Cela ne vous aura sans doute pas échappé si vous investissez en bourse : les bourses chutent en ce moment de manière assez brutale.
Les médias financiers n’ont (comme toujours) pas hésité longtemps avant de dégainer les superlatifs catastrophistes (« semaine noire« , « krach boursier« , « début de la fin« , et ainsi de suite). Mais qu’en est-il vraiment? Et que faut-il faire dans ce genre de situation lorsqu’on est investisseur? La réponse dans cet article.
Nous verrons entre autres :
- Ce qu’est une correction de marché (et qu’est-ce qu’une correction dite « normale »?)
- Un graphique historique de toutes les corrections de marché depuis 1950
- Ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter durant les périodes boursières difficiles
- Pourquoi les corrections sont synonymes d’opportunités pour les investisseurs long terme
Table des matières
Une brève histoire des corrections de marché
Selon le site Investopedia, une correction de marché est « un mouvement négatif d’au moins 10% sur une action, une obligation, une matière première ou un indice boursier. Les corrections sont généralement des déclins temporaires dans le cadre d’une tendance haussière de long terme« .
Actuellement le marché est tombé d’environ 10% depuis ses plus hauts, il ne s’agit donc pour le moment « que » d’une simple correction (et pas d’un krach boursier ou d’un bear market contrairement à ce que disent certains). Tournons nous donc vers l’histoire pour nous donner de la perspective sur ce qui vient de se produire.
Voici un graphique de toutes les corrections importantes qu’il y a eu entre 1950 et aujourd’hui sur l’indice boursier américain S&P 500 (ainsi que leur ampleur) :
Comme vous pouvez le voir, en bourse les corrections de 10 à 20% sont légion, et en règle générale on commence à parler de véritable « marché baissier » lorsqu’une correction dépasse cet intervalle et que l’on se retrouve sur des chutes plutôt comprises entre 30 et 50% (comme en 2008), qui elles sont bien moins fréquentes comme le montre ce graphique (et constituent généralement des opportunités d’investissement majeures).
Allons donc plus loin et analysons la fréquence d’occurrence de chaque % de baisse :
Comme vous pouvez le voir ici les baisses de marché comprises entre 5 et 10% se produisent 41.5% du temps sur la période testée et constituent donc des corrections qui sont par définition « normales ».
A l’échelle de l’histoire c’est plutôt la période de gains continus que nous avons vécu jusqu’à présent qui est « anormale », et pas vraiment la correction que vous avons vu ces derniers jours (qui a pourtant fait si grand bruit). Les bourses chutent généralement à intervalles réguliers, et c’est un phénomène normal.
Je vous donne ces données à titre purement indicatif simplement pour relativiser sur le fait que les corrections comme celles de cette semaine ne sont pas des « drames boursiers majeurs » comme on nous les vends parfois, mais des événements boursiers récurrents.
Les bourses chutent vite, et chutent souvent (chose que beaucoup commençaient à oublier du fait de la longueur de la dernière hausse et de sa régularité inhabituelle : nous avions en effet marqué la plus longue série de séances de hausse à faible volatilité de l’histoire de la bourse). Voyez plutôt :
Les marchés ayant tendance à agir comme un élastique (plus ils se tendent dans une direction qui s’éloigne de la valeur fondamentale des sociétés qui les composent, plus le retour de bâton dans l’autre sens est soudain est violent), la brutalité de la chute n’est donc encore une fois pas inhabituelle.
Cependant comme vous avez pu le voir, ce genre d’événement reste relativement impossible à anticiper si l’on est pas doté d’une boule de cristal, il faut donc être mentalement préparé au fait qu’ils peuvent survenir à tout moment.
Maintenant que nous avons vu que ces événements sont relativement communs en bourse, voyons quelle attitude il convient d’adopter lorsque ceux-ci se produisent pour préserver ses rendements à long terme.
Ce qu’il faut éviter lorsque les bourses chutent
L’erreur classique que font la plupart des investisseurs lorsque les bourses chutent, c’est de commencer à regarder la valeur de leur portefeuille boursier toutes les 5 minutes.
Puis d’augmenter leur fréquence de lecture de la presse financière pour essayer de se rassurer (chose qui est toujours, toujours anxiogène parce que les gros titres catastrophistes génèrent des clics, et que la presse est rémunérée aux clics et pas à la qualité de l’information fournie).
L’étape suivante est de commencer à devenir nerveux, et d’envisager de revendre ses titres si jamais la baisse continue (ce qui est bien sûr la pire chose à faire, rappelez vous du fameux « cycle émotionnel de l’investisseur perdant » que j’avais posté la semaine dernière) :
La seconde erreur majeure que font les investisseurs lorsque les bourses chutent, c’est de commencer à racheter dès que les marchés perdent quelques % sous prétexte que « c’est moins cher ». Ce sont les fameux « dip buyer » qu’on voit souvent sur Twitter ou sur les réseaux sociaux financiers (#buythedip).
