2019 aura été une année boursière impressionnante avec des performances de +25% sur les marchés américains comme européens (ce fut d’ailleurs l’année qui a délivré les retours boursiers les plus élevés depuis la création du présent site!).
A l’occasion je me suis dit qu’il était temps de faire une petite rétrospective (et un commentaire sur les niveaux boursiers actuels), et d’apporter quelques éléments de réponse à certaines questions qui me sont souvent posées :
- Cette année boursière était-elle excessive ?
- Qu’est-ce que cela augure pour 2020 ?
- Les actions sont-elles en train de former une bulle ? (ou avons-nous de la place pour monter ?)
- Est-il « trop tard pour rentrer » ?
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Marchés financiers, excès et illusion du joueur (vers une correction en 2020?)
Peut-on dire que cette année 2019 était excessive? Et si tel est le cas, est-ce que cela place l’année 2020 sous de mauvais auspices? C’est ce que nous allons voir plus en détails ici.
Il existe une idée reçue persistante en bourse (et dans le monde des jeux en général) : la croyance qu’un mouvement jugé « extrême » dans une direction doit nécessairement être « corrigé » ensuite par une forme de retour à la moyenne.
Dans les casinos, cette idée pousse souvent les joueurs à croire qu’ils augmentent leurs chances de gagner en pariant sur le rouge lorsque le noir est sorti plusieurs fois d’affilée.
Et en bourse, cette idée pousse souvent les investisseurs à être plus pessimistes après une année boursière très positive (et à avoir le sentiment qu’il est « trop tard pour rentrer ») qu’après une année boursière médiocre (ou négative).
Le problème c’est que cette vision des choses est fausse. Il s’agit d’un biais de raisonnement très commun appelé «l’illusion du joueur » (et qui peut déboucher sur des pertes importantes).
Qu’est-ce que l’illusion du joueur ?
L’illusion du joueur est un phénomène qui survient lorsqu’un évènement passé est perçu (à tord) comme ayant une influence sur la probabilité d’occurrence d’un évènement futur (elle prend ses racines dans la confusion d’évènements statistiques dits « indépendants » et « non indépendants »).
Un exemple concret du phénomène : Si je jette en l’air une pièce (non truquée) qui retombe 5 fois d’affilée sur face, sur quel côté parierez-vous pour le prochain lancé ?
La plupart des gens diront « pile » pour jouer un « retour à la moyenne ». Pourtant la pièce n’a statistiquement pas plus de chance de tomber sur pile que sur face, car la pièce n’a pas de mémoire.
Les chances d’un lancer de pièce sont toujours de 50/50 à chaque tirage. Les lancers sont dits indépendants, et le résultat d’un lancer passé n’a pas d’impact sur le résultat d’un lancer futur.
L’illusion du joueur en bourse
En bourse, de nombreux investisseurs font la même erreur que dans le cadre de cette expérience de lancer de pièce. Lorsqu’une année boursière a été particulièrement bonne, beaucoup de gens ont tendance à devenir baissiers pour jouer une forme de « retour à la moyenne ».
Pourtant dans les faits, avoir réalisé +30% ou -30% sur l’année passée ne nous dit rien sur les performances potentielles de l’année future (quoi que… comme nous allons le voir dans la suite).
Réalité des marchés : de meilleures performances… après une bonne année !
En bourse, la plupart des études réalisées sur le sujet vont en fait dans le sens d’une « illusion du joueur inversée ». C’est-à-dire qu’il y aurait en fait plus de chances de réaliser une bonne année boursière après une bonne année qu’après une mauvaise.
Voici la performance à 1 an de l’indice Eurostoxx 50 lorsqu’il évolue proche de ses plus hauts historiques (comme c’est le cas aujourd’hui) comparativement au reste du temps :
Ceci cadre avec les conclusions du mathématicien Benoit Mandelbrot, qui après de longues études sur la manière de se comporter des prix en bourse avait conclu à l’existence de « grappes de volatilité » (c’est-à-dire que les gros changements ont souvent tendance à être suivi de gros changements et les petits changements suivis de petits changements).
Cela ne nous dit pas que nous pouvons « prédire » quoi que ce soit au niveau des prix, mais cela nous ôte déjà de la tête l’idée reçue (fausse) qu’une année va être « mauvaise » simplement parce que les actions sont « trop montées » (car ce n’est pas comme cela que les bourses fonctionnent).
Une meilleure manière de porter un jugement objectif sur l’ampleur d’un mouvement boursier, c’est de le recontextualiser à l’échelle de l’histoire (et du comportement habituel « normal » des bourses).
Les années à +25% (comme 2019) sont-elles vraiment exceptionnelles en bourse?
Comme je l’ai déjà présenté sur le site : les gains moyens des marchés boursiers à long terme se situent autour des 10% par an. Le problème, c’est que cette hausse « moyenne » ne se fait pas du tout de manière linéaire et cache en fait de forts contrastes.
Voici la distribution des performances par année des indices boursiers américains depuis 1926 :
Comme vous pouvez le voir ici : les années entre +20 et +30% ne sont pas « exceptionnelles » en bourse. En fait elles seraient plutôt la norme.
