Cette semaine, j’ai pu lire un article Bloomberg intéressant intitulé « le Trillion oublié », qui met en avant un des rares éléments que l’épidémie de covid a amélioré. Cet élément, c’est (paradoxalement) la santé financière des ménages.
Cet article propose également un scénario économique optimiste pour les années à venir (qui tranche quelque peu avec la négativité ambiante), aussi j’ai pensé qu’il serait intéressant de vous le partager.
Tout d’abord, retour sur un élément central qui (dans les bonnes circonstances) pourrait déboucher sur un rebond économique rapide et massif une fois la crise passée.
1/ L’explosion du taux d’épargne
Le confinement que nous avons connu au cours de ces derniers mois (associé aux aides massives distribuées par les gouvernements) a eu un effet secondaire inattendu : l’assainissement de la situation financière des ménages, avec, entre autres, un taux d’épargne de la population qui atteint aujourd’hui des niveaux records.
Même les plus dépensiers d’entre nous ont en effet été (malgré eux) limités au cours de ces derniers mois par les fermetures de la plupart des établissements publics, ainsi que par les restrictions de mobilité imposés par les gouvernements.
Tout cela a créé une situation « d’épargne forcée», et le cash s’est accumulé lentement sur les comptes en banque au cours de ces derniers mois aux Etats-Unis comme en Europe (dans une trajectoire inversement proportionnelle à notre santé mentale sur la même période) :
Tout bon économiste vous le dira : un pic d’épargne et une baisse générale des dépenses ne sont pas bonnes pour l’économie à court terme (nous avons pu le constater sans surprise avec les chiffres publiés ces derniers mois).
Cependant ces quantités énormes d’argent qui dorment sur les comptes en banque des particuliers pourraient également contribuer à relancer l’économie aussi vite qu’elle a décliné une fois que la situation se sera quelque peu stabilisée.
2/ Des changements rapides de consommation
Un concept clé que j’ai présenté à plusieurs reprises sur le site pour toujours savoir où placer son argent, c’est de comprendre que la masse d’argent en circulation dans l’économie (dans des conditions « normales ») ne disparait pas, mais qu’elle se déplace entre différents supports.
Plutôt que d’analyser des dizaines de ratios économiques complexes, si vous pouvez avoir une vague idée d’où une large somme de liquidités va être déversée en un minimum de temps : vous pouvez avoir une bonne idée des secteurs qui vont monter ou descendre (que ce soit en bourse ou dans l’économie réelle) dans un futur proche.
Durant la crise du covid, les liquidités se sont déplacées principalement vers 2 endroits : les comptes épargnes, et les secteurs qui étaient les mieux positionnés pour résister à la crise :
Comme vous pouvez le voir sur le graphique ci-dessus, les secteurs qui ont le plus chuté durant la crise sont (sans grande surprise) : les secteurs de l’hôtellerie, du voyage, de l’énergie, de la consommation cyclique (hors Amazon), de l’immobilier commercial, et le secteur financier (hors PayPal).
A l’inverse, les secteurs qui ont le plus bénéficié de cette crise sont : le secteur technologique (et l’économie numérique, avec Amazon, Microsoft, mais aussi PayPal), le secteur des semi conducteurs (les fondations du secteur technologique), le secteur du divertissement (Netflix), les biens de consommation défensifs/non cycliques (Procter and Gamble, WallMart, etc), et le secteur de l’aménagement d’intérieur (Home Depot, Lowes, etc).
En mars, j’avais écrit un article intitulé « Coronavirus, quelles actions acheter?« , et si vous le relisez en regardant le graphique ci-dessus aujourd’hui, vous pourrez constater que les choses ont suivi ici une trajectoire logique.
Cependant ce changement d’habitudes de consommation rapide et « forcé » a aussi a entrainé beaucoup de frustration dans le contexte d’une population qui commence à en avoir assez d’être bloquée devant des écrans depuis des mois (en différant ses projets de voyage, de vacances, de déplacement professionnel, et plus généralement de vie).
Cette frustration additionnée aux larges quantités d’épargne dormant sur les comptes (et au contexte général que nous allons détailler un peu plus avant dans le point suivant) pourrait déboucher sur de larges rebonds d’ici quelques mois dans de nombreux secteurs.
3/ Le contexte général (et la situation des taux d’intérêts)
Une question importante à se poser par rapport à toute l’épargne dormante qui a été provisionnée au cours de ces derniers mois est : rapporte-elle de l’argent ?
En effet, en économie, une situation très négative (exposée en détails par de nombreux économistes tels que J.M. Keynes dans sa théorie générale) survient lorsque les comptes épargne rapportent des taux d’intérêts dits « sans risque » élevés, et que des sommes importantes viennent s’y loger.
Ceci car des montants d’épargne importants rémunérés à des taux d’intérêts importants créent une incitation forte à laisser son argent « dormir » sur ces comptes, et à ne pas consommer (ce qui est très mauvais pour l’économie).
Actuellement, nous sommes exactement dans la situation inverse : l’épargne « sans risque » ne rapporte rien, et les taux d’intérêts ont été annoncé à des niveaux planchers pour au moins les 5 années qui viennent (selon les derniers communiqués des banques centrales) :
Cette situation crée donc un contexte global favorable à un rebond des actifs risqués (que nous avons déjà pu constater en partie au cours de ces dernières semaines)… mais également de l’économie (si jamais le facteur covid devait se tasser).
Sur ce point, nous avons connu récemment une « 2ème vague » du nombre de cas, en particulier en France (qui est très médiatisée) avec cependant un taux de mortalité extrêmement faible cette fois-ci pour le moment (un facteur un peu moins médiatisé).
Si le virus continue de se montrer de moins en moins mortel, et que les particuliers commencent à reprendre un train de vie (et de consommation) « normal » : l’économie pourrait repartir plus vite que beaucoup ne l’anticipent, simplement car aujourd’hui la population a les moyens de consommer (et la frustration de ne pas pouvoir le faire).
Conclusion
Le virus a peut-être plongé l’économie dans la tourmente au cours de ces derniers mois, mais il ne faut pas sombrer pour autant dans le pessimisme, et conserver une vision à long terme.
En 1919, le monde avait été dévasté par la première guerre mondiale, puis par la pandémie de grippe espagnole de 1918 (qui avait fait à l’époque plus de 50 millions de morts). Cette période incroyablement sombre avait ensuite été suivie par les « Roaring 20’s« , la période de prospérité économique la plus longue du siècle dernier.
Si vous aviez demandé à quelqu’un de miser sur un scénario en 1918 ou en 1919 : peu de gens se seraient probablement rangés dans le camp des optimistes. C’est une leçon de l’histoire a garder en tête dans la période difficile que nous traversons en ce moment.
Hilal says
Très intéressant, mais on néglige pas ici l’entrave que le(s) gouvernement(s) pose(nt) dans l’économie ou c’est moi qui me trompe?
Pierre says
Bonjour Hilal,
Si vous songez à tout ce qui est restrictions de mobilité, télétravail, roulements d’employés etc, en effet il est encore un peu tôt pour annoncer une reprise, cependant ces mesures sont en train de se détendre progressivement (plus de reconfinement envisagé pour le moment, malgré une remontée des cas, restrictions de mobilité allégées, etc..). Cet article se projette dans un contexte où la situation générale se sera quelque peu détendu (à horizon, comme évoqué dans l’introduction, des mois et années à venir) ; cdt