Le retour de l’inflation suscite de nombreuses craintes chez les investisseurs.
Les quantités énormes de monnaies imprimées (sans création de valeur associée) durant la crise du covid font en effet peser de nombreuses craintes inflationnistes sur l’économie en 2021.
Et comme toujours lorsque cela se produit : on essaie de nous vendre des placements miracles « anti-inflation » (qui dans les faits, ne le sont pas toujours).
Je vous propose donc de voir dans l’article de cette semaine quels ont été historiquement les secteurs boursiers et les actions qui ont eu les meilleures performances dans un environnement inflationniste.
Au programme :
- Les meilleures actions contre l’inflation (selon Warren Buffett)
- Les secteurs qui ont le mieux performé durant ces périodes
- Quelques exemples concrets aujourd’hui
Table of Contents
Les sociétés préférées de Warren Buffett
Commençons tout d’abord (comme souvent) par quelques sages paroles de Warren Buffett sur le sujet de l’inflation :
« Les mathématiques du phénomène font que l’inflation est une taxe bien plus dévastatrice que tout ce que pourraient inventer nos législateurs. L’inflation a une fantastique capacité à consommer du capital. Et si vous croyez pouvoir danser autour de la taxe inflationniste en tradant sur les actions, j’aimerais certainement être votre courtier, mais pas votre partenaire. » W.B.
Pour résumer : l’inflation n’est pas facile pour les investisseurs en actions, et vous ne battrez probablement pas l’inflation en essayant de spéculer plus vite qu’elle (on retrouve ici la tendance de Buffett à privilégier l’achat/conservation de sociétés de qualité). Mais quel type de société?
A ce sujet, l’Oracle nous donne quelques pistes :
Un bonne illustration pratique valant mieux qu’un long discours, voici l’exemple d’un bon et d’un mauvais secteur (toujours selon Buffett et Munger).
Le secteur des services publics (ou « utilities« ) est un mauvais secteur à détenir durant une période d’inflation. Pour pouvoir fonctionner, ces secteurs subissent des coûts fixes importants (assurance, entretien, travaux, etc), et pour pouvoir générer de la croissance, ils doivent réaliser des investissements dans des infrastructures ayant des coûts colossaux.
A l’inverse, Buffett donne l’exemple d’une entreprise de vente de bonbons (See’s Candy) comme business idéalement positionné pour bénéficier d’un environnement inflationniste.
Ici les bonbons sont relativement faciles à produire, et peu « capital intensifs« , en revanche, avec une marque forte, il est facile de répercuter une hausse générale des prix sur le produit (si vos bonbons préférés passent de 2 euros à 2.20 euros, vous continuerez probablement de les acheter, malgré une hausse de 10%).
Voilà donc pour la théorie. Pour la pratique, passons maintenant à quelques statistiques sur les secteurs boursiers qui ont eu les meilleures performances durant les périodes d’inflation.
Les meilleurs secteurs boursiers contre l’inflation
Voyons ici deux études intéressantes réalisées à ce sujet.
Première étude
Goldman Sachs a réalisé une étude poussée sur les secteurs boursiers qui avaient tendance à le mieux performer dans les environnements inflationnistes (avec et sans hausse des taux).
Les business les mieux positionnés sont ici dans le cadran en haut à droite :
Parmi les meilleurs, on retrouve principalement :
- Les secteurs financiers, de la banque et de l’assurance : ces secteurs respectent la règle de Buffet des faibles coûts en capital, et de hausse de prix pouvant être répercutée facilement sur le consommateur.
- Le secteur de l’énergie : vous ne serez sans doute pas surpris ici, mais lorsque le prix du pétrole monte, nous constatons tout de suite que la hausse nous est répercutée à la pompe (et les profits des sociétés pétrolières augmentent lorsque le pétrole se vend plus cher).
Et parmi les pires, nous retrouvons ici : les services publics (comme l’évoquait aussi Buffett)… mais également l’immobilier coté (étonnement!). Ceci peut s’expliquer par le fait qu’il existe un nombre très vaste de sous secteurs d’immobilier coté et de méthodologies pour réaliser ces études (ce qui peut faire une grosse différence ici, comme nous le verrons dans la suite).
Seconde étude
Penchons nous cette fois-ci sur une étude réalisée par le groupe Schroders.
Cette fois-ci, on retrouve parmi les meilleurs secteurs :
- Le secteur de l’énergie : une fois de plus, le secteur de l’énergie semble être en tête de liste, et c’est probablement celui qui est le moins sujet à débat.
- L’immobilier coté (REITS) : Surprise cette fois-ci, dans l’étude de Schroders, l’immobilier coté se retrouve (plus logiquement ici) être le second meilleur performer dans un environnement inflationniste.
- Les biens de consommation courante, ainsi que les financières sont également bien positionnées (mais un peu moins que dans l’étude de Goldman).
Comment expliquer les différences?
Si vous commencez à suivre les papiers de recherche en finance, vous risquez de tomber sur pas mal de choses contradictoires (car une multitude de facteurs influencent le prix des titres et il n’est pas toujours facile de les isoler).
Dans le cas de l’immobilier coté par exemple, le secteur comprend de nombreux sous secteurs (financés à taux variable ou à taux fixe par exemple, avec des coûts fixes plutôt élevés, où plutôt faibles). Inclure ou exclure des secteurs peut donner des résultats totalement différents. De même, des variables autres tels que le niveau des taux d’intérêt ont leur importance.
