Au cours de ces dernières semaines j’ai rédigé plusieurs articles sur le sujet des foncières cotées (en mettant surtout l’accent sur les Real Estate Investment Trusts, qui sont la version américaine de nos Sociétés d’investissement en Immobilier Coté locales (ou SIIC).
Si vous êtes un lecteur régulier du site, vous savez que j’ai abordé plusieurs fois le cas de REITS américains, mais plus rarement celui des SIIC européennes.
Ceci tout simplement parce que le secteur des SIIC en Europe se retrouve sous pression depuis quelques temps, et fait face à des problématiques pas forcement faciles à démêler (ni à analyser) sur lesquelles nous allons nous pencher dans cet article.
Cette semaine, zoom donc sur le secteur des foncières cotées françaises (et pourquoi je leur préfère personnellement leur cousines américaines depuis quelques temps maintenant), ainsi que sur un de ses principaux acteurs : le groupe Unibail-Rodamco-Westfield.
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REITS vs SIIC : un écart de performance qui se creuse
Plusieurs lecteurs du site m’ont posé des questions au sujet des foncières cotées françaises suite à mes précédents articles, et en particulier sur les raisons de leur sous performance au cours de ces derniers mois (/années ?).
Ces derniers temps nous avons en effet assisté à une spirale baissière assez impressionnante sur des grands noms du secteur (parmi lesquels des valeurs comme Unibail-Rodamco, titre qui il y a encore quelques années à peine comptait parmi les meilleures actions du CAC 40 et était considéré comme « l’étalon l’or » du secteur de l’immobilier commercial).

Quelles sont les raisons de cette sous performance ? C’est ce que nous allons voir dans la suite, mais tout d’abord, voyons pourquoi je privilégie les REITS américains plutôt que les SIIC Européennes depuis un certain temps.
Zoom sur le secteur des SIIC Européens (et ses inconvénients à mon sens)
1/ Un secteur assez réduit par rapport aux US
Tout d’abord, il faut savoir que le choix de SIIC françaises (et européennes), reste globalement limité par rapport à leurs cousines américaines.
Là où les US comptent plus de 220 fonds immobiliers cotés répartis sur plus de 10 sous-secteurs, en Europe, nous comptons une trentaine de poids lourds opérant dans cette branche, ce qui réduit nécessairement les options.
2/ Une forte concentration sur l’immobilier commercial
Là où l’on peut trouver aux US des REITS sur tous types de positionnement (médicaux, centres de données, centres de vacances, résidentiel, stockage, etc…), en Europe, nous sommes assez concentrés sur un seul secteur : l’immobilier commercial (qui est soumis à certaines pressions en ce moment comme nous le verrons par la suite).
3/ Inéligibilité au PEA
Un des gros avantages de détenir des actions Européennes, c’est qu’elles sont achetables dans le cadre d’un PEA, c’est-à-dire que vous pouvez bénéficier (si vous êtes résident français) d’une exonération d’impôts sur vos titres pendant des années sous certaines conditions.
Il s’agit ici d’une des dernières niches fiscales françaises intéressantes, et ne pas payer d’impôts sur cette partie de son patrimoine pendant les années de capitalisation est un atout majeur. Problème : comme je l’ai expliqué précédemment, les foncières cotées ne sont pas des actions (mais des fonds immobiliers), et ne sont donc pas éligibles au PEA.
(A mon sens donc : quitte à payer des impôts sur cette partie de ses placements : autant s’orienter sur les meilleurs acteurs disponibles internationalement plutôt que de se limiter à l’Europe).
4/ Difficulté d’accès aux données
Là où les REITs US peuvent s’analyser sur des bases relativement harmonisées (et si même dans leur cas trouver des données de qualité sans être forcé d’éplucher leurs bilans comptables peut parfois être une gageure) : trouver des données de qualité pour analyser les SIIC Européennes est souvent chronophage et compliqué.
Vous serez obligé d’aller directement les chercher dans les publications de leur site web (chose que je vais faire dans la suite pour un des plus gros acteurs du secteur : Unibail-Rodamco).
Et surtout, dernier point problématique du secteur des SIIC (et celui qui a soulevé le plus de questions ces derniers temps) : celui de la sous performance massive des SIIC au cours de ces dernières années.
Pourquoi les SIIC sous performent depuis plusieurs mois ?
Comme je l’ai évoqué précédemment, leur sous performance est principalement due à une raison. Que vous preniez Klepierre, Unibail, Mercialys ou Carmila, tous ces fonds sont spécialisés sur un secteur particulier : les centres commerciaux.
Les centres commerciaux sont la catégorie de REITS qui soulève le plus de craintes actuellement du fait du boom de l’E-Commerce et du ralentissement graduel de leur fréquentation (à plus forte raison pour ceux qui ont les positionnements les plus fragiles).

