Dans cet article, j’aimerais expliquer plus en détails comment marche un versement de dividende en bourse, et répondre à plusieurs questions qui m’ont souvent été posées à ce sujet (entre autres : peut-on gagner de l’argent en achetant une action juste avant qu’elle ne verse son dividende ?)
Au cours de mes précédents articles, j’ai évoqué à plusieurs reprises le sujet de l’importance des dividendes dans votre stratégie d’investissement, ainsi que leur impact sur vos performances à long terme.
Cependant, les dividendes ne sont pas importants en bourse pour les raisons pour lesquelles beaucoup semblent penser qu’ils le sont.
Je vais m’expliquer plus en détails sur ce point dans cet article. Au programme (entre autres) :
- Comment marche un versement de dividende en bourse
- Pourquoi on ne peut pas gagner d’argent en achetant juste avant un paiement de dividende
- Pourquoi les dividendes sont des signaux boursiers importants
- Quand sont payés les dividendes
- Comment sont imposés les dividendes (et combien il vous restera post taxes)
Table of Contents
1/ Comment marche un versement de dividende en bourse ?
Lorsqu’une société vous paie un dividende en bourse à une date X ou Y, on dit que celle-ci va « détacher » son dividende.
Cette notion de détachement est importante, car il faut bien comprendre une chose : un dividende n’est pas simplement versé (au même titre que les intérêts d’un Livret A par exemple), il est détaché du cours de l’action.
Ci-dessous un exemple avec un détachement de dividende sur l’action Coca-Cola :
Ici on peut constater clairement du phénomène car il s’agit d’un détachement important. Lorsque le dividende de 10 dollars est détaché, on voit que le cours de l’action s’ajuste aussitôt d’un montant proportionnel.
C’est un phénomène qui se produit lors de chaque versement de dividende, et c’est pour cela que vous verrez usuellement le cours de vos actions chuter autour des dates de détachement des dividendes (d’un montant proportionnel à celui des dividendes perçus).
Un exemple concret
Autre exemple : supposons que l’action Air Liquide vous paie un dividende 3% en date du 20 mai (c’est la véritable date de détachement, préparez-vous à toucher des dividendes bientôt si vous en avez).
Si l’action côte 103 euros en date du 19 mai au soir, le 20 mai, votre compte sera crédité 3 euros par titre détenu, et l’action chutera proportionnellement d’environ 3% à l’ouverture (et cotera donc autour des 100 euros).
L’action reprendra ensuite très graduellement le chemin des 103 euros (si tout se passe bien sur les marchés à cette période).
2/ Pourquoi est-ce qu’une action chute autour de la date de versement de son dividende ?
Si une action conservait la même valeur au moment où elle détache son dividende, cela créerait ce qu’on appelle une « opportunité d’arbitrage » (c’est à dire d’argent facile).
Pour gagner de l’argent, il vous suffirait d’acheter l’action à 103 la veille du détachement du dividende, d’encaisser 3 euros de dividendes par action, puis de la revendre au même prix une fois le dividende détaché.
Si vous réalisez cette opération avec 10 000 euros (100 actions), vous gagneriez alors 300 euros en une journée sans rien faire. Avec 100 000 euros (ou le simple ajout d’un modeste effet de levier sur votre compte de bourse), vous gagneriez 3000 euros en une journée (sans risque et sans effort).
De nombreux débutants en bourse pensent que ce genre d’opération est possible car ils ne sont pas encore bien au fait du fonctionnement des marchés boursiers.
Dans les faits, comme il y a cette fameuse chute de cours proportionnelle (évoquée dans le point précédent) au moment de détacher le dividende : il n’est pas possible de dégager de profits consistants en achetant juste avant (sans quoi gagner en bourse serait trop facile!)
Ce phénomène d’ajustement se produit car les marchés boursiers sont dits « efficients », c’est-à-dire qu’ils s’adaptent en temps réel à toute nouvelle information, et qu’ils l’intègrent aussitôt dans les prix.
