Avec l’agitation des marchés cette semaine, mes boites mails se remplissent. Et les 2 questions que je reçois le plus fréquemment sont paradoxalement opposées, il s’agit de « dois-je vendre mes actions maintenant? » ou au contraire de « est-ce le bon moment pour acheter des actions?« .
Pour essayer d’apporter des éléments de réponse à ces 2 questions dans un seul article, nous allons faire ici un petit point sur la situation.
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Bourse : Où en sommes-nous aujourd’hui?
Voici où nous en sommes aujourd’hui depuis le 1er janvier 2020 sur les indices boursiers français et américains :
Depuis le début de l’année, l’indice français CAC 40 a donc chuté de -32.35%, et l’indice américain S&P 500 de -23.22%. Et depuis leurs plus hauts respectifs de mi février (puisque nous avions fait initialement un bon mois de janvier), ils ont chuté respectivement de -33.5% et de -26.4%.
Suite à cette chute, la majorité des opérateurs se demandent maintenant si la situation va totalement dégénérer façon crise de 2008 avec un marché qui dévisse de 50%, ou bien si la panique actuelle commence à pousser les marchés sur des niveaux jugés comme excessifs et déraisonnables (ce qui seraient synonyme d’opportunité d’achat).
Comme malheureusement personne ne possède de boule de cristal permettant de voir le futur, nous sommes contraints d’adopter ici une approche probabiliste pour essayer de savoir si nous sommes ou non actuellement dans une correction qui peut être qualifiée « d’excessive ».
Faut-il acheter maintenant? (un retour sur 47 corrections)
Voici un tableau récapitulatif de toutes les corrections boursières de ces 90 dernières années (et leur ampleur) :

En se basant sur ce tableau, nous pouvons donc établir ici quelques statistiques rapides :
- 45% du temps les corrections ne dépassent pas 15%
- 75% du temps les corrections ne dépassent pas 30%
- 94% du temps les corrections ne dépassent pas 50%
Et après chaque période de chute, les marchés ont historiquement connu un rallye substantiel qui est venu effacer les pertes occasionnées (avec un temps de recouvrement des pertes proportionnel à l’ampleur de la chute) :
Ce que nous dit ce tableau :
- Les corrections de 5 à 10% sont effacées en 2 mois en moyenne
- Les corrections de 10 à 20% sont effacées en 4 mois en moyenne
- Les corrections de 20 à 40% sont effacées en 14 mois en moyenne
- Les Marchés baissiers prolongés avec des pertes >40% sont effacés en plusieurs années
Alors, qu’est ce qu’un bon point d’entrée en bourse?
Si le passé ne nous permet pas de préjuger du futur, il nous permet néanmoins d’estimer quelles sont les zones qui constituent (historiquement) des opportunités d’achats mineures, majeures ou exceptionnelles (et qui peuvent être présentées de manière simplifiée ainsi) :
- Si les marchés chutent de 10%, c’est une bonne opportunité pour renforcer
- Si ils chutent de 20%, c’est une opportunité d’achat majeure
- Si ils chutent de 30% à 40%, c’est une opportunité d’achat exceptionnelle
- Si ils chutent de 50% (ou plus), c’est l’opportunité d’achat d’une vie
En se basant sur ces statistiques, nous pouvons donc établir que nous sommes actuellement dans une zone de correction assez rare à l’échelle de l’histoire (30%), et que ces zones correspondent historiquement à de bonnes opportunités d’achat pour du long terme.
La pire journée de la bourse de Paris
Ajoutons à cela que jeudi 12 mars, la bourse de Paris a connu la pire clôture de toute son histoire avec une fermeture à -12.28% (et la bourse américaine sa pire clôture depuis le krach de 1987 avec une perte de -10% en une journée).
Si nous ne savons pas de quoi le futur sera fait, voici maintenant les performances boursières à 1 an et 5 ans après les 10 pires journées de bourse de ces 3 dernières décennies (la plupart ayant eu lieu pendant la crise de 2008) :

Comme vous pouvez le voir, les retours boursiers à 1 an et 5 ans suite à ces « journées noires » ont été largement positifs (malgré le fait qu’elles aient toutes été vécues à l’instant T comme de mini apocalypses financiers).
Ce point souligne un paradoxe boursier que j’ai souvent présenté sur ce site, qui est que plus les perspectives économiques paraissent sombres, plus les rendements boursiers s’améliorent. Ou pour paraphraser William Bernstein :