Le positionnement d’un REIT commercial devient donc très important ici, j’avais par exemple évoqué le cas de Realty Income aux US qui détient principalement des pharmacies, des centres de fitness, et des cinémas : ce sont des actifs moins sensibles au E-commerce que par exemple des boutiques de vêtements ou de matériel informatique.
Voici un comparatif de performance entre les 3 REITS que j’avais présenté dans mon article de l’an dernier « 3 REITS très rentables (dont le préféré de Warren Buffett)« , comparativement à 3 des plus grosses SIIC françaises à 1 an :

Mais sans plus épiloguer à ce sujet, essayons de répondre à une question : le sell-off sur les foncières cotées françaises est-il vraiment justifié?
Pour y répondre, étudions les chiffres de l’étalon or du secteur : Unibail-Rodamco (qui vient juste de publier ses résultats semi-annuels).
Unibail-Rodamco : étude d’un géant déchu ?
Performance d’Unibail-Rodamco au cours de ces derniers mois
Comme vous le voyez ici, l’action Unibail-Rodamco a chuté de –37% depuis sa fusion récente avec le groupe Westfield, ce qui est assez impressionnant pour une valeur considérée jusqu’à présent comme « l’étalon or » de son secteur.

Les raisons de la chute (un faisceau de facteurs négatifs)
Cette chute est due à une combinaison de plusieurs facteurs, les principaux étant :
- La fusion avec Westfield : en règle générale, le marché n’aime pas les fusions à court et moyen terme, car elles augmentent l’endettement d’une société et entrainent des incertitudes.
- Le pessimisme sur l’immobilier commercial suite au ralentissement (bien réel) de l’activité du secteur des suites du boom de l’e-commerce.
- Les dégradations d’analystes qui viennent régulièrement remuer le couteau dans la plaie (même si rien de nouveau ne s’est fondamentalement passé).
- Des niveaux de valorisation initiaux élevés (pré correction) : comme évoqué précédemment, son statut « d’étalon or » du secteur fait qu’Unibail est parti de niveaux de valorisation initiaux assez élevés, et comme je le répète souvent sur le site : en investissement, acheter trop cher est rarement une bonne idée.
Cependant, si l’on fait le bilan, la majorité des facteurs qui ont causé la chute d’Unibail relèvent donc :
- 1/ De prévisions boursières (c’est à dire d’anticipations de ralentissement)
- 2/ Du sentiment de marché (c’est à dire de pur pessimisme)
Les anticipations et le sentiment relevant tous deux de la conjecture plutôt que d’autre chose, penchons-nous maintenant sur les fondamentaux du groupe en étudiant objectivement les données de leur rapport annuel 2018 (et semi-annuel 2019 qui vient justement d’être publié cette semaine).
Analyse de l’action Unibail-Rodamco-Westfield

Croissance (et sécurité) du dividende d’Unibail-Rodamco-Westfield
Commençons tout d’abord par le nerf de la guerre : la croissance d’Unibail. Voici un petit graphique illustrant la croissance des revenus et des dividendes du groupe Unibail-Rodamco depuis 2007 :

Comme vous pouvez le voir ici : pour le moment les dividendes et les revenus d’Unibail sont en augmentation depuis 2007 (et ce malgré la crise de 2008 en début de période).
On peut effectivement noter une stagnation depuis quelques années, mais le dividende reste pour le moment bien couvert par les revenus de la société (un payout ratio entre 85 et 95 est considéré comme normal pour un fonds en immobilier coté du fait du statut particulier des SIIC).
Les revenus anticipés par action couvrent toujours bien le dividende : celui-ci n’est donc pas à risque (pour le moment).
Valorisation d’Unibail-Rodamco (le titre est-il sur ou sous-évalué ?)
Lors de sa dernière présentation, Unibail a publié sa NAV (Net Asset Value) au 31/07 qui est actuellement de 216 euros (la NAV est le reflet de la valeur nette par action du parc immobilier du groupe à l’instant T : il est donc toujours intéressant de la comparer à sa valeur boursière).

