Avec une inflation élevée, une récession attendue par 90% des investisseurs, une croissance au ralenti, et des taux qui grimpent, il est difficile d’être optimiste sur les actions en ce moment.
De ce fait, j’ai pu lire de nombreux posts sur les réseaux du type « une récession arrive, j’ai vendu mes actions » ou encore « l’économie est mauvaise, je reviendrai en bourse plus tard« .
Si l’on peut comprendre la logique initiale derrière ce raisonnement, il est cependant quelque peu simpliste, et néglige de nombreux éléments essentiels (qui peuvent conduire un investisseur à perdre de l’argent sur le long terme).
Voyons plus en détails lesquels dans la suite.
Rappel : La bourse n’est pas l’économie
Je l’ai déjà expliqué dans de précédents articles (mais les débutants en bourse tombent dans le piège à chaque fois) : les marchés boursiers anticipent. Ils ne bougent pas en fonction d’éléments déjà connus : ils « pricent » le futur.
Gardez en tête que dans les -20% subis par les indices boursiers en 2022, les 8% d’inflation, les politiques agressives des banques centrales, et un ralentissement économique sont déjà largement anticipés.
Cela ne veut pas dire que la chute des prix ne peut pas s’aggraver bien entendu, mais cela veut juste dire que si elle se poursuit, ce ne sera probablement pas à cause d’éléments déjà connus par la majorité des opérateurs de marché aujourd’hui.
Usuellement les marchés chutent avant les ralentissements, et rebondissent avant que l’économie ne s’améliore. Ce qui fait que la majorité des investisseurs se retrouvent dans le mauvais sens la majorité du temps.
Qu’est-ce qui pourrait accélérer la baisse à ce stade? Des éléments inattendus. Une inflation qui explose à 15%, un énorme pic de chômage suite aux politiques des banques centrales, une chute abyssale du PIB… (par exemple).
Une récession, ou une inflation qui continue sur les niveaux actuels dans les prochains mois? Les bourses anticipent déjà cette éventualité, et cela ne les fera guère plus bouger. Comme je l’ai posté sur Twitter cette semaine : si nous avons une récession, ce sera probablement la plus largement anticipée de l’histoire de la finance.
Cependant, il y a toujours des débutants qui vendent « par anticipation d’une récession« .
Tout d’abord : gardez en tête qu’on ne peut jamais exactement savoir quand une récession démarre et s’arrête, ensuite (ce que peu d’investisseurs réalisent) : même si vous saviez les jours exacts de début et de fin de récession, cela ne vous serait sans doute pas très utile.
Voyons plus en détails pourquoi.
Retours boursiers et récessions (une relation complexe)
En bourse, aussi bizarre que cela puisse paraitre, une récession n’est pas toujours synonyme de chute (ce qui complique significativement les choses).
Voyez plutôt dans le tableau suivant qui présente les retours avant, pendant et après une récession.
Comme vous pouvez le voir ici, la plupart du temps les déclins se produisent AVANT les récessions. Certains se produisent pendant (surtout lorsqu’il y a des surprises négatives, comme en 2008). En une occasion (2001), les marchés ont continué de décliner 1 an après la fin de la récession.
- La première idée à retenir ici est que vous pouvez prévoir parfaitement une récession, et malgré tout perdre de l’argent.
- La seconde est que les retours boursiers entre 1 et 10 ans après une récession sont usuellement très bons.
Vous comprendrez sans doute mieux ici pourquoi de nombreux investisseurs « vétérans » ont renoncé à l’idée d’essayer de timer ce genre d’évènement, et se contentent d’accumuler des actions de qualité lorsque les marchés leur offrent des prix raisonnables.
Quelques éléments importants à garder en tête
Pour apporter quelques nuances aux éléments présentés dans cet article, voici quelques points importants à garder en tête en ce moment à mon sens :
1/ En bourse, le marché baissier « moyen » a historiquement duré 1 an et demi. Dans le lot, certains ont duré moins de 2 mois. Certains ont duré plus de 2 ans. Aujourd’hui, cela fait en gros 6 mois que les marchés chutent. Ne soyez pas trop pressé de renforcer, et restez prudents.
2/ Toujours historiquement, 75% du temps les marchés baissiers ne dépassent pas -30%. 94% du temps ils ne dépassent pas -50%.
