre portefeuille chuter de 50% à la première crise venue, que pouvez-vous faire?
5 manières de se protéger d’un krach boursier
On ne peut pas éviter un krach boursier (du moins pas sans tomber dans du timing de marché et rencontrer les problèmes que nous avons évoqué dans le paragraphe précédent).
En revanche, on peut mettre en place des stratégies qui réduiront significativement leur impact.
En voici quelques unes :
1/ Ajouter de l’or et des obligations dans son portefeuille boursier
La logique est simple ici : usuellement quand il y a des paniques sur les actions, les investisseurs migrent sur les obligations d’état de haute qualité (car celles-ci sont garanties par leur émetteur, et qu’un pays fait rarement faillite), et sur l’or (qui est considéré comme une « assurance contre la fin du monde »).
Investir dans les obligations et dans les métaux précieux dans les bonnes proportions peut donc contribuer à protéger votre portefeuille des évènements boursiers fâcheux.
Regardez ce qui s’est passé sur ces 3 actifs en 2008 par exemple :
Si vous êtes sceptique quand au pouvoir protecteur des obligations et de l’or, je vous renvoie à mon article sur le portefeuille permanent (qui est souvent surnommé le « portefeuille anti-crise »). Si vous avez manqué cet article, le concept du « portefeuille permanent » consiste à investir dans un panier d’actifs decorrélés pour avoir un portefeuille robuste à travers tous types d’environnements économiques.
Le prix à payer pour cette protection est que généralement les obligations et l’or sont moins rentables que les actions sur le long terme, donc vous ferez moins bien qu’un portefeuille « tout actions » pendant les marchés haussiers forts (mais vous serez mieux protégés).
2/ Acheter des actions défensives
Ne nous méprenons pas ici : quand les marchés actions chutent, tout chute (le bon avec le mauvais).
Néanmoins certaines sociétés chutent moins que la moyenne et sont plus résistantes aux environnements économiques difficiles. C’est le cas notamment de celles qui ont des business models robustes, dégagent un cash-flow important, et on un cœur d’activité assez peu dépendant de la conjoncture économique (les biens de grande consommation vendus par Unilever par exemple (nourriture, savon, déodorant) sont moins sensibles à la conjoncture que des fabricants de voiture ou des banques).
Détenir ces sociétés ne protège pas totalement d’un krach boursier mais en atténue sévèrement l’ampleur. Si durant un krach la bourse chute de 40% et votre portefeuille de 15% seulement : cela fait déjà une sacré différence.
Voici par exemple un graphique tiré de mon article quelles actions acheter en 2019 qui présente la résistance des bons payeurs de dividendes largement capitalisés avec de solides business models de l’indice durant les dernières chutes boursières par rapport à la moyenne du marché :
Comme vous pouvez le voir, un investisseur dans ce genre de sociétés n’aurait pratiquement pas été impacté par l’explosion de la bulle internet du début des années 2000 et son portefeuille aurait été presque 2 fois moins touché pendant la crise de 2008 que la moyenne du marché.
Ce genre de société peu pro cyclique et relativement défensive constitue l’essentiel de mon portefeuille boursier, ce qui me permet personnellement d’être assez chargé en actions sans pour autant perdre le sommeil (actions défensives qui avaient par exemple diminué fortement l’impact du mini krach lié au Brexit il y a 2 ans (-11% en une journée pour les bourses européennes vs -5% sur mon portefeuille).
3/ Faire attention aux valorisations des sociétés que l’on achète
En règle générale les sociétés qui ont les valorisations les plus exubérantes sont les plus durement touchées pendant les krachs boursiers (ou les marchés baissiers). Ceci parce que ces sociétés sont celles dont les prix sont les plus déconnectés de leurs fondamentaux.
Même la meilleure société du monde ne sauvera pas votre portefeuille si vous la payez beaucoup trop cher. Si nous traduisons ce concept en biens « réels » : imaginons que vous trouviez un superbe trois pièces entièrement neuf à Paris dans un immeuble récent avec piscine, et avec vue sur la tour Eiffel. Le bien est évidement d’une qualité exceptionnelle. Mais si vous l’achetez 50 millions vous n’avez absolument aucune chance de faire un profit dessus (à moins de tomber sur quelqu’un d’encore plus fou que vous, ou d’attendre très très très longtemps).
C’est grosso modo la même chose lorsqu’on achète des sociétés : il faut s’assurer que le prix de l’action n’est pas complètement déconnecté de la valeur réelle de la compagnie. Plus on achète des sociétés « décotées » ou faiblement valorisées, moins on a de chances de subir de sévères déconvenues (c’est un concept que Benjamin Graham, le mentor de Warren Buffett appelait la « marge de sécurité » : investir avec une décote qui viendra faire « matelas » en cas de coup dur). Bien sur cela ne veut pas dire que la décote vous rend invulnérable, mais vos titres auront tendance à mieux résister.
C’est un peu comme acheter en dessous du prix du marché en immobilier : cela réduit les risques de moins value. Et en parlant d’immobilier cela nous conduit au 4ème point.
