En 2019, les prix de l’immobilier ont franchi des plus hauts historiques dans la plupart des grandes villes françaises (avec toujours une mention spéciale pour Paris qui vient de dépasser le seuil symbolique des 10 000 euros/m2).
J’ai pu constater personnellement du phénomène dans mon secteur avec une flambée des prix (et des loyers) significative au cours de ces 3 dernières années (qui rend souvent les bonnes affaires plus difficiles à trouver qu’il y a quelques temps).
Où en sommes-nous sur l’immobilier français aujourd’hui ? Sommes-nous en bulle ou au milieu d’un marché haussier majeur, faut-il acheter maintenant ou attendre ? Ce sont les questions auxquelles nous allons essayer d’apporter des éléments de réponse dans cet article.
Au programme (entre autres) :
- Un zoom sur les prix de l’immobilier en France en 2019
- Un retour sur l’importance du principe de Paretto en immobilier
- Les 2 variables majeures qui influencent les prix aujourd’hui
- La direction la plus probable des prix pour 2020
Table des matières
Un contexte général toujours favorable à l’immobilier
Depuis le lancement de ce site, l’immobilier physique et les actions sont les 2 placements « rois » que j’ai eu tendance à pousser sur le devant de la scène. Ceci à cause de 2 éléments en particulier : le contexte économique, et la faiblesse des taux d’intérêts.
C’est une thèse d’investissement simple (mais efficace) que j’ai présenté à plusieurs reprises : dans le contexte actuel, le fait de pouvoir emprunter à 1 ou 2% pour financer des biens qui vous rapportent 4 à 8% rend mécaniquement les placements immobiliers attractifs (à plus forte raison dans un contexte où les obligations et les livrets ne rapportent plus rien).
C’est aussi pour cette raison que de mon côté j’ai essayé d’acheter autant d’appartements que ma situation (et que les prix locaux) me le permettaient dans mon secteur au cours de ces dernières années (vous pouvez d’ailleurs retrouver plusieurs projets sur le site, par exemple ici pour l’appartement 1 et ici pour l’appartement 3).
Les prix de l’immobilier en France aujourd’hui
Voici maintenant la courbe d’évolution des prix de l’immobilier en France aujourd’hui :
Comme anticipé, le contexte général créé donc une pression haussière sur beaucoup de secteurs en ce moment (en particulier depuis 2015/2016), au point de se demander si nous ne sommes pas en train d’entrer dans une zone de surchauffe.
Alors, l’immobilier est-il trop cher aujourd’hui ? Cela dépend de beaucoup de facteurs, car comme nous allons le voir dans le point suivant, la courbe de hausse « moyenne » ci-dessus cache en fait plusieurs subtilités.
Loi de Paretto et immobilier (une hausse en trompe l’œil ?)
La courbe que je vous ai montré dans le point précédent (en hausse quasi constante depuis 20 ans) est à l’origine d’une fausse croyance très populaire en immobilier : celle qu’à long terme « les prix de l’immobilier montent toujours« .
En vérité, cette courbe « moyenne » cache d’énormes disparités entre les secteurs (que nous allons observer plus en détails ici).
Une hausse majeure dans une minorité de villes
Voici un tableau du site « meilleurs agents » sur la répartition de la hausse des prix de l’immobilier ancien à 10 ans, 5 ans et 1 an en France :
Comme vous pouvez le voir ici, malgré l’apparente hausse des marchés de ces dernières années :
- En zone rurale, les prix sont en fait en régression sur 10 ans
- Les prix du top 50 des plus grandes villes françaises ont gagné 1%/an (moins que la majorité des placements)
- Seul le top 10 des villes les plus dynamiques de France s’est véritablement apprécié
Le Principe de Paretto en immobilier
La vérité en immobilier est que seule une petite minorité de secteurs créent en fait la majorité de la hausse des prix du pays, et que les prix de la majorité du territoire stagnent ou régressent (les actions suivent d’ailleurs cette même logique et seule une petite minorité de titres génère la majorité de la hausse des indices boursiers).
Les marchés immobiliers sont donc fidèles au fameux « Principe de Paretto » qui énonce que 20% des causes sont responsables de 80% des effets (dans le sens où ici une minorité de secteurs sont responsables de la majorité de la hausse des prix du pays).
Ceci est la conséquence des mécanismes d’offre et de demande sur les marchés : l’espace est par nature limité dans les centres des grandes villes, et pour des raisons de qualité de vie et de dynamisme de l’emploi : de plus en plus de personnes tendent à vouloir y habiter (les plus hauts salaires ont également tendance à y travailler, et recherchent de la proximité durant leurs années actives, ce qui tend à pousser les prix à la hausse).