Si vous voulez gagner de l’argent sur les marché, il va donc falloir que vous utilisiez des méthodes un peu plus avancées.
3/ Mais alors les dividendes ne servent à rien ?
C’est souvent le point que l’on m’oppose suite aux explications précédentes.
Puisqu’en bourse le dividende est détaché du cours de l’action, pourquoi ne pas tout simplement acheter des actions qui ne paient pas de dividendes, et faire des ventes partielles sur son portefeuille lorsque l’on en a besoin ?
Vous trouverez la réponse à cette question dans mon article complet dédié à ce sujet intitulé à quoi servent vraiment les dividendes (mais comme vous le verrez, l’explication est un peu technique).
Pour vous donnez quelques pistes plus simples ici , nous pouvons dire en résumé qu’en bourse les dividendes sont importants… mais pas pour les raisons pour lesquelles la majorité des gens pensent qu’ils le sont.
Plus sur ce sujet dans le point suivant.
4/ Les dividendes sont des signaux boursiers importants
J’ai souvent parlé dans mes précédents articles de l’importance d’investir dans des sociétés qui augmentent régulièrement leurs dividendes depuis plusieurs années (décennies si possible).
Ceci n’est pas à cause du montant effectif des dividendes payés (même si cela peut avoir son importance dans le cadre d’une stratégie de rendement), mais cela est surtout à cause du signal que cela renvoie sur la qualité des sociétés qui les paient.
Pour payer des dividendes en hausse depuis plusieurs décennies, il faut un business model robuste, capable de croitre à travers différents types d’environnements économiques, et de dégager un cashflow important, et en augmentation année après année.
Les sociétés aussi stables et robustes en bourse sont rares. C’est pourquoi les sociétés qui augmentent régulièrement leurs dividendes ont tendance à dégager en moyenne des performances supérieures à celles qui n’en paient pas.
Le critère du dividende n’est donc pas une option magique qui vous mettra de l’argent dans la poche en automatique, mais simplement un premier filtre qui peut vous permettre d’identifier plus facilement des business robustes (c’était d’ailleurs également un des critères de sélection de Benjamin Graham, mentor de Warren Buffett).
De même, quand une société annonce qu’elle relève son dividende, elle envoie un signal positif au marché (qui se répercute généralement positivement sur le prix), alors qu’une société qui coupe son dividende envoie au marché un signal très négatif sur sa santé financière (qui se traduit généralement par une chute de prix).
Cette notion de signal est essentielle, mais ce n’est pas là le seul atout des bons payeurs de dividendes.
5/ Les dividendes sont plus stables que les prix
C’est un autre point essentiel si vous souhaitez mettre en place une stratégie de rendement durable et retirer des revenus sûrs et réguliers de votre portefeuille boursier.
Si vous faites le choix d’investir dans des actifs qui ne paient pas de dividendes, vous serez forcés de vendre régulièrement une partie de votre portefeuille pour en tirer des revenus. Et si optez pour cette option, vous allez vous retrouver confronté à un problème : la volatilité des prix des actions.
Il faut savoir qu’en bourse, les prix sont beaucoup plus volatiles que les dividendes.
Ce qui fait que si vous souhaitez dégager des revenus passifs, vous aurez une source de revenus bien plus stable en misant sur les dividendes (qui sont relativement prévisibles), plutôt que sur les prix (qui sont quant à eux relativement imprévisibles, surtout à court terme).
Ceci parce que le dividende dépend du cashflow généré par le business alors que le prix de marché dépend essentiellement du sentiment des investisseurs (du moins à court terme, ce qui peut être problématique).
Cette faible volatilité des dividendes conduit à un autre point important.
6/ Les dividendes réduisent (indirectement) la volatilité
La volatilité des prix en bourse est une des raisons principales pour lesquelles la majorité des investisseurs perdent de l’argent sur les marchés.
