Une des erreurs les plus communes que je constate chez les débutants en bourse (et dont j’ai moi même été victime à mes débuts), c’est de rechercher une stratégie boursière gagnante qui va délivrer des rendements très supérieurs à la moyenne (facilement, et à moindre risque).
Quand vous vous embarquez dans ce genre de voyage, vous pouvez tomber sur un grand nombre de choses contradictoires :
- Les investisseurs « value » (de l’école Buffett) diront qu’il faut acheter des actions peu chères.
- Les investisseurs « croissance », diront que plus que le prix payé, c’est la croissance de la société qui compte.
- Les investisseurs de rendement diront qu’il faut acheter des actions à forts dividendes.
- Les traders diront qu’il faut surfer les dernières tendances « chaudes » du moment (#trendfollowing).
Et plus ou moins tout le monde tapera sur les approches des autres, en disant qu’elles ne fonctionnent pas. Alors quel est le véritable secret d’une stratégie boursière gagnante?
Dans cet article, je vous propose de voir pourquoi la véritable source de rendements élevés en bourse, ne se trouve peut être pas là où vous le pensez…
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L’ère de l’information (tout le monde connait votre stratégie)
Il y a bien des années, les styles d’investissement de Graham et Buffett étaient révolutionnaires. Nous n’avions pas internet, l’information voyageait lentement, tout le monde n’avait pas les moyens (ou les compétences nécessaires) pour accéder à de l’information financière de qualité.
Puis les succès respectifs de Buffett et Graham aidant, des livres ont été écrits, des papiers de recherche ont été rédigés, et de plus en plus de gérant se sont prétendus « investisseurs dans la valeur« . Pourtant relativement peu ont rencontré les succès explosifs de Buffett ou Graham.
Durant les années 1980, un petit groupe de traders surnommées à Wall Street « les tortues » a dégagé des rendements très supérieurs au marché avec un système de trading simple (qui a popularisé les bases des systèmes dits de « suivi de tendance » tels que nous les connaissons aujourd’hui).
Puis leur approche s’est popularisée. Des livres ont été écrits. Des papiers ont été publiés. Et peu à peu, le système original d’investissement des tortues a cessé de fonctionner (vous pouvez d’ailleurs le retrouver dans mon article intitulé « la stratégie des tortues« ).
Et le cycle se répète, encore et encore. Une minorité d’investisseurs talentueux ont une approche originale. Puis celle-ci se popularise, et les choses deviennent beaucoup plus difficiles pour tout le monde.
Un parallèle avec le monde du sport
En 1968, Richard Fosbury a révolutionné le monde de l’athlétisme en popularisant une nouvelle technique de saut en hauteur. Avant lui, il était de coutume de sauter face à la barre. Fosbury a cependant réalisé qu’il obtenait de meilleures performances en sautant dos à la barre.
D’abord tournée en ridicule, les performances supérieures générées par la technique de saut de Fosbury ont fini par parler d’elles même. L’approche « traditionnelle » et la sienne ont coexisté pendant un moment. Et aujourd’hui : tout le monde saute en Fosbury, car il est admis que cette technique de saut est supérieure aux autres.
Où est-ce que je veux en venir avec cette anecdote? Dans un contexte où le niveau d’information est faible et circule mal (c’est vrai dans tous les jeux, et/ou sports compétitifs) : vous pouvez gagner un avantage important en découvrant une stratégie/technique qui n’est utilisée par personne.
Dans un contexte où le niveau d’information est élevé (et circule de manière quasi instantanée) : votre avantage se situera plus dans les subtilités de la mise en œuvre que dans la technique elle même.
Dans un monde où tout le monde saute en Fosbury, la seule manière de se démarquer : c’est de sauter en Fosbury mieux que les autres.
Quand la part du gâteau est de plus en plus réduite…
Aujourd’hui, nous sommes loin d’être dans un monde boursier où il est possible de se différencier en utilisant quelque chose que personne n’utilise. Comme l’histoire du saut en Fosbury : la plupart des approches boursières « optimales » ont été trouvées depuis longtemps.
