Cette semaine nous avons connu une des corrections boursières les plus rapides de l’histoire, déclenchée par les craintes relatives à la propagation du Coronavirus. Quelle est la situation? Que faire pour la suite? Le virus a-t-il tué le marché haussier?
Pour faire le point sur la situation, dans cet article, nous allons voir (entre autres) :
- 1/ Pourquoi les bourses ont autant chuté?
- 2/ Une cartographie détaillée de la correction
- 3/ Les aspects positifs de cette situation
- 4/ Que faire et que surveiller dans les semaines qui viennent
- 5/ L’avis de Warren Buffett sur ce qui se passe en ce moment
Table des matières
1/ Pourquoi les bourses ont autant chuté?
A moins que vous ne reveniez de vacances sur une île déserte, vous êtes probablement déjà au courant : les bourses chutent à cause des craintes relatives au Coronavirus.
La question qui suit généralement ensuite est « pourquoi est-ce qu’elles chutent autant pour un virus qui présente (jusqu’à présent) un taux de mortalité estimé entre 2% et 3%? » (98% de chances de survie ne semblant pas un si mauvais pronostic par rapport à disons ebola ou la grippe espagnole)?
La réponse est que les marchés ne chutent pas uniquement pour des raisons de dangerosité du virus : ils chutent aussi parce que les mesures préventives mises en place sont peu à peu en train de gripper l’économie (avec des conséquences qui sont pour le moment difficiles à chiffrer).
Le principal problème des situations comme celle d’aujourd’hui, c’est l’incertitude. Nous n’avons aucune idée du rythme de propagation futur du virus, de si celui-ci va muter ou non, se résorber ou non, ni de l’impact économique réel qu’auront les mesures de prévention mise en place début 2020 (chose que les bourses détestent).
Ajoutons à cela des marchés qui évoluaient sur des niveaux de valorisation élevés en début d’année et une menace potentielle que personne n’aurait pu voir venir il y a ne serait-ce que quelques semaines, et vous avez le parfait cocktail pour déclencher un « sell off ».
2/ Cartographie de la correction (où en sommes-nous?)
Les bourses américaines et européennes ont corrigé de -12% depuis leurs plus hauts annuels (et de -8.5% et -11% respectivement depuis le 1er janvier).
Une des corrections les plus rapides de l’histoire…
Ce qui a réellement surpris tout le monde, c’est surtout la vitesse inhabituelle de cette correction. En effet, les bourses ont chuté de plus de 10% en moins de 6 jours, ce qui fait de cette correction une des plus rapides de l’histoire.
…mais pas une des plus importantes (pour l’instant)
Si cette correction s’est certainement distinguée des autres par sa vitesse, elle ne s’est cependant pas spécialement distinguée par son amplitude (du moins pas encore, contrairement à ce que n’hésitent pas à raconter certains).
En fait pour le moment nous avons même moins corrigé que fin 2018 (période durant laquelle nous avions connu notre première correction de 20% depuis 2011). Mais la vitesse du mouvement a rendu cette correction beaucoup plus impressionnante que celle d’il y a deux ans.
Un climat boursier tendu (une panique palpable)
Un autre facteur qui distingue cette correction de celle de fin 2018, c’est que quel que soit le secteur boursier détenu, il était ici relativement difficile de se protéger de la chute. 98% des actions de l’indice boursier S&P 500 ont chuté sous leur moyenne mobile à 10 jours.
Même les titres usuellement plus défensifs tels que les services publics, les biens de consommation non cycliques ou encore le secteur de la santé ont eu tendance à être vendus (alors que durant la correction de 2018, certains secteurs défensifs avaient nettement surperformé).
Voyez plutôt ce que cela donne visuellement pour la semaine dernière sur les titres du S&P 500 :
Ce genre de vente « en gros » et sans discrimination est généralement symptomatique des périodes de paniques boursières, un climat de peur qui se retrouve également sur différents indicateurs de sentiment de marché tel que le « Fear and Greed Index » :
A noter cependant qu’usuellement des lectures extrêmes sur ce type d’indicateur ont tendance à conduire à des réactions de court terme opposées (rebond en cas de peur extrême, correction en cas d’extrême euphorie).
3/ Le positif dans tout cela
Le coté positif de tout cela, c’est que la correction de marché que tant de gens attendaient pour rentrer sur les actions est enfin arrivée (et le coté négatif, c’est qu’au vu du climat général, il est probable que relativement peu de gens l’achèteront). Voyons quelques éléments pour relativiser sur ce qui est en train de se passer.