Voici un autre exemple plus parlant de ces disparités avec les courbes d’évolution des prix dans chaque secteur :
Ce que cela veut dire pour un investisseur
Où allons-nous avec tout cela ? Et bien vers les constats suivants :
- Si vous cherchez des biens immobiliers peu chers pour vous loger aujourd’hui : les grandes villes ne sont pas forcément le premier endroit où chercher (en revanche les zones plus rurales ont été relativement épargnées)
- En revanche si vous investissez dans des biens immobiliers ruraux « peu chers » dans l’espoir de les revendre plus chers dans le futur : il ne s’agit pas forcement d’un bon calcul (puisqu’en 10 ans ils ont captés 0% de la hausse actuelle)
Si vous voulez avoir un bien qui bénéficiera d’un maximum d’appréciation (sur les prix et sur les loyers) dans le temps, nous n’échappons pas ici à la règle d’or du secteur pour ce qui est du facteur qui déterminera l’essentiel de vos rendements : l’emplacement, l’emplacement, l’emplacement.
Nous n’échappons pas à une autre règle d’or que l’on retrouve en bourse également, à savoir que les secteurs gagnants ont tendance à continuer de gagner et les secteurs perdants à continuer de perdre à travers les années (des exceptions à cette règle existent bien entendu, mais elles sont loin d’être légion).
Le corollaire de tout cela c’est que si vous êtes dans une grande ville dynamique aujourd’hui, et que vous avez un projet immobilier (acquisition de résidence principale ou investissement locatif), vous devriez envisager de passer à l’action rapidement car la tendance est à la hausse, et tant que les conditions actuelles resteront en place, celle-ci a peu de chance de s’inverser subitement (comme nous allons le voir dans la suite).
L’immobilier est-il trop cher (vers une bulle immobilière?)
Certains économistes/investisseurs argumentent que l’immobilier se paie trop cher depuis des années maintenant (et sont restés sur le bas-côté de ce fait, ratant ainsi la majorité de la hausse récente). Pourquoi ?
Car leur argumentaire est basé sur une courbe relativement simpliste de relation entre les niveaux de salaires globaux, et les prix du logement à travers le temps.
Des prix très décorréllés des revenus des ménages…
L’idée générale ici est que le niveau « normal » des prix se situerait dans le « tunnel » que l’on voit sur ce graphique entre 1965 et 2000, et que la cassure haussière de ce tunnel au cours de ces dernières années serait une « anomalie » qui devrait être corrigée (dans un futur indéterminé) par une chute massive (qui permettrait de revenir dans ce tunnel).
… Mais les revenus ne sont pas le facteur qui influe le plus sur les prix
La première critique que l’on peut adresser à cette courbe, c’est que si l’on constate effectivement de la présence d’un « tunnel » entre 1965 et 2000 (qui a été cassé à la hausse vers des niveaux jugés « anormaux »), si nous remontons plus loin dans l’histoire, nous obtenons un graphique de la relation prix/revenus qui a une allure très différente :
Comme vous le voyez ici : en fonction de la période choisie, la relation prix/revenus a tendance à évoluer sur des niveaux très différents, et fixer un niveau moyen dit « normal » semble plus difficile que sur un graphique de plus court terme.
Autre variable essentielle : le niveau des taux d’intérêt
La seconde critique que nous pouvons adresser à cette courbe (qui est sans doute la plus importante), c’est que cette équation néglige un facteur essentiel : le niveau des taux d’intérêt.
Si les taux d’intérêt se trouvent à un niveau plancher : nous pouvons en effet financer des appartements à crédit quasi gratuitement (le coût du crédit étant faible à nul), ce qui augmente notre pouvoir d’achat immobilier, et a un impact majeur sur le niveau général des prix (les biens immobiliers étant plus souvent achetés à crédit qu’en cash).
Hors, voici le niveau des taux d’intérêt depuis 1800 :
Comme vous le voyez ici, les taux d’intérêt ont atteint un point bas historique, avec des niveaux jamais vus auparavant au cours de ces dernières années (siècles?), ce qui (nécessairement) peut déboucher sur des situations inédites.
Tant que les conditions générales actuelles resteront en place (c’est-à-dire un environnement de taux bas, avec peu de placements attractifs en dehors de l’immobilier et des actions, et un excès de liquidités dans le système devant se placer quelque part) : les probabilités vont dans le sens du fait que la hausse du marché immobilier a plus de chances de se poursuivre que de se retourner.
Ce qui pourrait entrainer un krach immobilier aujourd’hui?
De nombreux facteurs (pas forcement tous prévisibles) sont susceptibles d’entrainer un krach immobilier (des changements de régulation subits par exemple, c’est pour cela que vous devez toujours diversifier vos placements).
Mais économiquement, le principal risque aujourd’hui resterait une remontée brutale et significative des taux d’intérêt (ce qui jusqu’à preuve du contraire, ne sera pas demain la veille en Europe comme nous allons le voir dans le point suivant).
