Lorsque nous pensons au mot « réussite« , l’idée de « vivre de peu » n’est pas exactement la première à nous venir en tête.
Notre inconscient a tendance à nous projeter aussitôt l’image d’un individu garant sa Ferrari à coté de sa Porsche dans une villa de 15 pièces pourvue de trois piscines, parce que nous avons tous été plus ou moins conditionnés à rattacher l’idée de bonheur à celle de la réussite matérielle.
A l’inverse, dépenser peu est une habitude qui a généralement des connotations assez négatives dans nos sociétés modernes. Quelqu’un d’économe aura tôt fait d’être taxé de « radin », et une vie qui se fait dans la simplicité ne suscitera probablement l’admiration de personne. Aussi peut-on se demander : est-il vraiment possible de vivre de peu tout en étant plus heureux?
Dans cet article nous allons voir pourquoi le fait de dépenser moins d’argent, contrairement à ce que nous avons été conditionné à penser, contribue à augmenter le niveau de bien être et à réduire l’anxiété. Penchons nous ensemble sur les bénéfices que peut apporter un peu de radinerie.
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Pourquoi les gens restent-ils dans des métiers qu’ils détestent?
Bloomberg a récemment réalisé une étude très intéressante intitulée « Pourquoi les gens restent-ils dans des métiers qu’ils détestent?« . Cette étude a été réalisée sur un demi million de travailleurs américains, et il en ressort que 8% des travailleurs interrogés reconnaissent détester le métier qu’ils exercent mais n’avoir aucune intention d’en changer.
Plus étonnant encore, en étudiant ces « prisonniers du travail », l’auteur s’est rendu compte que la majorité de ces salariés gagnaient des salaires très au dessus de la moyenne. Alors comment est-ce possible? Pourquoi rester dans un métier détestable, surtout si l’on dispose des capacités nécessaires pour bien gagner notre vie?
C’est ce que l’auteur de l’étude surnomme le « syndrome des menottes dorées« .
Les « Menottes Dorées« , ennemies de la frugalité
Les « menottes dorées », c’est que qui arrive quand un salarié déteste intensément son travail, mais reste tout de même car il sait qu’il ne pourra jamais gagner autant d’argent ailleurs.
L’argent gagné devient alors une forme d’addiction pour laquelle l’individu est prêt à sacrifier son bonheur, son temps, ses principes, et finalement, sa vie (plutôt que de simplement profiter du capital amassé pour réduire un peu son train de vie et arrêter de travailler).
Comment cela est-il possible? Bien souvent ces travailleurs ont un niveau de vie élevé (grandes maisons, grosses voitures, grosses dépenses) et ont le sentiment qu’ils vont tout perdre si leur niveau de salaire descend de ne serait-ce que quelques milliers d’euros.

Pire encore ni leur travail ni leurs possessions ne les rendent vraiment heureux mais ils sont dans un cercle vicieux dans lequel ils ont besoin de l’un pour entretenir l’autre. Pour paraphraser un grand classique des années 1990 : « les choses qu’ils possèdent finissent par les posséder« .
Cet exemple illustre quelque chose d’essentiel : dépenser beaucoup ne rend ni plus heureux ni plus libre.
Un problème de valeurs (et de société)
C’est un piège classique de la société capitaliste dans lequel tout le monde peut tomber à plus ou moins grande échelle. La structure même de notre économie est faite pour pousser les individus à la consommation, faire tourner la machine, et générer de la croissance. Et je ne dis pas cela pour critiquer le capitalisme, j’énonce simplement les faits.
Pourquoi est-ce que je parle de tout cela? Parce que paradoxalement pour pouvoir gagner plus d’argent vous aurez besoin de deux choses qui sont en opposition fondamentale avec les personnalités des « prisonniers du travail » évoqués au dessus : consommer peu (ce qui permet de mettre de l’argent de coté) et accepter l’éventualité de perdre de l’argent.
Beaucoup de gens ont une bonne capacité d’épargne mais une peur panique d’investir le moindre euro parce qu’ils pourraient éventuellement, hypothétiquement, le perdre. Pour pouvoir passer cette barrière psychologique, il faut d’abord se poser cette question « Si je perdais cet argent, est-ce que ce serait si grave? ».
Il y a une raison pour laquelle le multimilliardaire Warren Buffett vit dans une petite maison modeste à Omaha qui est la même que celle qu’il avait acheté à l’époque ou il ne gagnait pas un centième de ce qu’il possède aujourd’hui. Et il y a une raison pour laquelle Mark Zuckerberg, CEO de Facebook, se promène toujours avec des T-shirt noirs unis bon marché et de vieux jeans au lieu d’un costume 3 pièces à 10 000 dollars.
Ce n’est pas pour se donner un style, ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas dépenser leur argent, c’est simplement parce qu’ils ont compris et réalisé, au plus profond d’eux mêmes, que cela ne les rendrait pas plus heureux. Et cette réalisation leur rend le fait d’économiser de l’argent beaucoup, beaucoup plus facile.
Voyons dans le point suivant comment une vieille école de philosophie athénienne peut nous aider à ce sujet.
Vivre de peu (mais mieux) : Stoïcisme, minimalisme et frugalité
Un mouvement philosophique reconnu unanimement par un grand nombre d’entrepreneurs et millionnaires américains comme d’un grand secours dans leur enrichissement personnel (spirituel et financier) est le stoïcisme. Le stoïcisme est un mouvement philosophique qui n’a rien de nouveau puisqu’il a été fondé à Athènes autour de l’an -300.