Ce sont les mêmes que ceux qui ont acheté le bitcoin quand il est tombé a 15 000, puis a 10 000 parce qu’il n’était « pas cher », juste avant qu’il ne descende à 7000, puis à 6000, leur causant d’entrée une large perte (qui se creuse d’autant plus au fur et à mesure que les prix continuent d’évoluer dans la mauvaise direction).
Le problème de cette méthode c’est que vous ne disposez pas de réserves de cash illimitées pour racheter à l’infini si le marché continue de tomber, et que vous risquez de vous retrouver « surexposé » au pire moment (i.e : prendre le gros de la baisse de plein fouet et ne plus avoir de cash pour acheter au moment ou vous auriez eu les meilleures opportunités). D’où l’intérêt d’avoir un plan d’achat adapté lorsque les bourses chutent.
Cette erreur de « l’achat au pire moment » est si commune que le gérant de Hedge Fund multimilliardaire Paul Tudor Jones est connu pour avoir une pancarte « les perdants font des moyennes à la baisse » placardée en permanence au dessus de son bureau en guise de mémento mori financier :
Rappelez vous : le moment le plus sûr pour acheter n’est pas lorsque les bourses chutent mais juste après que les bourses aient chuté (une nuance importante), quand la pression vendeuse commence à diminuer (plus sur ce point dans la suite).
Que faire lorsque les bourses chutent?
1/ Revoir les fondamentaux des sociétés que l’on a en portefeuille
Une bonne manière de relativiser quand les bourses chutent est souvent de simplement revoir les fondamentaux de ses sociétés, et de se demander si quelque chose à changé par rapport au moment où nous avions décider d’acheter.
La société a-t-elle soudainement perdu sa capacité à générer des profits? A payer des dividendes? A créer de la valeur à long terme. La plupart du temps ce ne sera pas le cas, ce qui implique donc qu’il n’y a aucune raison de vendre.
Comme le disait Benjamin Graham, être un bon investisseur, c’est utiliser les émotions des foules à son avantage, pas en être la victime.
2/ Revoir sa propre tolérance au risque
La tendance générale est que lorsque les bourses montent, on se sent capable de placer 90% de son épargne dans les actions sans problème, et que lorsque les bourses chutent, on commence à se dire qu’on avait peut être légèrement surestimé notre capacité à rester serein face à l’adversité.
La seule manière de savoir quelle est votre réelle tolérance au risque (et pas celle que vous pensez avoir quand tout va bien) est de vivre une bonne correction de marché en ayant de l’argent réel en jeu. Regardez ensuite comment vous vous sentez, observez vos réactions.
Vous sentez vous capable de continuer à suivre votre stratégie? Êtes vous serein? Si ce n’est pas le cas, vous êtes peut être trop exposé par rapport à votre propre tolérance, et vous devriez peut être envisager de diversifier vos investissements dans d’autres actifs (l’immobilier locatif peut être une option par exemple).
Ensuite cela vous permet aussi de voir quel style d’investissement est fait pour vous. Certains investisseurs ne supporteront pas de voir la valeur de leur portefeuille boursier fluctuer, et préféreront des investissements « en dur » comme la pierre (même si leur valeur fluctue également, le fait qu’ils ne soient pas côtés au jour le jour les tranquillise). D’autres (à l’inverse) détesteront avoir à gérer des locataires et préféreront la passivité des revenus boursiers.
Pour résumer : les corrections de marché sont une occasion d’en apprendre plus sur vous même.
3/ Préparer une liste d’opportunités d’achat
A court terme les corrections de marché peuvent sembler émotionnellement pénibles, mais pour un investisseur de long terme (et a plus forte raison si vous utilisez une stratégie basée sur les dividendes), c’est précisément là que résident les opportunités.
Quand les prix des sociétés de qualité diminuent, vous les payez moins cher pour un même niveau de dividende, ce qui veut dire que leur rendement réel augmente. Si une action cotait 100 euros et payait 4 euros de dividendes, vous aviez un rendement de 4%, si le prix chute à 50 euros, et qu’elle paie toujours 4 euros de dividendes, son rendement est maintenant de 8%. Vous payez beaucoup moins cher pour la même chose.
Contre intuitivement donc, il est bien plus facile de générer une rente intéressante quand le marché est au plus bas que lorsqu’il est haut (et semble pourtant « plus sûr » que lorsqu’il vient de décrocher massivement). Bien sûr cela implique d’éviter les pièges et de savoir sélectionner les bonnes sociétés, car n’oubliez pas qu’un dividende peut être coupé sur une société de mauvaise qualité.