Également, la période de temps et les méthodes de test utilisées peuvent venir biaiser fortement les résultats d’une étude, c’est pour cela qu’il est important pour limiter les erreurs de :
- Bien comprendre les mécanismes économiques de fond derrière une tendance
- Recouper plusieurs études afin de dégager un consensus (et limiter le « bruit »)
Ce qui est intéressant ici : le secteur de l’énergie semble clairement se démarquer du reste, suivi de près par les business à faible intensité capitalistique pouvant répercuter facilement leurs coûts sur leurs clients (immobilier à faible coûts et financé à taux fixe, biens de consommation courante avec une marque forte, secteur financier, assurance etc…).
Les actions « value » : une protection contre l’inflation?
Dans un article précédent, j’avais évoqué le fait que les actions dites de « croissance » avaient eu tendance à avoir de meilleures performances que les actions « peu chères » dites « value » au cours de ces dernières décennies (pour plus d’informations là dessus, je vous renvoie à mon article sur les stratégies boursières).
Le retour de l’inflation pourrait être synonyme d’un retour sur le devant de la scène des actions « value« , car celles-ci ont tendance à mieux se comporter durant ces périodes.

L’explication théorique derrière ce phénomène est que les actions « value » ont plus naturellement tendance à se retrouver dans des industries matures qui génèrent un cashflow immédiat, alors que le cashflow des actions de croissance a plutôt tendance à être généré dans le futur (on évalue dans le présent un cashflow futur de X ou Y).
Le problème en période d’inflation, c’est qu’avec l’érosion de la valeur de la monnaie : plus le cashflow généré est situé loin dans le temps, plus sa valeur est faible. Les investisseurs donnent donc la priorité à ce qui génère de la valeur tout de suite, plutôt que dans plusieurs années.
En plus de cela, ne pas acheter ses actions trop cher (avec la fameuse « marge de sécurité » chère à Benjamin Graham) permet de limiter les risques si jamais le scénario inflationniste ne se déroulait pas comme prévu.
Combiner ces facteurs pour trouver des idées d’investissement
Nous l’avons vu ici que, selon la majorité des études, les actions qui se comportent le mieux durant les périodes d’inflation sont :
- Des actions qui se paient relativement peu chères
- Préférablement situées dans le secteur de l’énergie
- Ou dans des secteurs qui peuvent facilement faire « passer » les coûts générés par l’inflation à leurs clients sans devoir les subir eux même
Partant de cela, il y a plusieurs manières de « jouer » ce scenario en fonction de votre profil et de votre stratégie. Un investisseur qui préfère les fonds ou les trackers pourra par exemple directement ajouter des ETFs sur le secteur de l’énergie ou de la finance (un exemple : XLE ou XLF aux U.S).
Un investisseur plutôt orienté actions et dividendes (c’est mon cas), pourra partir directement à la recherche de valeurs de rendement qui répondent à ces critères (si vous me connaissez, vous savez que je préfère en général vous donner des pistes de réflexion plutôt que des noms, mais je sais que quelques exemples concrets sont toujours bienvenus).
Coté énergie, de grands noms tels que Total (en France) ou Exxon Mobil (aux U.S) cochent toutes les cases en terme de rendement, valorisation, et secteur par rapport aux différents critères donnés (si vous êtes plutôt finance verte, vous pouvez partir également du coté des renouvelables, mais elles se paient aujourd’hui beaucoup, beaucoup plus cher que les pétrolières).
Du coté des financières, vous le savez peut être si vous me suivez depuis quelques temps, mais je ne suis pas un grand fan des valeurs bancaires. Cependant vous n’êtes pas obligé d’aller sur celles-ci. Personnellement je m’orienterait plutôt sur des assets managers comme T Rowe (qui a le mérite d’être un dividend aristocrat), ou Blackrock (qui a une trackrecord très supérieure aux banques).
Et ce ne sont là que quelques idées, les investisseurs expérimentés peuvent jouer bien d’autres types d’actifs (ce fut le cas de Buffett avec son pari sur See’s Candy, ou de Michael Burry avec sa vente à découvert des bons du trésors en début d’année, deux manières assez peu usuelles de jouer un scénario inflationniste).
Quel que soit le véhicule que vous choisissez, l’essentiel, c’est surtout que vous compreniez ce que vous faites (car à long terme, c’est la seule chose qui vous rapportera véritablement de l’argent).
Conclusion
J’ai voulu vous donner à travers cet article un petit aperçu de mon processus pour trouver des idées d’investissement à privilégier en fonction du contexte général.
Je fonctionne usuellement ainsi pour rechercher les endroits où j’ai le plus de chances de générer des retours intéressants à l’instant où j’ai du capital à investir (les retours que vous aurez à long terme étant très dépendants du prix que vous paierez vos actions, les meilleurs titres d’il y a 1 an ne sont pas forcement ceux à privilégier aujourd’hui).
J’essaie également de toujours réduire les risques : ici investir avec une marge de sécurité, acheter des sociétés de bonne qualité, et éviter les secteurs « en surchauffe » permet de limiter les chances de grosse chute au cas où le scenario inflationniste ne se déroulerait pas comme prévu.
J’espère que vous aurez trouvé des choses utiles dans cet article, et n’hésitez pas à poster votre valeur anti-inflation préférée dans les commentaires!
Comme toujours un super article !
Merci 😉