Dans cet article nous allons nous pencher sur les méthodes employées par le meilleur trader du 20eme siècle : Jesse Livermore.
Jesse Livermore est le trader qui a réalisé les plus gros profits de l’histoire de la bourse en gagnant environ 100 millions de dollars de l’époque (ce qui correspond a environ un milliard de profits en dollars d’aujourd’hui ajustés de l’inflation) sur sa plus grosse opération.
Il a anticipé correctement deux krachs boursiers, celui de 1907 et le fameux krach de 1929, et il a bâti deux fortunes sur ces anticipations, ce qui lui a valu le surnom de « Grand ours de Wall Street« . Livermore était connu pour ses prises de positions massives et pour ses extraordinaires capacités d’analyse des marchés boursiers.
Voyons quelles étaient ses méthodes, et comment il a réussi à prévoir 2 krach boursiers.
Table of Contents
Qui était Jesse Livermore?
Jesse a commencé sa carrière boursière au début du 20ème siècle à l’âge de 14 ans en pariant sur les prix des actions dans ce que l’on appelait à l’époque des « bucket shops ». Ces établissements n’étaient pas des sociétés de bourse officielles et fonctionnaient plutôt comme des établissements de jeu qui permettaient de miser sur le prix des actions à la hausse et à la baisse avec quelques dollars.
En quelques années Jesse s’est fait bannir de ces bucket shop car il y avait gagné trop d’argent, il a donc déménagé à New York, a ajusté sa stratégie et a commencé à acheter et vendre de véritables actions.
(P.S : Ci-après, son histoire au format vidéo pour ceux qui le préfèrent ) :
Jesse Livermore est surtout connu dans l’histoire de la bourse pour avoir anticipé (et bâti deux fortunes) sur deux krachs boursier : le krach boursier de 1907, et celui de 1929.
En 1907, Livermore a gagné 3 millions de dollars. En 1929, il a remarqué que ce qu’il appelait les « conditions générales« , c’est à dire le contexte économique global était terriblement similaire à celui de l’année 1907 et il a commencé à construire des positions baissières massives sur le marché dans son ensemble, positions qui l’ont conduit à réaliser le plus gros profit boursier de l’histoire en une opération : 100 millions de dollars de l’époque (soit un milliard de dollars d’aujourd’hui environ ajusté de l’inflation).
Au delà de son habitude de prendre des positions boursières tout fait excessives, pour ne pas dire dangereuses (Jesse a bâti et détruit sa fortune plusieurs fois), il est surtout resté dans l’histoire pour son incroyable sens de l’observation, ses principes de trading intemporels, et pour sa biographie intitulée « Reminiscences of a stock operator » (« Mémoires d’un spéculateur » en français), rédigée par Edwin Lefevre qui est devenu un livre culte sur l’investissement aux Etat-Unis.
Pourquoi s’intéresser à lui?
Si vous êtes un lecteur régulier de ce site, vous savez probablement que je ne recommande pas le trading en règle générale. Néanmoins je pense que les méthodes et principes de Jesse Livermore sont des sujets d’études intéressants, et je pense qu’il y a toujours des choses à apprendre des meilleurs du monde dans leur discipline.
En plus de cela, si l’on peut supposer qu’anticiper correctement un krach boursier peut être dû simplement au hasard, en anticiper deux laisse penser qu’il y a autre chose que la chance pure derrière les gains boursiers colossaux de Jesse Livermore.
Les méthodes de Jesse Livermore
Jesse était ce que l’on appelle un « tape reader » (littéralement « lecteur de ruban » qui se réfère aux rubans de cotation affichant les prix des titres à l’époque), c’est à dire qu’il se rapprochait de ce qui est aujourd’hui un analyste technique.
Il observait les mouvements de marché et les pressions acheteuses et vendeuses au jour le jour à la bourse de New York pour réaliser des profits rapides. Cependant il s’est rapidement rendu compte qu’il ne deviendrait jamais riche avec cette approche (phrase du livre : « il y a un dicton qui dit qu’on ne devient jamais pauvre à Wall Street en prenant ses profits. On ne devient jamais riche non plus en prenant un profit d’un quart de point dans un marché haussier. »).
