Initialement, je vous avais préparé pour cette semaine un long article détaillé sur les impacts potentiels de la hausse des taux d’intérêt sur les marchés boursiers, car la semaine dernière, il s’agissait encore de notre principale inquiétude.
Jeudi matin en ouvrant mon ordinateur, j’ai eu la surprise de voir que les bourses avaient chuté de 4%, et de voir des hashtags « World War 3 » dans les tendances du jour…
Après 2 ans de ce qui semble être un flux quasi ininterrompu de mauvaises nouvelles, j’ai été envahi (comme vous je pense) par un sentiment de grosse fatigue tinté de léger désespoir (pas par rapport à mon portefeuille boursier, mais par rapport à la situation du monde en général).
Et mon article sur les impacts d’une hausse des taux semblait tout à coup quelque peu hors de propos. Suite à plusieurs demandes, cette semaine, je vous propose donc un article plus court, mais hélas de circonstances : la réaction des marchés aux guerres.
La chute des bourses cette semaine
En fin de semaine, le CAC 40 (déjà engagé dans une dynamique baissière depuis quelques temps) a plongé de 4% dans la journée suite à l’annonce de la nouvelle, ce qui constitue la plus grosse baisse journalière depuis la découverte d’un nouveau variant en novembre dernier.
Au niveau annuel, cela nous projette donc a -12% environ, ce qui est pour l’instant une correction modeste à l’échelle de l’histoire.
Mais les marchés détestant l’incertitude et les périodes de tension autant que les acteurs qui les composent : il faut s’attendre à des journées de bourse agitées dans les semaines qui viennent.
Il faut toujours garder en tête ici que le premier mouvement des opérateurs boursiers face à de mauvaises nouvelles inattendues, est de vendre les actifs « risqués » (les actions) et de se replier sur des actifs défensifs.
Cependant il faut aussi garder en tête une autre chose importante : en règle générale, les inquiétudes liées aux risques géopolitiques sont usuellement de courte durée en bourse… (ceci même en cas de conflit majeur… comme nous allons le voir dans le point suivant).
Également, il faut savoir que les bourses ayant tendance à toujours anticiper, il peut se produire de curieux mouvements durant ce genre périodes (il n’est pas rare que les bourses décrochent préventivement, avant de remonter au beau milieu d’un conflit par exemple).
Zoom sur nos deux meilleurs atouts pour y voir plus clair : l’histoire et les chiffres.
Les guerres et les actions : quelques chiffres
Au delà du drame humain et des tragédies totales que représentent les guerres dans le monde réel, au niveau boursier, les choses sont moins terribles que l’on ne pourrait le croire.
Comme pour la crise du covid en 2020, il est facile de céder à la panique sur ce genre d’annonce, et d’oublier que, comme pour les pandémies, ce n’est malheureusement pas la première période de (fortes) tensions géopolitiques que traverse l’humanité…
En utilisant l’histoire comme guide, voici par exemple un tableau récapitulant l’ensemble des réactions des marchés américains aux périodes de guerre et de conflits majeurs depuis la seconde guerre mondiale :
Comme vous pouvez le voir, si vous prenez le pourcentage du temps où les marchés ont des retours négatifs, vous constaterez que cela se produit plus souvent avant l’évènement (ou immédiatement dans la semaine qui suit).
Ceci parce que comme je l’avais expliqué dans de précédents articles (et comme ce fut le cas pendant la crise du covid), les bourses ont toujours tendance à anticiper.
Est-ce que cela veut dire que les marchés vont remonter dans un futur proche? Pas nécessairement, comme vous pouvez le voir ici une semaine à un mois après l’évènement les probabilités sont autour des 50/50. Et rien ne nous dit ici que le passé préjugera du présent.
Ce que nous dis ce tableau en revanche, c’est qu’en moyenne, nous avons tendance à surestimer l’impact boursier de ce genre d’évènement (nous extrapolons qu’au vu de l’ampleur du drame humain que représente une guerre, les choses doivent forcement être terribles en bourse, mais ce n’est pas toujours le cas).
Usuellement, la nouvelle frappe au plus fort lorsqu’elle vient d’être publiée, ou lorsque la probabilité d’un conflit est jugée très élevée. Puis peu à peu, ce sont les forces usuelles qui recommencent à diriger les marchés (chômage, inflation, croissance, taux, etc…).
Bien entendu toutes ces variables peuvent être impactées par les conflits. Voyons cela dans la suite.
Les impacts réels que pourrait avoir l’évènement
Ce n’est pas un secret, la Russie est un gros producteur de pétrole et de gaz (entre autres matières premières). Nous avons déjà tous ressenti l’augmentation des prix durant ces derniers mois, mais la situation actuelle pourrait encore amplifier le phénomène.
L’Ukraine est également un gros producteur et exportateur de grains. En gros du coté des pressions inflationnistes sur les matières premières, ce qui se passe actuellement ne va probablement pas améliorer les choses. Surtout en Europe.
Coté impact, les marchés européens seront probablement bien plus impactés que les États-Unis. Nous avons pu le voir en temps réel cette semaine, le jour de l’annonce le CAC 40 a chuté de -4% alors que les États-Unis ont clôturé positifs (+1.5% malgré le choc de la surprise).