La bonne nouvelle est donc que peu importe à quel point les choses peuvent paraitre sombres aujourd’hui, les perspectives à long terme ne le sont pas forcement. La mauvaise nouvelle, c’est que nous n’avons probablement pas encore vu la fin de la chute.
Comme vous l’avez surement vu ce week-end, la France vient de passer en alerte de niveau 3 et a fermé de nombreux commerces pour les semaines qui viennent, ce qui va sans nul doute encore accentuer l’impact négatif de la crise du coronavirus sur l’économie française à court terme.
Bourse que surveiller aujourd’hui? (analyse technique)
Pour ce qui est de juger de la qualité d’une société pour du long terme, l’analyse fondamentale n’a pas son pareil, mais pour ce qui est de juger de la psychologie et du timing de marché sur du court terme, l’analyse technique est souvent plus utile.
Zoom sur le graphique du CAC 40 aujourd’hui
Un des seuls avantages de la vitesse et de la directionalité de la correction de ces dernières semaines, c’est que si vous suiviez les indices et que vous aviez quelques notions d’analyse technique, il n’y a guère eu l’occasion de se demander si il fallait acheter :

Acheter sans signaux de retournement potentiels objectifs et dans un contexte de « chute libre » est souvent désigné par l’expression « rattraper un couteau qui tombe » en bourse, car cela peut déboucher sur des pertes de court terme rapides et brutales.
Ajouter quelques filtres « techniques » a une méthode basée sur l’analyse fondamentale (comme je l’explique dans la formation du site) peut donc vous aider à réduire la volatilité de votre compte, et vous éviter de déployer tout votre cash au beau milieu d’une tendance baissière majeure (comme c’est le cas en ce moment).
Une comparaison avec la crise de 2008
Pour recontextualiser la brutalité du mouvement actuel, voici un graphique de la crise de 2008, qui fut comme chacun le sait une des pires crises boursières de l’histoire du capitalisme.
Une coïncidence ayant le mérite de permettre une comparaison facile ici : le CAC 40 avait aussi chuté à l’époque lorsqu’il avait atteint la zone des 6000 points, ce qui veut dire que vous avons eu exactement le même type de mouvement.
- Pendant la crise de 2008, le CAC 40 avait mis 1 an a passer de 6000 à 4000 points.
- Cette année, le CAC 40 est passé de 6000 à 4000 points en 3 semaines.

Comme évoqué précédemment : si ce n’est pas une chute historique en terme de pourcentage, c’est très certainement une chute historique en terme de vitesse. La bonne nouvelle dans tout cela, c’est qu’historiquement : plus les marchés ont tendance à chuter rapidement, plus le marché baissier a tendance à être court.
A l’époque de 2008, la baisse avait duré pendant plus d’un an et demi et avait été ponctuée de nombreux rallyes haussiers et de multiples rebonds techniques qui étaient venus « user » les nerfs des investisseurs de long terme, avant de finalement trouver son point bas autour des 2500 points.
Si le CAC a clôturé l’année 2008 a -42% (signant sa pire année sur les 3 dernières décennies), le mouvement total du pic de 2007 jusqu’au plus bas de 2009 a été de -58% (dividendes exclus). Cela vous donne une idée de jusqu’où les choses peuvent aller en cas de sévère panique.
(P.S. : Si vous vous demandez pourquoi le CAC 40 évoluait au même niveau en 2008 qu’aujourd’hui : ce n’est pas que nous avons fait 0 gains en 12 ans, c’est simplement parce que le mode de calcul du CAC 40 exclut les dividendes, qui sont une part importante des rendements à long terme.
Ceci dit, cette propension des indices à rendre très rapidement leurs gains est une des raisons pour lesquelles je préfère privilégier l’investissement en actions « en direct » (si vous regardez les performances des meilleures actions du CAC 40 sur la même période, vous pourrez constater un rythme de progression très différent).
Vendre ses actions pendant une crise (pourquoi c’est une mauvaise idée)
Voyant le graphique de la chute vertigineuse de 2008, vous faites peut être maintenant parti de ces investisseurs qui songent à vendre des actions durant le déclin (les marchés ayant généralement cette fâcheuse habitude de pousser les cours à la baisse juste un peu au delà de ce que nos nerfs peuvent le supporter, avant de remonter brutalement).
Et tous les investisseurs ont généralement l’idée d’essayer de « vendre avant les chutes » puis de « rerentrer quand les choses se seront un peu calmées » (c’est à dire généralement : trop tard).
Alors, pourquoi vendre ses actions dans l’espoir d’éviter un déclin est une mauvaise idée?
Parce que sur les marchés les meilleures journées de bourses et les pires arrivent généralement durant les mêmes périodes. Voici par exemple un graphique retraçant les meilleures et les pires journées de bourse de l’indice S&P 500 :

Comme vous pouvez le voir ici : les journées extrèmes (dans les deux sens) se situent aux mêmes périodes. Le problème c’est que rater ne serait-ce que quelques uns de ces « meilleurs jours » peut faire un grosse différence dans vos performances à long terme.
L’impact des « 10 meilleurs jours » en bourse
Voici par exemple votre performance à 10 ans entre 2005 et 2015 si vous ratiez les 10 meilleurs jours de bourse :
Ce phénomène a été confirmé encore et encore par plusieurs études. Sur la période de 1998 a 2017, rater les 10 meilleurs jours de bourse aurait divisé votre performance par deux en vous rapportant un maigre 3.5% annualisé :