Jesse a rapidement compris que si il voulait gagner de l’argent il devait tenir compte de deux choses : ce qu’il appelait « les conditions générales« , c’est à dire les forces économiques et financière à l’oeuvre, et le temps : il devait garder ses positions suffisamment longtemps pour laisser le temps aux marchés de bouger fortement à la hausse ou à la baisse plutôt que d’acheter et de vendre constamment (phrase du livre : « Ce n’est pas ma réflexion qui a crée mes plus gros profits. C’est ma capacité à rester assis, et à ne rien faire« .)
Comment Jesse Livermore a anticipé les krachs boursiers de 1907 et de 1929
Jesse a utilisé plusieurs éléments.
Premier élément : L’action des « Leaders de Marché »
Tout d’abord, du fait de son contact permanent avec la bourse, Jesse Livermore suivait constamment les meilleurs actions du marché, celles avec les meilleurs fondamentaux et dont la hausse des prix était la plus rapide et la plus stable.
Il savait que lorsque ces actions commençaient à avoir des difficultés à monter, cela était très mauvais signe pour l’ensemble du marché.
Si les sociétés de première qualité ne vous permettent pas de réaliser un profit, c’est qu’il n’y a pas d’acheteurs pour des sociétés excellentes, et si il n’y a pas d’acheteurs pour des sociétés excellentes, il y en aura encore moins pour des sociétés médiocres. Et dans cette situation, ce n’est qu’une question de temps avant que le marché ne tombe sous le poids des vendeurs.
Second élément clé : Le crédit
Un second élément auquel Jesse était sensible, c’est la facilité avec laquelle les crédits sont accordés (et le niveau d’endettement général des investisseurs). A l’époque, il était possible d’emprunter très facilement de l’argent pour acheter des actions à crédit (et ainsi profiter d’un effet de levier important).
Cela veut dire que, comme on peut le faire en immobilier aujourd’hui, les actionnaires avaient tendance à emprunter massivement pour acheter des actions (qui selon eux « ne pouvaient que monter »). Jesse savait que lorsque le niveau des emprunts atteignait une masse critique, et que tout le monde était convaincu que la bourse ne pouvait « que monter », cela était très mauvais signe. Encore une fois sa logique était simple : une fois que tout le monde a investi son argent dans les marchés boursiers, que tout le monde a plafonné sa capacité d’emprunt, et que tout le monde est investi dans le marché, il n’y a plus de liquidités dans le système, donc plus d’argent pour acheter.
Et si il n’y a plus d’argent pour acheter, les marchés ne peuvent aller que dans un seul sens : vers le bas. Mieux encore, il savait que l’assèchement des liquidités était susceptible de déclencher de violentes paniques et des ventes « à tout prix » pour rembourser les emprunts excessifs des opérateurs boursiers. C’est cette situation qui lui a mis la puce à l’oreille en 1907 et qu’il a vu se reproduire juste avant le krach de 1929.
Troisième élément clé : l’action des prix
Jesse a commencé par perdre beaucoup d’argent dans sa carrière en « ayant raison trop tôt« . Il a rapidement compris qu’il ne s’agissait pas uniquement d’avoir raison mais d’avoir raison au bon moment. Lorsqu’il avait un scénario en tête, il attendait toujours que les marchés aillent dans son sens avant d’investir et il construisait sa position au fur et à mesure. Une fois son scénario établit en 1907, il a attendu une première chute massive des cours pour être certain d’avoir raison et il a commencé à vendre massivement le marché.
(Extrait du livre : « Ne faites jamais confiance à votre propre opinion et laissez là de coté jusqu’à ce que l’action du marché vienne la confirmer. Les marchés n’ont jamais tord, les hommes souvent. »)
Quatrième élément : le sentiment.
Jesse Livermore était également très doué pour ce qui était de décrypter le sentiment général. Il utilisait les excès d’optimisme de la presse financière pour renforcer ses positions vendeuses et savait que lorsque les journaux financiers étaient unanimement à l’achat, c’est qu’il était probablement temps de commencer à vendre.
Il parle dans son livre d’un moment de bref rallye boursier en 1907 alors que la presse publiait des articles expliquant que certaines sociétés offraient de bonnes perspectives et qu’il était temps d’acheter maintenant qu’elles avaient atteint de bonnes valorisations.
Cette idée allait contre sa propre analyse des conditions générales et de l’action des prix, il a donc utilisé le bref rebond du a cette publication pour vendre massivement et à juste titre. (extrait du livre : « Je savais que j’avais raison et qu’ils avaient tord. (…) l’article relevait de la manipulation. Je devais prouver que j’avais raison de la seule manière que je connaissais : en misant mon propre argent.« )
Jesse Livermore : le meilleur trader du 20eme siècle?