Les 2 facteurs qui influent le plus sur les prix de l’immobilier aujourd’hui
L’INSEE a publié récemment une étude assez explicite sur l’impact des différents facteurs qui ont contribué à la hausse récente des prix de l’immobilier (qui est bien résumée par le graphique suivant) :
Ce que vous voyez ici, c’est l’impact de 3 facteurs différents sur la hausse des prix de l’immobilier à Paris :
- La hausse des revenus
- La hausse des taux d’intérêts
- L’allongement de la durée des prêts
Si comme moi vous êtes (ou avez été) salarié ces dernières années, vous savez déjà une chose : la hausse récente n’est pas due à une hausse des salaires (qui stagnent avec une remarquable obstination depuis un bon moment). Nous en avons ici la confirmation graphique avec la ligne verte qui mesure « l’effet revenu ».
Ce que nous dit cette étude, c’est que la majorité de la hausse actuelle est due à « l’effet taux » (la fameuse baisse des taux d’intérêt que j’ai déjà évoqué dans les points précédents) et à « l’effet durée » (l’allongement de la durée du crédit, comme en témoigne le fait que l’on peut aujourd’hui financer des appartements sur 25 ans sans problème).
Maintenant que nous savons quelles sont les variables qui tendent à influencer le plus les marchés immobiliers aujourd’hui, observons où nous en sommes sur ces deux points à septembre 2019 (avec notamment la direction donnée par la banque centrale européenne sur ces variables).
La banque centrale et les taux d’intérêt aujourd’hui
Cette semaine (en date du jeudi 12 septembre), Mario Draghi (le président de la banque centrale européenne) a annoncé de nouvelles mesures de relance économiques et monétaires.
La banque centrale européenne vient donc d’abaisser de nouveau ses taux directeurs ce mois-ci, avec la promesse de ne pas songer à les augmenter avant un bon moment (à plus forte raison avec le président américain Donald Trump qui fait pression aussi sur les taux de son coté actuellement alors que son économie va plutôt mieux que la notre).
Draghi considère actuellement (selon ses dernières déclarations) les risques de récession comme « relativement faibles », mais « déplore le manque de dynamisme de l’économie ».
La BCE a également relancé ses programmes de « quantitative easing » (c’est-à-dire de rachats massifs de dette dans le but de faire baisser les taux), ce qui va continuer à entrainer des rendements toujours plus faibles sur les placements obligataires et bancaires traditionnels.
(A tel point que le quotidien allemand « Bild » a publié ce mois-ci un article donnant le surnom de « Comte Draghila » à Mario Draghi et reprochant à sa nouvelle politique monétaire de venir « sucer le sang des épargnants ».)
Conclusion
La conclusion de tout cela, c’est que si l’immobilier affiche aujourd’hui des prix élevés dans certains secteurs, les chances sont qu’ils risquent de l’être encore plus d’ici quelques mois, au vu de l’environnement actuel et des politiques des banques centrales.
Si vous avez actuellement un projet immobilier (que ce soit un achat de résidence principale dans un secteur dynamique, ou un projet de placement locatif, vous avez donc probablement intérêt à le concrétiser rapidement plutôt que de le différer en ce moment (les chances de correction sur le secteur restant assez faibles à moyen terme).
(P.S. : Et si vous ne savez pas par où commencer ou que vous êtes freinés par la technique, pensez à la formation immobilière du site. J’y explique entre autres plus en détails comment analyser votre marché local pour trouver de bonnes affaires, éviter les pièges du secteur, et faire un montage réussi qui ne vous mettra pas en danger financièrement).
Et vous, avez-vous pu constater également d’une montée des prix dans votre ville ces derniers temps ? Avez-vous plus de mal à trouver de bonnes affaires (ou à vous loger à bon prix) qu’auparavant ? N’hésitez pas à me faire un retour sur votre secteur les commentaires!
Youngstocker says
Salut Pierre,
C’est drôle, mais votre article pose et répond à la question que je me pose depuis plusieurs semaines maintenant. Je réfléchis à l’achat de ma résidence principale (peut-être dans l’intention d’en faire un bien de location plus tard) et je me demandais si on n’était pas en phase de bulle et s’il n’était pas préférable d’attendre. En Bourse, j’aurais résolu mon problème en rentrant progressivement dans le marché (via le Dollar Cost Averaging, par exemple), mais ce n’est pas possible en immobilier.
J’aime bien la nuance que vous apportez, en faisant le distinguo entre grandes villes et milieu rural, en prenant de la hauteur au niveau historique, en expliquant l’influence des taux d’intérêts… bref, en donnant les clés qui permettent de prendre une décision plus éclairée.