Si vous savez investir et que vous avez une stratégie à long terme solide, les corrections de marché majeures sont les zones d’opportunités maximales.
4/ Surveiller les graphiques boursiers
Avoir des connaissances de base en lecture de graphiques boursiers (analyse technique), peut aider à mieux visualiser les pressions acheteuses et vendeuses du marché et à éviter d’entrer en plein sell off. Si l’analyse fondamentale conditionne quoi acheter, l’analyse technique aide à répondre à la question de « quand acheter ».
Typiquement acheter des titres engagés dans des dynamiques baissières fortes en essayant « d’attraper les plus bas » est généralement une mauvaise idée (d’où le fameux proverbe boursier « on ne rattrape pas un couteau qui tombe« ).
Le meilleur moment pour acheter et généralement lorsque la pression vendeuse s’allège et que le marché montre des signes de reprise, pas lorsqu’il est en pleine chute (sachez donc être patient). Parfois le rebond est très rapide (quelques jours), parfois une dynamique baissière se met en place sur plusieurs mois et acheter le premier creux est coûteux. Il faut donc savoir rester attentif.
Si vous avez des doutes, construisez vos positions graduellement et n’entrez pas en une seule fois.
5/ Provisionnez du cash
Je parle souvent de l’importance d’adopter des stratégies d’investissement qui vous génèrent du cashflow (loyers via l’immobilier, dividendes via la bourse, etc). En plus de vous servir de coussin amortisseur durant les périodes de baisse, vous pouvez provisionner ce cash pour le réinvestir massivement durant les périodes où les prix des titres chutent, ce qui vous permet d’améliorer significativement les rendements totaux de votre portefeuille.
Réinvestir plus lourdement votre cash suite à des périodes où le marché a enregistré des pertes à deux chiffres, et alléger vos réinvestissements lorsqu’il y a eu des rallyes majeurs est une stratégie simple dont l’efficacité a été prouvée en bourse.
Conclusion
Avec la période boursière extraordinaire que nous avons connu ces dernières années, revenir à un marché plus volatil risque de rendre nerveux de nombreux nouveaux investisseurs. Ne vous laissez pas impressionner, et comme toujours quand vous avez des doutes : tournez vous vers l’histoire.
Ce qui se produit aujourd’hui sur les marchés s’est déjà produit de nombreuses fois et se reproduira encore ; le savoir permet d’y être préparé, et de savoir comment en tirer profit.
Comme le disait le célèbre investisseur Peter Lynch « Tout le monde a le cerveau qu’il faut pour investir en bourse, mais pas tout le monde n’a l’estomac« . Ne vous laissez pas impressionner par les chutes de marché, et apprenez à les mettre à profit. Savoir rester calme dans ces moments vous donnera un avantage sur la majorité des investisseurs.
Gaudé jean claude says
De loin le meilleur article que j’aie lu sur le sujet.
On devrait le réciter par coeur!
Pierre says
Merci Jean-Claude 😉
Valerie says
Je rejoins le précédent commentaire : enfin un article instructif et riche en conseils qui vient contrecarrer les nombreux articles alarmistes de la presse !!! Cela me rassure par rapport à mon comportement face a cette baisse. Y’a plus qu’a suivre tranquillement la courbe de certaines sociétés repérées et qui sont devenues plus intéressantes avec ce petit -10% de la semaine. Contente aussi de voir que la formation m’est bénéfique en étant d’une aide concrète.
Pierre says
Merci pour le retour positif Valerie 😉
Hendrick says
J’ai rencontré ta page par hasard et je dois avouer que tu fais du contenu de qualité. J’apprécie bcp, ne lache rien !!!!
Pierre says
Merci, pour ton retour et tes encouragements 🙂
stef says
Bonjour,
Très bien pour la théorie mais en pratique ?
Vu qu’il faut acheter pas trop vite mais pas après ; Quand conseillez vous d’acheter ?
Quels titres ?
merci pour votre retour
Stef
Pierre says
Bonjour stef,
Ces questions trouvent leurs réponses détaillées dans la partie « formation » du site si le sujet vous intéresse plus avant.
Pour ce qui est de la recommandation de titres spécifiques c’est une activité qui est encadrée par l’autorité des marchés financiers. En temps que blogueur je suis autorisé à produire des analyses générales, et a vous fournir du matériel vous permettant de prendre de meilleures décisions financières par vous même, mais pas à vous dire « achetez telle ou telle action maintenant ».