Des prix en baisse, des rendements en hausse
Durant les chutes de marché, beaucoup de gens perdent de vue qu’il existe une relation inverse entre les prix des actions et les rendements futurs attendus.
Plus les bourses sont hautes, plus vous payez cher vos titres, plus vos rendements attendus sont faibles. Inversement, plus les prix sont bas, plus vos rendements futurs sont élevés (et plus vous touchez de dividendes pour une même somme placée).
Ceci car :
- Si vous payez 100 euros une action versant 3 euros de dividendes, votre rendement est de 3%.
- Si vous payez 50 euros cette même action, votre rendement sera de 6%.
Et le prix payé n’a pas seulement une influence sur le niveau de dividendes que vous recevrez pour une même somme : il a aussi un impact direct sur les rendements futurs attendus. Un exemple concret avec l’action Coca-Cola.
L’exemple de l’action Coca-Cola
Voici les rendements de l’action Coca-Cola si vous l’achetiez quand son rendement était au plus haut (donc suite à une chute), et quand ses rendements étaient au plus bas (sur un sommet de marché).
Ce qui veut dire que si vous êtes un investisseur de long terme en phase de constitution de capital, vous devriez vous réjouir lorsque les marchés chutent plutôt que céder à la panique, puisqu’une chute de prix signifie que vous pouvez basiquement acquérir les mêmes sociétés qu’hier à un prix inférieur.
Quelques nuances
Attention cependant une nuance importance ici : cette relation est vraie si vous achetez des sociétés qui ont les reins suffisamment solides pour traverser les périodes difficiles tout en maintenant leur cashflow, car les entreprises fragiles peuvent couper leurs dividendes durant les périodes de faiblesse économique (ou pire : faire faillite).
Comme le dit Warren Buffett « c’est quand la mer se retire que l’on voit ceux qui se baignent nus« , c’est à dire que si tous les titres peuvent plus ou moins monter durant un marché haussier porteur, les titres de mauvaise qualité sont ceux qui se font briser en premier durant les périodes difficiles (et surtout ceux qui ne remontent pas forcement ensuite).
4/ Que faire, et que surveiller en ce moment?
Dans ce point je vais être un peu plus spécifique sur ce que je surveille actuellement de mon coté, et sur ce que je vais surveiller dans les mois à venir (pour ceux qui se demandent où investir).
1/ Les graphiques boursiers (pour du court terme)
L’analyse technique n’est pas une boule de cristal qui permet de prédire ce qui va se passer, mais c’est une bonne photographie de la psychologie de marché à l’instant T (et cela peut être un bon outil de gestion des risques).
Par exemple cette semaine nous avons eu un « sell off » très directionnel qui n’a théoriquement pas laissé beaucoup de place pour la fameuse question « dois-je acheter le creux? » (car pour le moment, il n’y a tout simplement pas vraiment eu de creux achetable) :
Garder un œil sur les graphiques n’est pas magique, mais cela peut vous permettre de ne pas gaspiller votre réserve de cash en la déployant au pire moment possible (c’est à dire en pleine chute).
L’action du sentiment, des prix et volumes, et la directionalité du sell off laissaient supposer qu’il valait mieux attendre patiement que les choses se calment (car comme le dit le proverbe boursier : on ne rattrape pas un couteau qui tombe).
(P.S : Si vous voulez en savoir plus à ce sujet, vous pouvez lire ou relire mon article sur les bases de l’analyse technique).
2/ Les conditions générales (pour du long terme)
Durant les périodes de panique, il faut toujours essayer de relativiser l’impact potentiel d’évènements de court et de moyen terme par rapport au contexte général (qui lui a tendance à être beaucoup moins changeant).
Alors, quelles sont actuellement ces fameuses conditions générales (évoquées par Livermore)?
Vous pouvez les retrouver plus en détails dans mon article « Où investir en 2020? (les placements les plus rentables)« , car globalement les choses n’ont pas beaucoup changé depuis que je l’ai rédigé il y a un mois :
- Les rendements de la plupart des placements bancaires sont toujours à zéro
- Les rendements des obligations ont atteint un nouveau plus bas (1% sur le 10 ans américain)
- Les cryptomonnaies n’ont finalement pas été des « valeurs refuges » (-10% sur le BTC)
- Les taux sont toujours à un niveau plancher
Ce qui veut dire que globalement, pour espérer avoir un rendement positif intéressant sur leur capital à long terme, les investisseurs sont toujours plus ou moins forcés de se positionner sur les actions.