Si cette NAV a effectivement connu quelques difficultés à progresser au cours de ces dernières années (221 fin 2018, 211 fin 2017), le titre cote actuellement autour de 123 euros, ce qui représente une décote d’environ 45% (pour un titre qui avait pour habitude de s’échanger au-dessus de sa NAV durant ses jours dorés, rappelons le).

Attentes du groupe (estimations et prévisions pour la suite)
Concernant le futur, la société attend une croissance de 5 à 7%/an de ses revenus d’ici 2023 :

Et la société vient juste de réviser ses anticipations à la hausse pour 2019 :

Rendement de l’action aujourd’hui (un dividende élevé)
Nous sommes aujourd’hui sur des plus hauts à 20 ans au niveau des rendements sur le titre, avec quasiment 9% de rendement comparativement à une moyenne historique comprise entre 3 et 6%.

Qualité du parc Immobilier
Unibail est un des acteurs qui détient les meilleurs emplacements de centres commerciaux au monde. Le groupe met un point d’honneur à se positionner dans des secteurs à forte affluence qui peuvent difficilement être « disruptés ».
Pour citer un exemple proche de nous (et si vous êtes familier avec notre chère capitale) : la majorité des emplacements commerciaux parisiens stratégiques appartiennent à Unibail (entre autres : le Forum des Halles, le Carrousel du Louvre, le CNIT, les 4 temps… mais aussi les centres de congrès de la Porte de Versailles et le Parc des Expositions de Villepinte).

Et si je parle uniquement de la ville de Paris ici, c’est simplement parce que je n’ai pas la chance de connaitre aussi bien toutes les villes d’Europe dans lesquelles Unibail détient des centres commerciaux (plus de 150 actuellement, à des emplacements stratégiques pour la plupart d’entre eux).
L’acquisition récente du groupe Westfield leur a de plus permis de se positionner sur d’autres emplacements stratégiques internationaux (comme par exemple le prestigieux Westfield World Trade Center de New York).

Ce type d’emplacement à forte affluence est par nature plus résistant aux éventuels problèmes que les malls plus excentrés (quel que ce soit le cas de figure pour le futur : il est par exemple difficile d’imaginer un Forum des Halles désert, ensuite tout est question de positionnement et de choix des commerces, point sur lequel Unibail veille au grain en « tournant » régulièrement ses locataires les moins performants afin de maintenir un parc dynamique).
En conclusion, de nombreux facteurs pointent ici vers un excès de sentiment de marché négatif par rapport aux fondamentaux (et si le ralentissement et les problèmes de croissance sur le secteur de l’immobilier commercial sont bien réels, la spirale baissière actuellement en place pourrait bien pousser les prix jusqu’à des niveaux excessifs).
Pourquoi je n’ai pas acheté Unibail (ou de SIIC) récement
La réponse tient en une image. Voici le graphique boursier du titre Unibail-Rodamco-Westfield à 1 an :