3/ Si ces chiffres ne vous plaisent pas beaucoup, il existe plusieurs méthodes pour réduire les risques. Investir dans des actions défensives en est une. Diversifier son portefeuille sur plusieurs classes d’actifs en est une autre.
4/ Les obligations à 10 ans U.S paient aujourd’hui un taux « sans risque » de 3.5% (c.f. mon article sur les taux). L’indice S&P 500 paie 1.5% de dividendes. Cela le rend relativement peu attractif par rapport aux obligations. Cette situation devra se normaliser, soit par une baisse des taux, soit par une baisse des actions.
5/ Les marchés baissiers majeurs sont usuellement des périodes difficiles à vivre psychologiquement pour les investisseurs (même expérimentés). Faites particulièrement attention aux erreurs de jugement en ce moment. Respectez votre stratégie d’investissement et restez discipliné.
6/ Les marchés baissiers majeurs et les récessions sont usuellement le point de risque maximum, mais aussi le point d’opportunité maximum en bourse. Constituez-vous des listes de titres intéressants qui vous semblaient trop chers dernièrement, et profitez en lorsque les marchés vous offrent un bon point d’entrée.
7/ Si le marché baissier se poursuit, les gros titres racoleurs prédisant l’apocalypse vont sans doute commencer à se succéder (c’est toujours le cas). Pour votre santé mentale, et pour celle de votre portefeuille : n’en tenez aucun compte. Ces articles sont là pour générer des clics, pas pour vous donner des informations utiles, ou objectives.
Conclusion
Les investisseurs ont tendance à surestimer leur capacité à prévoir le futur, et à surestimer leurs capacités d’analyse pour ce qui est d’anticiper comment un ensemble de variables économiques complexes vont impacter les marchés boursiers.
Comme le disait Jesse Livermore : « les marchés sont faits pour tromper la majorité des gens la majorité du temps« .
Vous ne serez jamais sûr que les marchés ont touché leur point bas en bourse. Mais ce dont vous pouvez être sûr, c’est que si vous attendez que l’horizon économique se dégage pour investir : vos retours boursiers seront mauvais.
Restez discipliné, et ajustez vos stratégies en conséquence.
Virginie says
Bonjour,
Avec qu’elles classes d’actifs peut on se protéger ? Et profiter de la hausse de certains secteurs ?
Michel de Trading Attitude says
Bonjour, difficile de répondre en une fois et une fois pour toutes. Le meilleur moyen de savoir c’est d’utiliser des palmarès et des screeners pour détecter les actions qui montent ou se comportent bien. Mais cela peut changer selon la période. Dans des temps comme en ce moment, il faut bien tout suivre avec des indicateurs techniques.
En général, en cas d’inflation il faut miser sur les compagnies qui peuvent augmenter leurs prix dont l’achat des produit ne peut être différé : pas les sociétés liées à l’Etat.
Pierre says
Pour moi ce n’est pas une période où il faut essayer de gagner agressivement de l’argent, mais plutôt une période où il s’agit de jouer une bonne défense afin de pouvoir capitaliser sur la prochaine jambe de hausse (c.f point 3 de l’article pour cela).
Pour ce qui est des secteurs qui résistent le mieux, la difficulté en ce moment est qu’il faut à la fois des secteurs qui résistent bien à l’inflation (pricing power, comme évoqué par Michel) et des sociétés qui résistent bien en récession. Peut être un bon sujet pour un prochain article.
(P.S : Également, j’évoque le sujet des pétrolières depuis plusieurs mois sur le site, et le secteur est actuellement en hausse de +40%. C’était le meilleur pari pour ce début 2022 : https://plus-riche.com/quelles-actions-acheter ) ; Cdt
Philippe says
Toujours aussi pertinent tes articles. Avec Xavier Delmas vous êtes mes deux piliers. J’aime bien aussi ARIE DE JONGE sur la page FACEBOOK « ‘éducation boursière »
Merci à toi.
Pierre says
Merci pour le retour positif Philippe 😉
Vincent says
Un article mesuré, et toujours plein de bon sens.
Ca fait du bien parmi ce bruit ambiant d’apocalypse permanente.
Merci !
Pierre says
Merci Vincent 😉