Une volatilité importante sur votre portefeuille aura tendance à vous faire paniquer plus facilement et à causer plus de nuits blanches qu’un portefeuille moins volatil.
De plus, les recherches académiques ont prouvé qu’en moyenne, les actions plus volatiles ne rapportent pas plus d’argent que les actions qui le sont moins (il y a donc à priori peu de raisons objectives de s’y risquer).
Les bons payeurs de dividendes ont l’avantage d’être en moyenne moins volatiles que les actions qui n’en paient pas, ce qui est un avantage majeur en terme de tranquillité d’esprit.
7/ Les dividendes sont un élément clé des rendements boursiers à long terme
Sur des périodes de temps relativement courtes (et lorsque les bourses montent fortement), il est facile de penser que 2 ou 3% de dividendes en plus ou en moins ne feront pas grande différence (surtout si vous détenez en portefeuille plusieurs actions qui sont montées de 15%, 20% ou 25%). Mais sur le long terme, le constat s’inverse.
Voici un graphique des rendements de l’indice boursier S&P 500 depuis 1960 avec et sans réinvestissement des dividendes :
Le résultat de cette étude est que sur la période testée, les dividendes (et leur réinvestissement) ont généré 82% des rendements de l’indice.
Comment est-ce possible? Tout simplement à cause de l’effet boule de neige qui est généré en touchant régulièrement des dividendes (aussi modestes soient-ils au départ), qui peuvent ensuite être réinvestis pour acheter plus d’actions, qui vont elles même verser des dividendes, et ainsi de suite.
8/ Les dividendes ne sont ni garantis, ni automatiques, ni miraculeux
En bourse, les dividendes proviennent du cashflow généré par une entreprise. Ce qui veut dire que si vous investissez dans une mauvaise entreprise, vos dividendes seront coupés (sans préavis).
Payer des dividendes ne protège pas une entreprise de la faillite, des disruptions technologiques, d’un business model en fin de vie, d’un marché saturé ou de volumes de ventes en déclin.
Pour lier ce point avec les précédents : investir dans l’univers des bons payeurs de dividendes augmente les chances de tomber sur des business model stables et robuste, mais n’est en aucun cas une garantie de réussite automatique (les performances passées ne préjugeant pas des performances futures).
Investir dans une société sur le seul prétexte qu’elle paie des dividendes n’a pas de sens, et vous devez absolument maitriser l’analyse fondamentale et la construction de portefeuille avant d’envisager le moindre achat d’action, sous peine de vous exposer à de sévères déconvenues.
C’est un point sur lequel je voulais revenir car je sais que le sujet des dividendes peut parfois être mal interprété par les investisseurs débutants.
En revanche, si vous investissez dans des sociétés de qualité ET qui paient des dividendes en augmentation, vous serez dans un cercle vertueux qui vous permettra de toucher des dividendes toujours plus importants année après année que vous pourrez alors réinvestir, et faire ainsi boule de neige grâce à un phénomène de double composition des intérêts.
9/ Quand sont payés les dividendes en bourse ?
Autre question qui m’est souvent posée : quand sont payés les dividendes en bourse (et à quelle fréquence) ? La réponse est qu’il n’y a pas de règle, et cela dépend des sociétés dans lesquelles vous investissez.
Certaines sociétés (comme Realty Income par exemple), paient des dividendes tous les mois. D’autres comme Air liquide paient des dividendes tous les ans. D’autres encore (comme Total) paient des dividendes tous les trimestres.
En règle générale, la majorité des entreprises européennes paient leurs dividendes une fois par an et la majorité des entreprises américaines paient leurs dividendes tous les trimestres (mais il existe de nombreuses exceptions à cette règle).
Avant d’acheter une société, si les dates et les fréquences de distribution sont importantes pour vous, vous devrez donc vous renseigner sur ces facteurs sur les sites spécialisées (rassurez-vous, les dates de versement sont des informations publiques et faciles à trouver).