Cdt
stef says
OK je comprends
Gardez tout de même ma suggestion en,réserve (+ de pratique et moins de théorie au niveau bourse) car cela pourrait donner du rythme à votre blog que je viens de découvrir et que je trouve très intéressant car « réel » surtout sur l’immo
Je peux d’ailleurs confirmer bon nombre de vos conseils et analyses dans le sens ou je les pratique (mais à moindre échelle)
Pierre says
Pas de problème, les suggestions me sont toujours utiles pour améliorer le contenu du site 😉 (et merci pour le retour positif) ; Cdt
Nicolas says
Très intéressant Pierre. Même si j’ai rien en bourse, ça me plaît toujours de lire tes articles. Ils sont clairs, concis et vont droit au but. Si un jour je me lance, je sais déjà que c’est vers ton blog et tes formations que je m’orienterai 🙂
Pierre says
Merci Nico 😉
benoit says
Super article comme toujours : merci Pierre !
La stratégie que vous prônez en actions à dividendes croissants est rassurante.
Ce qui l’est moins, c’est le mouvement de spéculation à la baisse sur les actions de la zone Euro que semble prendre Ray Dalio et son Hedge Fund BridgeWater :
https://www.bloomberg.com/news/articles/2018-02-15/dalio-causes-stir-with-18-billion-surge-in-european-short-bets
Est-ce le signal d’un marché durablement baissier à venir très prochainement ?
Serait-il possible de nous expliquer dans un prochain article quand rentrer efficacement en période de « soldes » (marché fortement baissier) ?
Merci !
Pierre says
Bonjour Benoit,
Le problème de ce genre de news et d’opération c’est que fondamentalement on ne sait pas du tout pourquoi le fonds prend cette position.
Est-ce que c’est pour « couvrir » une autre de leur position? Est-ce qu’ils veulent jouer une baisse sur quelques semaines, mois années? J’ai lu par exemple que Dalio était net short sur Unilever. Pour rappel Warren Buffett voulait racheter Unilever il y a 6 mois parce que pour le citer « c’est une société exceptionnelle ».
Ce que je veux dire c’est qu’en règle générale on ne sait jamais trop ce qu’il y a dans la tête de ces gros fonds (la preuve il y a encore quelques semaines : Dalio a dit qu’on était dans une très bonne phase de marché, 3 jours plus tard il y a eu une correction, il a fait une déclaration beaucoup moins optimiste).
Il y a un ou deux ans, Soros disait accumuler massivement de l’or et shorter massivement les actions américaines. Au final les actions ont explosé à la hausse et l’or n’a pas bougé. 6 mois plus tard, Soros avait changé d’avis.
Les 3 gérants de chez bloomberg expliquent très bien la situation dans cette vidéo à mon sens :
https://www.youtube.com/watch?v=LuRgtPwucu4
Mais pour résumer ce genre de news est relativement inutilisable à l’échelle de nos décisions d’investisseurs individuels.
slksfn says
Merci pour ce commentaire constructif Benito !
julien says
Très bon article que je présenterai à mes lecteurs dans les semaines à venir. Bien souvent les investisseurs peu expérimentés paniquent à la première dégringolade et perdent leur capital après des choix hasardeux. La bourse demande une long apprentissage!
Pierre says
Merci Julien 😉 . Effectivement, il y a une part d’apprentissage purement technique (pour éviter de faire des erreurs et d’acheter les mauvais titres), et une part d’apprentissage émotionnel (qui ne peut se faire qu’en commençant à placer son argent et en s’habituant peu à peu aux fluctuations des marchés) ; Cdt
Olivier de epargnersanssepriver.com says
Bonjour Pierre,
Merci pour tout ces bons conseils!
Pour la plupart des investisseurs débutants, les mouvements boursiers un peu brusque font peur!
Grace à ton article j’ai appris qu’il fallait attendre que la baisse soit terminée et acheter lorsque les courbes remontent.
Donc acheter au plus bas est juste un rêve ou réservè aux pros?
A bientôt
Pierre says
Acheter précisément au plus bas et vendre précisément au plus haut est un exercice qui ne peut être fait avec régularité que par des menteurs comme disait Bernard Baruch.
Néanmoins l’analyse technique permet d’étudier les pressions acheteuses et vendeuses qui existent sur le marché à l’instant T, et d’éviter d’acheter dans les moments où les gros investisseurs sont manifestement en train de décharger leurs positions. Cela évite au moins de rattraper les couteaux qui tombent (mais nécessite d’avoir une certaine expérience de la bourse et de savoir comment interpréter les données présentées sur un graphique boursier).
Pour paraphraser Buffett l’idée est d’essayer d’avoir approximativement raison, ce qui n’est pas l’idéal mais reste toujours mieux que d’avoir précisément tord.