On n’est peut-être pas en bulle, mais qu’est-ce que les biens immobiliers sont devenus chers aujourd’hui ! Je vis dans une ville moyenne de Belgique, dans un quartier plutôt bien situé, et je le constate tous les jours. Les enchères montent à une telle vitesse ! Il y a plus de candidats, les banques sont plus souples dans l’accord d’un crédit (elles doivent compenser en volume ce qu’elles perdent à cause de la faiblesse des taux d’intérêt), et cette concurrence entre acheteurs fait grimper les prix. Même en ayant un salaire correct, il n’est plus possible d’acheter un logement valable à prix raisonnable.
Les gens se ruent sur les maisons et appartements, mais il reste pertinent de rappeler qu’un crédit hypothécaire, que ce soit pour une résidence principale ou pour faire du locatif, ça reste une dette sur 15/20/25 ans. Le risque d’insolvabilité est réel (même s’il est un peu moindre quand on acquiert un bien pour le louer). Je crains que cet accès au crédit facile fasse perdre de vue cette vérité à bon nombre de personnes. Comme le disait un bailleur, on n’achète pas une maison comme on achète des legos !
Michel de Trading Attitude says
Bonjour, si vous achetez votre résidence principale vous achetez des taxes et impôts. L’immobilier rend prisonnier d’un État qui va FORCÉMENT fortement augmenter les taxes pour tondre les moutons.
Un investissement locatif dans l’immobilier est plus réfléchi. Mais il reste « immobilier ». C’est à dire que vous êtes quand même prisonnier du bien. Et la plupart du temps vous avez un rendement de 5% net, ce qui est très faible en regard du ticket d’entrée et du travail.
Une seule chose est sûre : les taxes vont augmenter.
Les actions sont donc un meilleur plan.
Youngstocker says
Salut Michel,
À vrai dire, j’ai déjà des actions. Mais, par souci de diversification, je ne peux pas tout investir en actions et rien en immobilier.
Comme Pierre le rappelle régulièrement dans ses articles (ainsi que dans le PDF qu’il a récemment mis à disposition), il est sage d’avoir une allocation d’actifs qui corresponde à son profil d’investisseur et que l’on pourra tenir psychologiquement peu importe la période et/ou les variations de cours.
Même s’il est généralement admis qu’à long terme le rendement des actions surpasse celui des autres actifs, je sais que si j’investis la quasi-totalité de mes ressources en actions et qu’un krach réduisait leur valeur de 50%, je ne serais pas tranquille et je pourrais prendre de mauvaises décisions…
C’est vrai que l’immobilier est taxé, mais avec les retours d’impôt et une bonne sélection du logement, je pense qu’on peut quand même faire une bonne affaire, tout en réduisant son risque global…
Pierre says
Bonjour Youngstocker,
D’accord sur tous les points de mon côté (et intéressant de voir que la situation est la même en Belgique qu’en France en ce moment). Le problème selon moi (comme vous l’évoquez justement), c’est qu’en plus de la faiblesse des taux, on a un accès au crédit qui est grandement facilité en ce moment.
En France aucune règle n’empêche d’acheter un bien immobilier sans apport, ni (pour un investisseur aguerri qui sait comment faire et ce que regardent les banques) d’enchainer rapidement les achats. On a d’ailleurs des blogueurs immobiliers/instagrameurs qui ne manquent pas de vanter le fait qu’ils ont acheté 5 appartements, 10 appartements, 20 appartements en l’espace de 3 à 5 ans.
Du point de vue d’un investisseur je comprends l’opportunité qu’ils exploitent (encore que j’ai de sérieux doutes sur leur politique de gestion des risques pour certains), mais en temps que particulier qui cherche à se loger : permettre ce genre de choses dans un environnement de taux 0 est (à mon sens) une catastrophe qui va à coup sûr encourager la spéculation immobilière (nous en voyons déjà les conséquences).
On risque encore de creuser le fossé socialement entre ceux qui investissent, et qui ont le patrimoine et les connaissances financières pour agir rapidement et se positionner, et tous les autres (c’est à dire la majorité de la population…).
Une hausse des taux d’intérêts pourrait changer la donne, mais comme évoqué dans l’article, à priori ce n’est pas pour demain… A voir comment tout cela évoluera en 2020 (personnellement j’ai pu me positionner en 2014/2015 avant la récente envolée, mais il serait clairement très difficile de me loger à prix décent dans mon secteur aujourd’hui, à peine 4 ans plus tard).
Fabrice says
Très intéressant !
Plus-riche.com devrait être un service public !
Si une bulle immobilière éclate, comme pour les crises grecque, subprime… c’est -10% pendant quelques dizaines de mois max, avec du levier sur 25ans c’est presque pas grave, en plus les loyers continue de rentrer. Je suis pas trop inquiet.
Je suis dans la région de Genève (côté français), et les prix sont extrêmement tendus, pour faire une affaire, il faut une bouze avec pas mal de travaux, pour espérer un bon rendement.