Dans le monde de la bourse et de l’investissement il existe une question que toute personne ayant déjà passé un peu de temps sur les marchés a déjà entendu au moins une fois.
Une question qui s’invitera à coup sûr à votre table durant les diners et les soirées si vous avez le malheur de mentionner que vous vous y connaissez un peu en bourse et en économie (ou pire, que vous travaillez dans le secteur). Une question qui hante régulièrement mes boites mails.
Cette question c’est : « Alors, qu’est-ce que je dois acheter ? »
Dans cet article, nous allons voir pourquoi il s’agit ici d’une mauvaise question (qui en plus d’ennuyer celui qui doit y répondre, peut aussi causer des dégâts substantiels aux finances de celui qui la pose), et quelques meilleures alternatives.
Pourquoi est-ce une mauvaise question ?
Si demander des conseils à quelqu’un qui s’y connait dans un domaine semble au premier abord à la fois logique et naturel dans beaucoup de secteurs, plusieurs éléments font qu’il est relativement peu avisé de suivre cette stratégie en ce qui concerne vos investissements. Pourquoi?
Tout d’abord parce que demander « qu’est-ce que je dois acheter ? » à quelqu’un implique pour cette personne de répondre (à l’aveugle) à une question délicate qui ne tient pas compte d’un ensemble très vaste de facteurs concernant votre situation et vos préférences personnelles.
Entre autres :
- Votre niveau de connaissance boursière
- Votre surface patrimoniale
- Votre tolérance au risque
- Vos objectifs
- Votre horizon d’investissement
- Votre personnalité
Quelqu’un qui veut placer 1 million n’investira pas comme quelqu’un qui veut investir 1000 euros, un débutant en bourse n’aura pas la même approche des marchés que quelqu’un d’expérimenté, une personne qui privilégie les placements défensifs n’agira pas comme une personne plus aventureuse, et quelqu’un qui place sur 10 mois ne fera pas les mêmes choix que quelqu’un qui place sur 10 ans.
La plupart des gens attendent donc une réponse simple à une question qui est par nature complexe. Ou comme l’écrivait déjà en 1920 Jesse Livermore dans son classique de la bourse « Mémoires d’un spéculateur » :

Le problème, comme le souligne ici Livermore, c’est que cette approche suppose de vouloir obtenir quelque chose en échange de rien, ce qui (vous aurez sans doute pu le constater vous même), est une approche qui fonctionne rarement (dans la vie en général, et dans le monde des affaires en particulier).
Livermore était d’ailleurs lui même (du fait de son succès sur les marchés) extrêmement sollicité par des investisseurs et des spéculateurs de tous horizons à la recherche du « bon tuyau » en bourse, ce qui ne manquait pas de l’agacer, car il savait que cette approche ne les mènerai nul part.
Plus loin dans ses mémoires, il complète le paragraphe précédent par celui-ci :

Selon Livermore, tout tuyau « rapide et gratuit » néglige donc un élément central de l’équation en investissement : la confiance bâtie sur une analyse approfondie et personnelle de la situation.
Si vous souhaitez gagner de l’argent de manière durable sur les marchés : vous n’aurez pas d’autre choix (à un moment ou à un autre) que de devenir sérieusement compétent sur le sujet (cela passe par le fait de se former, ou de lire des livres boursiers de qualité tel que le fameux « mémoires d’un spéculateur » mentionné ici).
Ajoutons à cela que les « tuyaux » boursiers peuvent s’avérer véritablement dangereux pour les finances de celui qui les reçoit, et restent difficilement fiables et utilisables, même si ils sont donnés par un investisseur compétent.
Pourquoi cela? C’est ce que nous allons voir dans le point suivant.
Les véritables mathématiques des investisseurs gagnants
Un des clichés les plus populaires sur le monde de la bourse est que les bons investisseurs savent à l’avance (par une sorte de talent qui leur est propre) où une action va aller dans le futur.
La vérité est que la plupart des bons investisseurs ne savent pas où iront la plupart de leurs investissements dans le futur. C’est pour cela qu’ils diversifient.

Même Peter Lynch (considéré comme l’un des meilleurs investisseurs en actions du 20ème siècle avec Warren Buffett) reconnait avoir tord sur 35 à 40% de ses positions en moyenne.
Il est difficile de croire que l’on puisse gagner beaucoup d’argent en se trompant 40% du temps. Et pourtant, ce sont les mathématiques derrière les résultats de la plupart des bons investisseurs : une minorité de super gagnants ayant tendance à réaliser l’essentiel des performances d’un compte de bourse.
(Même le portefeuille de Warren Buffett contient aujourd’hui plus de 40 valeurs, alors que celui-ci est pourtant célèbre pour avoir dit que la diversification était une « protection contre la stupidité »).