Nous avons d’ailleurs pu constater en direct de ce phénomène vendredi dernier sur les marchés américains avec une performance de +10% en un jour pour l’indice S&P 500, ce qui fait que nous avons connu à la fois la meilleure et la pire journée de bourse de ces dernières années dans la même semaine.
La meilleure manière de rentrer dans ce contexte?
Progressivement et en plusieurs fois. Comme on a généralement rien sans rien sur les marchés financiers : les périodes qui promettent les meilleures perspectives de gains sur le long terme sont aussi généralement celles qui promettent les pires risques de perte sur du court terme.
Pour les investisseurs de long terme, la correction actuelle commence à ramener les cours vers des niveaux intéressants. A court et moyen terme cependant : nul doute que la volatilité continuera d’être au rendez-vous pendant un moment (et graphiquement, rien ne milite en faveur d’une fin de mouvement pour l’instant).
Cependant, la période est idéale pour se construire des « watchlists » de titres intéressants à acheter en soldes lorsque la baisse commencera à montrer des signes d’essoufflement.
Certains titres s’échangent déjà sur des niveaux de valorisation (et de rendement) que nous n’avons pas vu depuis plusieurs années, et pourraient se retrouver encore plus bas d’ici quelques séances vu la rapidité du mouvement (p.s : si vous envisagez de partir à la chasse aux actions, pensez à la formation du site, qui vous aidera a faire la différence entre les vraies bonnes affaires, et les sociétés à risque pendant cette crise).
Les périodes de sortie de récession sont généralement des périodes d’opportunité historiques pour les investisseurs en actions, mais pour le moment, il va probablement falloir se montrer patient pendant quelques temps.
Quelques règles à garder en têtes pour les séances suivantes donc :
- Restez calme (si la crise se poursuit, les gros titres se montreront de plus en plus alarmistes)
- Soyez patient (la situation actuelle ne sera surement pas résolue en quelques jours)
- Provisionnez du cash (le cash est roi en sortie de récession, car il permet des rachats à bon compte)
- Préparez votre liste d’actions (visez des cashflow stables, robustes et prévisibles avec une décote)
- Surveillez les cours et les publications de résultat des entreprises durant les semaines qui viennent
Des fortunes sont bâties sur les marchés financiers au sortir des récessions (et des fortunes sont détruites pendant les récessions). La différence entre les deux se joue souvent à quelques bonnes décisions prises durant un moment de panique.
Bonjour Pierre,
Merci pour cet article très instructif, c’est toujours intéressant de regarder le marché avec un peu de hauteur… C’est vrai qu’il n’est pas facile de savoir quand commencer à acheter progressivement, mais les baisses successives des valeurs solides incitent tout de même à patienter. Ça donne le temps de revoir sa watchlist et le cours espéré 🙂
Bonjour Pierre,
Merci pour votre analyse de la situation et la générosité de vos conseils.
Bonjour Pierre,
Très bon article en cette période vraiment particulière.
Historiquement, aucune crise sanitaire n’a engendré une telle chute des marchés et de l’économie en général.
Tout comme toi, je penses effectivement que le point bas n’a pas encore été atteint, surtout après la séance de vendredi ou le CAC rebondis de 10 en séance pour clôturer à 1%…
Accumulation de cash et patience sont de mises pour le moment.
Merci pour le travail que tu fais, c’est toujours un plaisir de lire tes articles
Merci Pierre.
Ton article est hyper complet, pertinent et il permet d’avoir une analyse globale et donc des réponses à nos questions.
Continue comme cela !
Merci encore
Bonjour Pierre.
Merci pour cet article très complet ! Etant plutôt un adepte de stratégie de suivi de tendance (acheter haut et revendre encore plus haut), l’achat n’est donc pas du tout à l’ordre du jour pour moi…
Mais il est évident que nous sommes dans une situation historique certainement très propice à une approche contrarienne….cela fait réfléchir!
Merci encore.
Merci beaucoup pour ton travail d’analyse !! Plus je lis tes articles et plus je m’intéresse à la finance. Je vais profiter de ces jours de confinements pour étudier ta formation 🙂
Bonjour,
merci pour cet article qui présente effectivement ce qui s’est passé dans le passé. Cependant nous vivons une période exceptionnelle. La préparation de ce qui s’est passé laisse entendre qu’il ne s’agit pas de la dernière fois que cela arrive.
Je serai donc plus circonspect sur l’investissement à long terme.
Pour survivre il faut être flexible et résilient. Il faut savoir profiter des manipulateurs de marché (avec le BX4 et le VIX). Le top c’est de trader à court terme, très court terme, même (UT 1sec ou 1 tick). Là on est gagnant quoi qu’il arrive.