10/ Comment sont imposés les dividendes ?
Les modalités relatives à l’imposition des dividendes dépendent de votre lieu de résidence fiscale.
Pour un résident fiscal français (je prends mon propre exemple), les dividendes sont aujourd’hui imposés par défaut à hauteur de 30% via le régime de la flat tax mis en place récemment par le président Macron (post imposition, vous conserverez donc 70% du montant de vos dividendes dans le cadre d’un compte titres ordinaire).
Cependant, pour les résidents fiscaux français, ce montant peut être réduit à zéro ou quasi zéro en logeant vos actions dans le cadre d’un PEA (plan d’épargne en actions). Ceci vous permettra d’éviter cette fameuse flat tax et de toucher pleinement vos dividendes (ou du moins de composer vos intérêts sans subir le poids de l’imposition).
Pour plus d’informations là-dessus je vous renvoie à mon article « payer moins d’impôts en investissant » qui vous détaillera plus avant différents leviers d’optimisation fiscale sur vos placements.
Conclusion
Je pense que nous avons fait le tour ici d’à peu près tout ce qu’il y avait à dire sur le sujet des dividendes (ou presque), mais si des questions subsistent encore : n’hésitez pas à les poster dans les commentaires!
Comme nous avons pu le voir ici : si les dividendes sont une composante essentielle de vos futurs rendements à long terme, ils ne sont en aucun cas un raccourci vers des profits faciles et automatiques, et ne dispensent pas d’une analyse profonde et détaillée du business model de la société qui les distribue.
B. Boireau says
Merci pour votre article.Les dividendes n ont plus de secrets après des explications si claires!
Thierry Le Guen says
Merci pour ce merveilleux article.
J’ai l’intention de faire un emprunt de 10.000€ sur 48 mois au taux de 0,9% sachant que je peux largement assumer la mensualité qui en résulte.
Si je place cet argent sur 5 actions à dividende solide, comme J&J, 3M, Pepsi, P&G, Realty Income, normalement je suis quasiment certain d’être bénéficiaire.???
Est-ce que mon raisonnement est juste ou pas?
Le risque me paraît quasiment inexistant…
Merci par avance
Pierre says
Bonjour Thierry,
Emprunter pour investir en bourse est généralement déconseillé (sauf cas exceptionnels et uniquement pour des investisseurs aguerris) car de nombreuses choses peuvent mal se passer (coupe de dividende, chute des prix, etc…).
Utiliser un emprunt à taux fixe et sélectionner des actions de qualité est une manière de limiter les risques de ce type de stratégie, mais ne permet pas de les supprimer (de plus un portefeuille de 5 titres est très peu diversifié… donc risqué). En règle générale : mieux vaut éviter d’investir en bourse en levier ;
Bien Cordialement
Jean says
Le risque y est car emprunté pour investir dans la bourse est “ risqué “.
Il vaut mieux mettre tout les mois un peu d’argent dans les actions que tu veux qui te reverse des dividendes et après les réinvestir pour augmenter tes dividendes et ainsi de suite.
Jean
Philippe GUAY says
Petite précision, il faut que le siège social de la société soit en France pour ne pas être imposé sur les dividendes du PEA;
Par exemple, on sera imposé sur les dividendes d’Airbus ou Renault car leurs sièges social est au Pays Bas.
Bien cordialement
Philippe
Pierre says
Bonjour Philippe,
Coté éligibilité, le siège social doit être situé dans l’U.E (pas nécessairement en France) pour pouvoir être inclus dans le PEA, donc les titres cités y sont éligibles (il faut juste éviter les titres anglais en ce moment, par exemple, depuis le Brexit).
Coté dividendes, si les titres subissent un prélèvement à la source du pays d’origine, c’est cette partie là qui est « perdue » sur le PEA (cependant dans le cas de titres néerlandais, le taux de base est de 15% ce qui reste un peu mieux que nos 30% locaux 😉 )
Bien Cordialement