Les leçons des anciens stoïques
Énoncer ici tous les aspects du mouvement serait long et fastidieux mais en voici quelques principes essentiels :
- observer les choses non pas comme nous souhaiterions qu’elles soient, mais comme elle le sont réellement sans porter de jugement de valeur sur leur nature intrinsèque (bonne ou mauvaise)
- être guidé par la raison et non par les sentiments
- ignorer les choses sur lesquelles nous ne pouvons avoir d’influence directe tout en nous concentrant les choses que nous pouvons changer.
Ce courant philosophique met également l’accent sur la frugalité et s’oppose au matérialisme.
Le but de nos sociétés modernes est de créer plus de besoins que l’on ne pourra jamais en combler (et comme vous le découvrirez en lisant les écrits des stoïques, ce problème ne date malheureusement pas d’aujourd’hui). Cependant nul doute que notre époque à contribué à l’aggraver considérablement.
L’idée des stoïques est que vouloir beaucoup, plus et tout le temps conduit à un état d’insatisfaction permanent qui ne peut déboucher sur rien de bon, et que suivre cette voie jusqu’à son terme peut vous conduire, comme évoqué dans le paragraphe précédent, à devenir un travailleur insatisfait prisonnier d’une paire de menottes de dorées.
Stoïcisme et minimalisme : quelques références et citations
Comme le disait Epictete : « la véritable richesse ne réside pas dans le fait d’avoir beaucoup de possessions, mais dans le fait d’avoir peu de besoins. »
Les stoïques avaient d’ailleurs une manière toute particulière de gérer la peur des pertes financières.
Sénèque, dans ses lettres à Lucilius recommandait à quelqu’un qui aurait peur de la pauvreté de la « pratiquer régulièrement », c’est à dire de prévoir une période temps durant laquelle il conseillait de se nourrir de la moins couteuse des nourritures et de se vêtir des habits les plus rugueux tout en se demandant « Est-ce donc là ce que j’ai tant craint?« .
Le but de l’exercice étant de prouver que la condition qui semblait si effrayante au départ était en réalité une construction de votre esprit plutôt qu’un péril qui mettrait réellement en danger votre existence. Sénèque suggérait que devenir familier avec les choses desquelles on a peur aide à réduire globalement l’anxiété (ce qui est corroboré par les recherches modernes en psychologie comportementale).
Ce qui veut dire que si vous êtes par nature quelqu’un qui a une peur panique de perdre son argent ou d’être pauvre, avoir plus d’argent ne vous tranquillisera probablement pas beaucoup, bien au contraire (ce qui ne veut pas dire que vous ne devez pas travailler à votre enrichissement, mais que vous devez, en parallèle travailler à changer votre vision de l’argent).
L’exercice évoqué par Sénèque démontre donc que, contrairement à ce que nous avons naturellement tendance à penser, vivre de peu et dépenser moins rend plus heureux, et réduit notre niveau de stress financier ainsi que notre anxiété vis à vis de l’avenir tout en faisant indirectement grossir notre compte banque.
Si vous avez apprécié cette réflexion n’hésitez pas à consulter les écrits complets de Sénèque qui restent encore aujourd’hui une mine d’or de sagesse :
Fait important : les stoïques n’étaient pas fondamentalement opposés à l’idée de l’enrichissement, ils recommandaient simplement d’en profiter sans en abuser et sans en devenir l’esclave, une idée pleine de bon sens que l’on retrouve dans de nombreux mouvements philosophiques à travers l’histoire.
Pour preuve, je vais conclure cet article sur une citation de Bouddha :
« Celui qui s’attache à la richesse ferait mieux de l’abandonner plutôt que de la laisser empoisonner son coeur. Celui qui possède la richesse sans s’y attacher et l’utilise avec justesse, est une bénédiction pour ses semblables ».
Merci pour ce très intéressant rappel sur le stoïcisme. Un courant philosophique qui contrebalance bien les excès de notre époque, et qui semble en effet permettre de vivre plus heureux en s’inquiétant moins.
Je confirme que le minimalisme, la réduction de nos besoins/envies, permet de s’enrichir efficacement. C’est ce que j’applique depuis des années, sans savoir à l’époque que ça portait un nom.
Reste à avoir moins peur d’investir, il faudra que je m’inspire des principes des stoïques.
Bonsoir Aurore et merci pour ton commentaire!
C’est vrai que quand on bosse dur pour mettre de coté cela peut faire parfois un peu peur au début de « risquer » (je mets cela entre guillemets parce qu’il y a vraiment moyen de diminuer les risques au minimum) son argent durement gagné en l’investissant.
Etudier l’histoire et avoir une bonne stratégie permet de réduire beaucoup cette anxiété.
Prendre en compte l’inflation permet aussi de réaliser qu’en réalité on perd de l’argent et du pouvoir d’achat tous les ans si on laisse dormir ses euros sur son compte en banque sans s’en occuper.
En réalité notre espérance de gains sur le cash est négative à long terme et fortement positive en bourse, donc si l’on s’en tient à un raisonnement purement logique (cher aux stoïques) la meilleure option est d’investir.
Le problème c’est que souvent les émotions s’en mêlent ensuite et viennent compliquer les choses! (automatiser au maximum la gestion de ses finances peut aider sur ce point)