Cette semaine, Zonebourse a également sorti un article intéressant qui détaillait l’exposition de plusieurs sociétés à la Russie (cela peut être quelque chose à vérifier dans votre portefeuille si vous êtes anxieux, même si le gros des dégâts a probablement déjà été fait le jour de l’annonce) :
Le fait que des évènements tragiques tels que les guerres ou les épidémies puissent survenir est quelque chose que nous avons tendance à oublier quand tout va bien.
C’est un argument supplémentaire ici en faveur du fait de toujours maintenir une bonne diversification (vu la faible réaction des États-Unis par rapport à l’Europe la semaine dernière).
Cette fois ci c’est nous, européens, que cette nouvelle touche directement, mais une prochaine fois il peut tout aussi bien s’agir des États-Unis, ou de l’Asie. Croisons les doigts, que cela n’arrive pas, mais n’oublions pas les leçons de l’histoire pour autant…
Je pense que nous serons tous d’accord pour dire que la dernière chose dont le monde avait besoin après 2 ans de tensions sanitaires constantes, c’est une nouvelle année qui change son fusil d’épaule pour démarrer sous le signe des conflits armés, et des tensions géopolitiques…
Conclusion
Je vous ai réuni ici les données utiles que j’ai pu trouver en l’espace de 48 heures sur ce sujet suite à l’annonce de jeudi, qui n’a pas manqué de surprendre tout le monde, et qui est forcement synonyme de beaucoup d’incertitudes pour les semaines qui viennent.
Gardez cependant en tête les chiffres : historiquement, la tendance est à la surréaction au choc de la nouvelle, puis les chiffres usuels reprennent (graduellement) leurs droits.
(Ce qui ne veut pas dire que nous serons sorti d’affaire car même si nous arrivions à contenir le conflit, il y a déjà des discussions sur des représailles économiques des deux cotés, qui risquent de ne pas améliorer la tendance inflationniste déjà en place. Plus à ce sujet dans un prochain article).
Dans l’intervalle comme d’habitude : nous ne pouvons rien faire pour changer ces évènements tragiques… nous avons juste le contrôle sur comment y réagir. (P.S. : Et comme d’habitude, pour votre propre santé mentale : allégez les médias dans les semaines qui viennent…)
Courage à tous ceux qui sont en Ukraine aujourd’hui, à leurs proches, et à leurs familles.
Gael says
Bonjour,
C’est l’un des articles les plus alarmistes que j’ai lu sur ce blog.
La situation n’est pas rassurante en effet :o(
On en revient encore à ce dont les économistes ne parlent jamais : le déclin des matières premières et particulièrement des énergies extraites de fossiles (pétrole, gaz, charbon) dont les stocks terrestres sont limités. C’est l’abondance intiale de ces énergies qui a permis le développement des démocraties et le niveau de vie dont nous jouissons dans notre pays. Lorsque l’énergie manquera trop les conflits armés se généraliseront partout. Sans compter les effets du changement climatiques qui provoqueront des catastrophes répétées sur les rendements agricoles. Et sans compter les maladies émergentes (rappelons que nous avons eu 3 coronavirus en 20 ans). A la clé donc : famines, maladies, guerres.
Il manque les sociétés pétrolières dans la liste de ZB.
Par exemple Total extrait 15% de sa production en Russie.
On peut penser que l’augmentation du prix du baril compensera une éventuelle sanction russe et aura peu d’impact sur Total.
C’est en revanche plus préoccupant concernant les matières premières dont l’Europe a besoin pour fabriquer les infrastructures permettant de produire une énergie moins productrice de CO2.
Bienvenu dans un monde durablement inflationniste !
Pierre says
Bonjour,
Alarmiste ici je dirai que oui et non, dans le sens où l’article est surtout un rappel qu’il y a malheureusement eu des précédents bien pires aux situations que nous vivons aujourd’hui (guerres comme épidémies).
En fait nous vivons actuellement dans une des plus longues périodes de paix de l’histoire (ce qui rend ce genre de déclaration de guerre soudaine d’autant plus choquante). Et coté épidémie, nous avons aussi connu bien plus mortel (peste noire, grippe espagnole, entre autres).
Ceci dit l’enchainement d’évènements dernièrement était quelque peu usant en effet (d’où le ton qui transparait peut être dans l’article). Pour la suite je ne pense pas qu’il faille forcement tomber dans le catastrophisme. Comme je le dis souvent sur le site : personne ne peut prévoir le futur, trop de variables et d’inconnues sont en jeu.
Mais dans l’immédiat effectivement, les sanctions prises par l’UE risquent de leur revenir dans la figure sous forme d’inflation sur des secteurs clés de l’économie (ce qui rend les négociations délicates) ; Cdt
gael says
Bonjour Pierre,
En utilisant le mot « alarmiste » ce n’était pas pour être critique.
Alarmiste je le suis quand je vois l’état du monde et la négation de l’humanité concernant le fait qu’elle vit sur une planète ayant une taille finie et des stocks de matières premières limités.
Étant scientifique, quelques analyses de volumes, de flux physiques et quelques règles de trois suffisent pour me convaincre que de sombres perspectives nous attendent dans les 10-20 prochaines années.
Don’t look up !