4/ Investir dans l’immobilier physique
J’en ai parlé au cours des dernières semaines, mais l’immobilier physique résidentiel a historiquement bien résisté aux krachs boursiers. Ceci car les gens ont toujours besoin d’un toit au dessus de leur tête (que la conjoncture soit bonne ou mauvaise, il faut bien habiter quelque part).
De plus l’immobilier est composé de nombreux sous marchés locaux qui répondent chacun à leur propre logique économique (démographie, dynamisme de l’emploi dans le secteur, climat, en bref offre/demande) ; ce qui fait que les placements immobiliers sont généralement de bons instruments de diversification.
De plus les loyers perçus fournissent un cashflow régulier qui vous permet de patienter tranquillement durant les périodes boursières difficiles, et qui peut être réinvesti dans des actions soldées suite à une baisse de marché.
Ce qui me conduit au dernier point.
5/ Provisionner du cash
Sans parler de timer le marché avec précision, de nombreuses études ont démontré qu’acheter des actions après des chutes conséquentes améliorait les rendements et diminuait les risques d’un portefeuille. Le problème de cette méthode, c’est que l’on peut vite se retrouver en dehors du marché à attendre une baisse qui ne vient jamais (j’en connais beaucoup qui attendent un krach depuis quelque chose comme 2012, et ils ont raté 6 ans de hausse et perdu beaucoup d’argent).
Une alternative est d’appliquer ce qu’on appelle du « dollar cost averaging modifié« , c’est à dire qu’au lieu d’investir une somme fixe chaque mois en bourse, vous investissez un peu plus après une mauvaise période et vous investissez un peu moins après un run haussier majeur (et vous provisionnez le surplus pour avoir du cash disponible pour racheter suite à une baisse).
Cette méthode a été testée avec succès dans le papier de recherche « Building a better mouse trap : Enhanced Dollar Cost Averaging » : en provisionnant simplement du cash après des mois très gagnants, et en mettant plus de cash au travail suite à des mois perdants, vous évitez de mettre de larges sommes au travail au plus mauvais moment.
Cela peut être un bon compromis pour un investisseur qui ne veut pas rester complètement passif vis à vis des conditions de marché, mais qui ne veut pas non plus tomber dans les pièges de l’achat/revente.
Conclusion
C’est à peu prêt tout pour cet article, j’ai voulu présenter ici les méthodes qui me paraissaient les plus simples et les plus efficaces pour minimiser l’impact qu’un krach boursier est susceptible d’avoir sur votre patrimoine (et sur votre psychologie).
Pour les investisseurs avancés qui me lisent j’ai délibérément laissé de coté certaines méthodes de protection trop complexes (du genre delta hedger un portefeuille en utilisant les dividendes versés pour acheter des options), car je pense que ce sont des méthodes qui ne parleront pas à grand monde, et qui ne sont de surcroit guère plus efficaces que les méthodes plus simples présentées ci-dessus (j’ai moi même appris tout cela à la fac, et me suis empressé de le laisser dans un tiroir ensuite).
Je pense que les méthodes présentées ici donnent déjà un bon panel d’options parmi lesquelles un investisseur pourra faire son choix en fonction du temps qu’il a a consacrer à ses placements, et de ses préférences personnelles.
Francois says
Bon article, encore une fois, on voit la puissance d’investir de façon diversifée dans des actifs non correlés comme vous dites. J’affectionne particulièrement les actions defensives à la Unilever (que je détiens également).
Ceci dit, je trouve que les plans de réinvestissement du dividende (les DRIP en anglais) qui font que le dividende est versé sous forme d’actions au lieu d’argent comptant sont également intéressants. Quand le prix de l’action baisse, commme pendant un Krach, on reçoit plus d’actions. Et notre dividende nous donne immédiatement un retour le trimestre suivant. Ça ne prémunit pas contre un Krack, mais ça atténu le choc.
Pierre says
Bonjour François,
Tout à fait les DRIP sont une bonne manière d’améliorer le rendement de ses lignes pendant les chutes de marché, en plus comme on peut les programmer « en automatique » ils peuvent permettre d’éviter certains biais de comportements ;
Cdt
Antoine says
Bonjour,
Je suis étudiant et pas encore véritablement investisseur. La crise de 2008 a maintenant plus de 10 ans et je suis un peu frileux à rentrer maintenant dans le marché des actions de peur d’une nouvelle crise prochainement. J’aimerais attendre la prochaine crise pour essayer de rentrer au plus bas mais comme vous dites ça pourrait être des années de perdues… Alors est-ce que vous pensez que ce serait une bonne stratégie de commencer à investir dans les métaux et ou les obligations puis de mettre le paquet sur les actions une fois que la prochaine crise arrivera ?
Merci,
Pierre says
Bonjour Antoine,
Cela reviendrait à essayer de timer le marché, ce qui (selon la plupart des études) ne donne généralement pas de très bons résultats ;
Bien Cordialement