Et si vous n’utilisez pas une des approches qui fonctionne de manière éprouvée (typiquement une variation autour de la croissance, de la valeur ou de la qualité) : vous utilisez probablement une approche sous optimale.
Comme dans tous les jeux compétitifs « matures » : quand une approche gagnante devient trop largement utilisée, l’avantage qu’elle confère diminue (et les choses se compliquent). La preuve chiffrée avec le graphique suivant.
Ce qu’il faut pour réussir dans un contexte toujours plus compétitif
Vous voyez-vous comme un investisseur « value »? Aujourd’hui tout le monde veut acheter ses actions avec une décote, et vous n’irez sans doute pas très loin si votre approche se résume seulement à acheter des titres à faible PER.
Vous débutez en trading, et vous avez décidé de trader les breakouts? Tout le monde trade les breakouts. Vous faites du trend following? Tout le monde fait du trend following. Ce sont des stratégies tellement populaires qu’elles sont omniprésentes sur les réseaux sociaux.
Dans ce contexte, la source de votre avantage compétitif devient moins la stratégie que vous utilisez, et plus la maitrise que vous en avez par rapport aux autres (du moins, tant que vous en choisissez une qui fonctionne bien entendu) .
N’oubliez jamais une chose en bourse : les rendements en excès que vous obtenez (au delà de la création de valeur de la société) proviennent d’un seul endroit : la poche d’un autre trader ou investisseur.
Partant de ce constat, vous devez toujours partir du principe qu’il y a bien plus derrière chaque approche que simplement « trader les breakouts » ou « acheter des actions peu chères » : ce genre d’analyse « de surface » a peu de chance de vous faire gagner quoi que ce soit en 2021.
Le (véritable) secret des traders/investisseurs gagnants
J’ai eu la chance de travailler avec une petite minorité de gens qui avaient des résultats boursiers exceptionnels. Des traders avec 100% de performances annuelles (auditées, et plusieurs années de suite), des investisseurs qui battent le marché année après année.
Et ce qui est fort en discutant avec eux (si vous leur demandez leurs conseils), c’est qu’ils vous répèteront grosso modo la même chose que tout le monde « minimisez vos pertes, laisser courir vos gains, achetez des actions qui montent, ne payez pas trop cher... »
Mais tout le monde sait cela. Et souvent leur avantage ne réside pas où ils vous disent qu’il est.
L’exemple de l’analyse technique et du trading
Prenons l’exemple du trading. Contrairement à l’opinion populaire : l’avantage de certains traders ne réside pas dans « l’analyse technique« (d’où la critique qui lui est souvent adressée, à savoir que l’analyse technique « ne marche pas« ).
Il réside dans le fait que l’individu que vous avez en face voit passer des actions et des graphiques boursiers depuis 20 ans, et qu’il y voit des choses que vous n’y voyez pas. Le tout additionné à un système de risk management strict, et à une adaptation constante à l’environnement de marché.
C’est ce qu’on appelle la « mémoire procédurale » (et c’est la même chose qui fait que si vous donnez une partition à un musicien qui a 10 ans d’expérience, et à un musicien qui pratique depuis 6 mois : vous obtiendrez des résultats très différents, malgré un support initial identique. Le talent n’est pas dans la partition).
La différence entre un trader pro et vous, c’est que là où vous allez prendre 20 trades : 10 vont marcher, et 10 ne marcheront pas. Lui prendra 20 trades, 11 vont marcher, 9 ne marcheront pas. Et sur le long terme, c’est ce qui fera toute la différence.
Le vrai talent des investisseurs « value » gagnants
De même coté investissement : tout le talent d’un investisseur « value » ne consiste pas simplement à « acheter des actions sous évaluées« , mais surtout à savoir éviter les « value trap« : des actions qui sont décotées pour de très bonnes raisons, et qui sont difficiles à différencier des vraies opportunités.