Ici nous pouvons clairement voir que le titre est engagé dans une dynamique baissière depuis plusieurs mois, et que la psychologie de marché sur l’action n’est pas bonne pour le moment.
J’utilise personnellement un mix d’analyse fondamentale et d’analyse technique pour prendre mes décisions d’investissement, et j’ai pour principe de ne jamais acheter un titre engagé dans une tendance baissière forte (une règle simple qui a contribué à m’éviter bien des déconvenues dans le passé).
Conclusion
De nombreux facteurs pointent vers un excès de pessimisme sur certaines foncières cotées actuellement (et en particulier sur Unibail-Rodamco). Pessimisme qui pourrait déboucher sur des opportunités d’achat intéressantes si la tendance baissière actuellement en place continuait de pousser le titre vers des niveaux de valorisation déraisonnables.
Pour le moment la psychologie de marché négative, le ralentissement (bien réel) de l’activité des centres commerciaux physiques et le manque de visibilité sur le secteur (en plus de la complexité d’analyse relative) m’ont personnellement poussé à m’orienter vers des foncières plus sûres, plus prévisibles et plus défensives.
Dans l’intervalle, le dividende (élevé) d’Unibail reste couvert par le cashflow de la société à court et moyen terme, et les niveaux de valorisation du titre font que la société est actuellement sur ma « watchlist » d’actions dans le cas où les signes d’un retournement de tendance durable devaient se profiler à l’horizon.
Merci Pierre pour cet article qui tombe à pic suite à la forte baisse de ce titre que j’ai en portefeuille ! Personnellement les données chiffrées d’Unibail m’avaient aussi rassurée mais j’avais des doutes sur les conclusions à tirer des dégradations des notes des analystes.
Heureusement mon PRU est assez intéressant, donc je patiente tranquillement en espérant que la baisse du titre touche à sa fin !
Et j’ai aussi commencé à investir dans Realty Income, action effectivement plus rassurante ces derniers mois ! Merci de l’avoir conseillée dans un de tes précédents articles 🙂
Realty Income s’en est plutôt bien tirée effectivement ces derniers temps (du fait de son meilleur positionnement dans l’environnement actuel). L’avantage des REITS c’est que le secteur est très vaste et nous laisse pas mal de choix en temps qu’investisseurs!
Bonjour,
Je découvre le site avec grand plaisir qui évite de montrer la bourse comme un casino (ce qui est très souvent le cas). Sur unibail comme sur le reste tout est une affaire d’appréciation, de fondamentaux et de perspectives. Unibail comme Klepierre me paraissent être les deux meilleures foncières commerciales en raison de la typologie de leurs centres commerciaux et rendements locatifs espérés.
D’une manière générale, il convient de diversifier au maximum son portefeuille. Je lisais récemment une étude qui montrait qu’investir dans les secteurs qui offrent de grands rendements et semblent avoir peu d’avenir sont souvent (certes pas toujours) de très bons placements (voire bien meilleurs que des valeurs de croissance). En fait, les analystes et petits investisseurs sont extrêmement mauvais pour prédire l’avenir. Prendre les ratios à un moment t, est encore la meilleure solution pour un investisseur. Seulement en prenant les critères suivants: entreprise versant des dividendes, ayant un ratio d’endettement inférieur à ses pairs, PER inférieur à 20 et ayant connu une croissance d’EBIT au cours des 3 années antérieures on arrive à surperformer assez grandement le marché ! La seule règle d’or est d’avoir de la méthode et de diversifier un maximum.
Même des actions a priori très volatiles et délaissées (du style bancaires ou automobiles) peuvent parfois être intéressantes dans une ligne consacrée aux placements risqués (faites gaffe quand même sur les bancaires, c’est un peu comme les pétrolières (j’en ai pas d’ailleurs de celles-ci), un peu casse-gueule, perso j’ai pris un peu de BNP, bank of america et soc. G le mois dernier mais sur une ligne très limitée au cas où. Je n’avais aucune banque jusqu’à présent justement à cause de leur propension à couper dans les dividendes comme la soc. G mais les valorisations actuelles malgré les très gros risques qui pèsent sur elles me paraissent raisonnables (d’autres ne seront pas d’accord et je les comprends, c’est d’ailleurs pour ça que je les considère comme des actions très risquées et sur une ligne très limitée). Une fois dit tout ça, je conseille quand même de faire très attention sur les bancaires qui sont des actions pas performantes du tout à LongTerme).
Mais bon,a priori mieux vaut, à mon avis, investir dans un constructeur versant des dividendes et croissance de son CA que dans Tesla ou Uber par exemple… Même si peut-être cela sera un futur Amazon, les risques de faillite, restructurations et la variabilité extrême de ce type d’action ne me semblent pas l’approche la plus sûre et parfois elles perdent d’un coup 60 ou 70 pour cent donc… je suis pas super fan de ces genres d’approche
En conclusion, d’accord avec l’auteur. Unibail est une action qui peut-être intéressante mais toujours en gardant à l’esprit que ce n’est pas la seule et de diversifier sur d’autres secteurs. Si les loyers repartent de l’avant et Unibail s’adapte bien ça sera une excellente action.
Merci pour cet avis détaillé Juan 😉
Bonjour,
Considérant la hausse brutale récente du prix de l’action (on ne peut exclure une part de short squeeze), il semble difficile de prévoir si un retournement de tendance est amorcé…
A partir de là, vous êtes-vous déjà positionné ou attendez-vous une nouvelle cassure de résistance pour confirmer un retournement de tendance
Je précise que je m’etais lourdement positionné sur le support vers 132-134 et avais renforcé plus bas pour aboutir à un PRU de 131,74
Merci bonne journée
Bonjour Veron,
Je me suis positionné sur la cassure (au vu des forts volumes), mais j’ai généralement pour habitude de construire mes positions en plusieurs fois dans ce type de scénario (une position « pilote » sur le signal de retournement initial, puis renforcement lorsque le marché bouge dans mon sens).
Cela me permet usuellement d’avoir tord sur une petite position seulement si jamais la tendance initiale vient à reprendre, et d’être plus largement exposé en cas de retournement significatif ;
Cdt
Bonjour,
Du coup avez-vous renforcé votre position sur Unibail ?