Jesse Livermore était peut être le meilleur trader du 20eme siècle en termes de profits purs, mais il était loin de l’être en termes de gestion des risques. Tout d’abord il a bâti et détruit sa fortune à de multiples reprises.
Il a perdu 90% de l’argent qu’il avait gagné durant le krach de 1907 dans un trade perdant sur le coton (sur lequel il a selon lui « brisé ses propres règles »). Entre 1908 et 1912, il a été déclaré en faillite personnelle (les marchés évoluaient alors sans direction particulière, il a appris une leçon essentielle pour lui qui est de ne miser que dans des marchés bougeants fortement dans une direction ou une autre, pas dans des marchés « latéraux », mais il est difficile pour un trader d’accepter de ne rien faire pendant 4 ans).
Il a ensuite refait sa fortune dans le marché haussier qui a suivi la 1ère guerre mondiale, puis a réalisé le trade de sa vie durant le krach de 1929. Seulement, sur les 100 millions de dollars gagnés en 1929, il ne lui restait en 1934 plus que 5 millions, il a donc réussi le tour de force de perdre 95 millions en 5 ans.
Jesse Livermore avait pour habitude de dépenser son argent de manière simplement astronomique, il possédait plusieurs villas, plusieurs yachts, avait un gout prononcé pour le luxe, aimait les jeux d’argent, et a divorcé plusieurs fois. Il prenait également des risques boursiers excessifs qui ont été la cause de ses plus grands succès comme de ses déboires.
Ses incroyables capacités d’analyse étaient donc contrebalancées par son train de vie déraisonnable, ses prises de risque excessives, sa personnalité outrancière, et par son incapacité, de son propre aveu, à coller à ses propres règles de trading.
En dépit de cela, il y a malgré tout beaucoup de choses à apprendre de Jesse Livermore et si vous en doutez, je vous recommande chaudement la lecture de « Mémoires d’un spéculateur » qui est à la fois une plongée dans l’esprit d’un brillant trader et un livre de référence sur le monde de la bourse (un ouvrage que je classe d’ailleurs dans mon top 10 des meilleurs livres sur la bourse).
Les 10 principaux enseignements de Jesse Livermore
- N’écoutez les conseils boursiers de personne, surtout pas de la presse et forgez votre propre expertise
- Gardez toujours un œil sur les meilleures actions du marché
- Étudiez l’action des prix : n’investissez jamais uniquement sur un scénario ou une anticipation personnelle, car personne ne peut prévoir le futur
- Étudiez les conditions générales : sachez à tout moment quelles forces économiques sont à l’oeuvre
- N’achetez jamais une action en pleine chute sous prétexte qu’elle est « peu chère »
- Ne rachetez jamais plus d’une action sur laquelle vous êtes en sévère perte
- Ne vous laissez pas avoir par les fluctuations journalières des marchés : les grands mouvements boursiers prennent du temps à se développer
- Étudiez l’histoire : ce qui s’est produit se reproduira encore sur les marchés car la nature humaine change peu
- Fixez vous des règles d’investissement et suivez les
- Surveillez vos dépenses : Un mauvais style de vie séparera inévitablement un bon investisseur de ses profits.
Conclusion
Jesse Livermore est un cas d’étude très intéressant car il est à la fois l’exemple idéal de ce qu’il faut faire au niveau de l’analyse et de ce qu’il ne faut pas faire au niveau de la gestion des risques et du style de vie.
Quelqu’un comme Warren Buffett a construit sa fortune lentement mais surement et n’a jamais essuyé de revers de fortune aussi colossaux que ceux de Livermore. Peu de gens pourraient se relever d’une faillite personnelle se chiffrant en millions (et encore moins trouver le courage de se lancer de nouveau en bourse après cela). Peu de gens également auraient pu tenir suffisamment longtemps une position affichant des profits de plusieurs millions sans être tentés de vendre.
Jesse Livermore était un personnage de la bourse excessif en tout et dont il ne faut pas essayer de reproduire les succès, cependant c’était aussi un analyste de marché de génie, duquel il y a beaucoup à apprendre. Enfin il est la preuve vivante que gagner beaucoup d’argent sans avoir une bonne gestion de ses dépenses et de son budget est inutile, et qu’un homme inventif, peu importe la masse d’argent qu’il possède, trouvera toujours un bon moyen de le dépenser.
ELMATAOUI says
tres bon article
Pierre says
Merci 😉