La différence entre une opportunité et un « value trap » peut être très compliquée à expliquer en quelques mots à un investisseur novice, et même les pros se trompent régulièrement. La différence entre un pro et un amateur peut parfois se résumer à un pourcentage d’erreur légèrement inférieur, et à une meilleure gestion des risques.
Stratégie boursière gagnante : le problème de la cyclicité
Un autre problème important qui risque de se mettre en travers de votre chemin dans votre recherche de la « stratégie ultime » : c’est la cyclicité propre à chaque style d’investissement (qui explique qu’ils continuent de marcher, mais que si peu de gens soient capables d’en tirer les bénéfices).
Si vous vous promenez sur les réseaux sociaux, vous vous êtes surement « accroché » au moins une fois avec un autre investisseur qui vous a dit que votre style d’investissement ne fonctionnait pas (ou vous le sien).
Tout d’abord, le fait qu’un style d’investissement n’ait pas marché pour vous ne signifie pas forcement qu’il ne fonctionne pas. Cela signifie qu’il n’est peut être pas compatible avec votre personnalité, que vous n’avez peut être pas poussé vos recherches personnelles assez loin, ou que les circonstances générales lui sont tout simplement défavorables.
Il n’existe aucune stratégie qui marche 100% du temps en bourse (ni qui soit émotionnellement facile à appliquer). Passons ici en revue les performances de quelques styles populaires pour vous donner des exemples concrets.
Croissance vs Valeur
Si vous êtes un investisseur plutôt orienté sur la valeur, vous avez sans doute traversé une période plutôt difficile au cours de ces dernières années puisque les stratégies « value » ont massivement sous performé les stratégies orientées « croissance ».
Petites vs grandes capitalisations
Une autre manière dont certains gérants/investisseurs essaient de gagner un avantage, c’est d’opter plutôt pour de petites capitalisations que pour les grandes, dans l’espoir de gagner des retours boursiers supérieurs (avec des entreprises moins connues, mais avec plus de potentiel).
Est-ce que cela fonctionne? Comme pour la valeur : tout dépend des périodes.
Trend Following vs Buy and Hold
Depuis la crise de 2008, les stratégies dites de « trend following » (ou suivi de tendance) nous sont souvent vendues comme le « saint graal » des stratégies d’investissement. Qu’en est-il de leurs performances?
Depuis que la popularité du trend following a explosé post crise de 2008 : les résultats de cette approche se sont fortement dégradés.
Si vous êtes un trader, exactement la même chose se produira : les marchés connaitront des périodes de tendance forte, puis des périodes de « range ». Le grand classique du trading et de gagner beaucoup d’argent durant les périodes de tendance… puis de tout reperdre dans les périodes de « range » qui s’ensuivent (en se faisant stopper à l’excès).
Les périodes de « passage à vide » sont la règle plutôt que l’exception pour quasiment toutes les stratégies boursières, ce qui rend la manière dont vous réagissez à ces périodes cruciale.
La solution au problème
Vous noterez sur le graphique posté plus haut que les rendements générés par les bons gérants ont nettement diminué à travers les décennies, mais qu’ils ne sont pas nuls.
Il y a encore de la place en bourse pour le talent, l’intelligence, et la discipline, mais les choses sont très certainement plus difficiles qu’il y a quelques années (ou que certains livres boursiers ne peuvent le décrire). Voici quelques points qui pourront sans doute vous aider dans cet environnement :
1/ Être un spécialiste de votre approche
Un marché mature est un marché de spécialistes. Dans un contexte où tout le monde fait grosso modo la même chose, la différence se fait dans les détails, et dans la qualité d’exécution.
Tout ce qui peut minimiser de quelques pourcents votre risque d’erreur, ou augmenter votre espérance de gain de quelques pourcents est bienvenu. Comprendre les grands principes de votre approche est aussi important que d’en maitriser les subtilités.