De mon coté, les mathématiques de mon portefeuille sont à peu près les mêmes : je n’ai pas raison sur tous mes titres, mais le fait d’avoir quelques gros gagnants compense les quelques positions qui sous performent.
Le problème qui survient de ce fait est donc le suivant : et si au moment où vous me posez la fameuse question du « qu’est ce que je dois acheter » (ne sachant pas de quoi le futur sera fait de mon coté), je vous donne le nom de 2 actions qui feront (malgré moi) partie ensuite de mes futurs perdants?
Le problème pour moi est que j’aurai l’air d’un idiot, et le problème pour vous, c’est que vous allez potentiellement perdre beaucoup d’argent.
Pour espérer réussir, ce n’est pas un élément isolé qui doit être répliqué, mais une approche dans son ensemble (et comme le disait Livermore dans le point précédent : un investisseur doit avant tout développer son propre jugement afin de pouvoir tenir longtemps ses bonnes positions, et de savoir quand pivoter sur les mauvaises).
Différents placements pour différents types d’investisseurs
Le dernier danger d’un « qu’est-ce que je dois acheter? » lancé un peu au hasard, c’est qu’un bon placement dans l’absolu peut se retrouver entre les mains du mauvais type d’investisseur.
Ce que recherchent la plupart des gens avec cette question, c’est en fait un placement avec 0 risques qui ne ferait que monter. Par définition, si un placement bouge beaucoup (même à la hausse), c’est qu’il est risqué, et que vous devez mettre en place une stratégie efficace pour limiter ou maitriser les risques liés à ce placement.
Également, différents types de placements présentent différents types de risques, et tous ne sont pas adaptés à tout le monde. Voici un exemple schématisé :

A gauche du graphique, vous pouvez retrouver les placements à faible risque mais à faible rendement (c’est à dire les dépôts bancaires, tels que le Livret A), et tout en haut à droite vous pouvez trouver des placements à haut rendement, mais qui présentent une plus forte volatilité (comme les petites capitalisations et le Private Equity).
Cette relation volatilité/rendement se retrouve également sur les actions individuelles. Voici par exemple les rendements de l’action Amazon depuis son introduction en bourse (en vert) et sa volatilité (en rouge) représentés sur un même graphique :

Si beaucoup de gens peuvent se sentir envieux devant la hausse de quasiment +40 000% du titre depuis son introduction, peu réalisent qu’en 2001, l’action avait perdu 90% de sa valeur (et qu’en 2006 et 2008, le titre avait de nouveau perdu près de 70% de sa valeur).
Dans l’absolu Amazon s’est effectivement avéré être un investissement extraordinaire, mais si vous aviez conseillé le titre à quelqu’un en 1999 ou en 2007, combien auraient conservé leurs actions en voyant 70 à 90% de leur capital s’évaporer? Combien auraient paniqué et vendu?
C’est aussi pour cela qu’apporter une réponse satisfaisante à la fameuse question du « qu’est-ce que je dois acheter? » est si difficile : non seulement il faut avoir raison sur le bon titre (ce qui n’est déjà pas toujours simple), mais il faut également que celui ci se retrouve entre les mains du bon type d’investisseur.
Conclusion
Je pourrais continuer encore longtemps sur les multiples dangers liés à cette question, mais je pense que vous avez déjà saisi l’essentiel du propos de cet article.
Le fait que la question du « qu’est-ce que je dois acheter? » soit si répandue alors qu’elle délivre pourtant si peu de résultats provient principalement d’idées reçues sur comment fonctionne vraiment le monde de la bourse.
Les bons investisseurs ne suppriment pas l’incertitude (c’est impossible), ils apprennent à composer avec, et mettent en place des stratégies qui minimisent les conséquences de leurs erreurs (cela passe entre autres par la mise en place d’une diversification efficace).
Alors avant d’agir sur une recommandation extérieure ou sur un « tuyau boursier » (duquel vous doutez), rappelez-vous toujours de ce que disait Livermore : « Sans une solide foi en son propre jugement, aucun homme ne peut aller très loin dans ce business« .
Bien dit. Se diversifier et adopter une approche avec laquelle on est à l’aise et qu’on comprend et qui correspond à notre profil de risque sont les premières étapes. Pas acheter un titre et un autre aveuglément sous recommendation du beau frère ou des fameux experts. C’est pour ça que je suis si hésitant à faire des recommendations ou donner des conseils ou des avis (hors de mon cercles d’amis proche qui sont à la bourse depuis plusiqeurs années). Tsé, Apple et Microsoft, c’est des super bon titres. Mais si la personne a comme objectif d’utiliser ses économies dans 10 mois pour faire un achat, tu peux être ben mal pris car le titre peut avoir baissé d’ici là, même si c’est un bon titre. Investir à la bourse n’est pas une bonne idée quand on a besoin de son argent à court terme.
Souvent, les investisseurs débutan, je les encourage à regarder les Fonds Négociés en Bourse, particulièrement les fonds à allocation d’actif de Vanguard comme le VGRO ou le VBAL. Un seul fond, couvre le Canada, les USA, le reste du monde en action, et a un proportion d’obligations en plus.