Un zoom sur les performances isolées d’une année donnée ne peut donc que difficilement nous permettre de tirer des conclusions, et si nous souhaitons identifier la présence (ou non) d’excès, il faut nécessairement prendre du recul.
Un regard sur les performances des marchés à 20 ans
Les bulles boursières sont souvent caractérisées par des mouvements haussiers forts et paraboliques (j’avais par exemple régulièrement évoqué la forte probabilité d’une bulle sur le bitcoin en 2017 lorsque les prix commençaient à évoluer à un rythme excessif et déraisonnable).
Et si il n’est pas toujours facile d’identifier les bulles en temps réel (ni de savoir quand elles exploseront), nous pouvons néanmoins observer si un actif présente, une ou plusieurs des caractéristiques d’une bulle.
Observons donc les performances (annualisées) des actions au cours de ces dernières années en terme de prix pur sur différentes périodes (en se plaçant à fin 2019) :
- A 1 an : 25.30%
- A 2 ans : 8.39%
- A 5 ans : 8.81%
- A 10 ans : 10.91%
- A 20 ans : 3.87%
Comparons cela avec les rendements générés pendant la bulle internet de la fin des années 1990 (en nous positionnant en 1999, les rendements auraient été les suivants) :
- A 1 an : 19.53%
- A 2 ans : 23.05%
- A 5 ans : 26.18%
- A 10 ans : 15.31%
- A 20 ans : 13.95%
Dans le premier cas, nous avons simplement une décennie qui offre des performances légèrement supérieures à la moyenne suite à un marché baissier historique majeur (celui de 2008) : en témoigne la performance de seulement 4% sur les 20 dernières années.
Dans le second cas (en 1999) nous avions une réelle exubérance (avec des performances pouvant atteindre les 26% par an sur des périodes roulantes de 5 ou 6 ans, le tout associé à des performances de long terme nettement supérieures à leur moyenne historique).
Cet argumentaire ne veut pas dire que les bourses sont invulnérables aux corrections bien entendu (qui sont naturelles et arrivent régulièrement), mais simplement qu’à l’échelle de l’histoire (et contrairement à ce que peuvent laisser entendre certains) : la performance récente des bourses n’est pas particulièrement « excessive » ou exceptionnelle.
Conclusion
Malgré une très bonne année 2019 (une des meilleures de la décennie), on ne peut pas dire que les bourses évoluent actuellement sur des niveaux « excessifs » ou « anormaux » à l’échelle de l’histoire (la majorité du mouvement de cette année ayant été un rattrapage de la correction de l’an dernier).
De plus, contrairement à la croyance populaire, les bonnes années boursières n’augmentent pas les chances d’en connaitre de mauvaises derrière.
Les actions (soigneusement sélectionnées) continuent pour le moment de rester un placement de long terme attractif dans un monde globalisé de rendements toujours plus faibles, cependant il faut savoir se montrer sélectif (et parfois patient) dans le contexte actuel.
C’est ainsi que se conclut ce rapide bilan de fin d’année, et sur ce, je vous dis à l’année prochaine pour le partage usuel de mes performances détaillées 2019 (et la réouverture des formations pour ceux souhaitent y participer) ; et je vous souhaite de très bonnes fêtes de fin d’année dans l’intervalle!
Jimmy BROUDIC says
Bonsoir Pierre,
Cet article est plutôt rassurant et me conforte dans l’idée de m’ouvrir sur un portefeuille Français/Européen.
Actuellement, j’ai un portefeuille d’actions Américaine sur un compte De Giro. Pour créer un portefeuille d’actions Française/Européenne, puis je utiliser ce même compte De Giro (dans ce cas, ça deviendrait plus un portefeuille d’actions mixte) ou bien devrais-je ouvrir un compte chez un autre broker? Quels autres brokers, pas trop cher, connaissez-vous?
Cordialement,
Jimmy
Pierre says
Bonjour Jimmy,
Il est tout à fait possible d’utiliser le même compte Degiro pour les deux, néanmoins si vous êtes résident fiscal français vous aurez tout intérêt à ouvrir un PEA pour la partie en actions françaises (cela vous permettra de bénéficier d’avantages fiscaux importants) ;
Bien Cordialement
Alexandre says
Bonjour,
Article très pertinent. D’autant plus que la hausse s’est faite sans les particuliers, effrayés par le mini-krach du T4 2018. Le retour de ces petits porteurs pourraient faire grimper les indices en 2020.
La distribution de la performance des marchés US est criante de vérité. Entre 1996 et 1999 (4 années), les marchés US ont gagné plus de 20% chaque année.
Bonnes fêtes de fin d’année!
Alexandre
Loran says
C’est super, bravo pour le travail avec ce site, c’est une mine d’informations!
Pierre says
Merci Loran 😉
Val says
Merci Pierre pour ce très bon article qui permet de relativiser l’envolée de la bourse en 2019, et de nous faire une synthèse des variations annuelles sur les dernières décennies. Ce n’est pas évident de trancher sur l’importance ou non d’une augmentation significative du cours des actions, donc tes analyses et conclusions sont toujours les bienvenues 🙂
Pierre says
Merci pour ce retour positif Valérie 😉