2/ Remettre la création de valeur au centre du processus
Il y a deux types de retours en bourse : les rendements issus de la valeur ajoutée crée par une société, et ceux générés par la spéculation. L’investissement à long terme a tendance à mieux marcher, car la richesse que vous captez est majoritairement issue de la création de valeur des sociétés que vous avez en portefeuille.
La spéculation est un jeu à somme nul : l’argent que vous gagnez provient forcement de la poche d’un investisseur/trader perdant en face de vous. Dans un contexte très compétitif : cela peut aider de choisir une approche qui n’implique pas de toujours devoir être plus malin que la personne d’en face pour gagner (approche qui paie surtout quand la compétition est de faible niveau).
3/ Développer votre l’intelligence situationelle
Beaucoup d’investisseurs ont tendance à être parfois un peu « sectaires » dans leur approche (du type « le style X fonctionne, tous les autres sont mauvais« ). Une fois que vous aurez accepté le fait que tous les styles ont leurs moments de gloire et leurs moments de passage à vide, cela vous permettra de gagner en ouverture d’esprit.
Partant de ce constat, vous pourrez développer votre « intelligence situationelle ». C’est à dire être mieux capable d’identifier quand votre style d’investissement a le vent dans le dos (i.e. : quand vous jouez en mode facile), et quand les conditions générales vous sont moins favorables.
Cela passe (entre autres) par le fait de maitriser en profondeur votre approche, et à ne pas copier/coller des méthodes boursières sans les comprendre. Cela peut être clé pour générer quelques pourcents de rendement supplémentaires par rapport à des concurrents moins éclairés.
Conclusion
Comme nous l’avons vu ici, les marchés boursiers sont un environnement compétitif (et cela ne va probablement pas aller en s’améliorant). Avoir bien conscience du type d’environnement dans lequel vous évoluez peut être un premier pas vers le fait de prendre de meilleures décisions.
Le monde financier a tendance à se nourrir de la naïveté des nouveaux arrivants, aussi prenez bien soin d’être aussi informé que possible avant de vous lancer.
Vous pourrez déjà éviter de nombreux écueils en évitant la spéculation, et en ayant une vision à long terme. Et en gardant en tête que le jeu de la surperformance boursière est un jeu difficile. Il est joué par beaucoup, et gagné par très peu.
Michel de Trading Attitude says
Bonjour, merci pour cet article bien renseigné. Cependant, il mélange un peu stratégie d’investissement et analyse technique. Cette dernière peut servir l’investissement ou le trading très court terme (1 minute, 5 secondes). Le pb avec l’AT c’est que les indicateurs et techniques utilisés sont anté-dlluviens quand ce n’est pas exotiques et inutiles. Les mêmes indicateurs et patterns (à part des effets de mode) sont utilisés depuis 40 ans.
Non, une technique connue (en AT) ne se dévalorise pas. Les plus performants passent beaucoup d’ordres ou se positionnent sur des valeurs qui ont le vent en poupe (les GAFAMs, les valeurs digitales ou biotech ces dernières années).
Mais pour aller dans le sens de l’article, même si l’AT peu être simple avec de bons indicateurs techniques, il faut un peu de temps pour développer son expertise. Cela reste cependant beaucoup plus simple que d’apprendre un métier ou à jouer du piano.
Youngstocker says
Excellent article !
Il rejoint en de nombreux points un livre sur l’investissement que j’ai lu récemment. Dans un de ses chapitres, il aborde la Théorie moderne des marchés financiers et défend l’idée de » l’imbattabilité » de ces mêmes marchés. Il explique que toute « anomalie » du marché était très vite corrigée et qu’on ne pouvait en tirer éternellement avantage.
D’accord avec toi également sur la différence entre les investisseurs chevronnés et les novices. Ce surplus d’expérience, de gestion du risque et d’adaptation à l’environnement fait toute la différence.
Pour ma part, je m’en tiens à une stratégie simple : bonne diversification, bonne allocation d’actifs et Dollar Cost Averaging mensuel. Avec un achat massif en cas de forte baisse de marché (> 20%), après le selloff.