Les conditions générales restent donc toujours nettement positives pour les actions à long terme aujourd’hui (c’est aussi l’avis de Warren Buffett comme nous le verrons dans le point suivant).
3/ Les résultats des entreprises sur le début 2020 (à moyen terme)
Le troisième point que je surveillerai au cours des semaines et mois qui viennent, ce seront les publications des résultats d’entreprises pour le 1er trimestre 2020.
Celles-ci ne sortiront pas tout de suite, mais nul doute que les résultats de nombreuses sociétés seront impactés par ce qui se passe actuellement (c’est en grande partie ce qui a contribué à déclencher la panique boursière de cette semaine).
La grande inconnue pour l’instant, c’est l’ampleur de l’impact des évènements actuels sur ces résultats (ampleur que nous serons mieux à même de jauger avec ces premières publications).
Si ces publications sortent pires que ce qui est attendu, les marchés chuteront. Si elles sont meilleures que prévu, les bourses remonteront. Pour l’instant nous sommes dans le flou à ce sujet.
5/ L’avis de Warren Buffett sur la situation actuelle
Si vous voulez avoir directement l’avis de l’Oracle d’Omaha sur ce qui se passe en ce moment, celui-ci a été longuement interviewé par CNBC il y a peu, voici la vidéo de cette interview :
Comme elle dure tout de même 2 heures (et qu’elle est non sous titrée) voici un résumé et quelques morceaux choisis.
Sur les bonnes questions à se poser aujourd’hui :
« La vraie question est : est-ce que les perspectives à 10 ou 20 ans des business que vous détenez ont drastiquement changé durant les dernières 48 heures? » (W.B.)
Sur la bonne aptitude à adopter :
« Je ne pense pas pouvoir gagner de l’argent en prédisant ce que les actions vont faire le mois prochain, mais je pense pouvoir en gagner en ayant une bonne idée de ce qu’elles feront sur 5 à 10 ans. Et dans 5 à 10 ans, elles seront très probablement plus hautes. » (W.B.)
Sur le fait de ne pas se laisser impressionner par les gros titres et les quotidiens financiers :
« Les gens devraient se dire qu’ils achètent un business plutôt qu’une action (…), et on achète pas un business en se basant sur les gros titres du jour. » (W.B.)
Sur le fait que les investisseurs se concentrent sur les mauvaises choses :
« Parce qu’ils sont libres de prendre des décisions a chaque seconde sur les marchés, les gens pensent qu’investir dans un business est différent d’investir dans un appartement ou dans une ferme. Mais ça ne l’est pas (…). Si vous pouvez trouver un business qui fait de solides bénéfices dans les 10 prochaines années, vous ferez un bon investissement. » (W.B.)
A propos du fait qu’il y a des raisons de s’inquiéter :
« Il y a toujours des raisons de s’inquiéter. Il y avait des raisons de s’inquiéter quand j’ai acheté des actions en 1942, il y avait des raisons de s’inquiéter en 1959, et il y avait certainement des raisons de s’inquiéter en 2008. Cela ne m’a pas empêché d’acheter des action à chaque fois (…). J’aime acheter des actions, et si les gens sont prêts à me les vendre moins cher, tant mieux, en ce qui me concerne. » (W.B.)
Sur les conditions générales :
« Si nous regardons la présente situation, les actions restent toujours une meilleure alternative que les obligations. Vous avez basiquement 3 options principales pour investir votre argent : le cash, les obligations et les actions. Aujourd’hui les actions sont moins chères que les obligations. » (W.B.)
« Si l’environnement de taux actuel reste en place et que les taxes sur les entreprises américaines restent ce qu’elles sont, il est quasiment certain que les actions dégageront des performances à long terme très supérieures aux instruments de dette à taux fixe. » (W.B.)
Et en conclusion :
« La situation est certainement préoccupante. Mais je ne pense pas qu’elle devrait affecter ce que vous faites sur les actions. »
Ce qui est toujours intéressant avec Buffett, c’est qu’il a près d’un siècle d’expérience des marchés boursiers. Ce qui veut dire qu’il ne se laisse plus impressionner par grand chose.
6/ Toujours des raisons de s’inquiéter
Un des clichés les plus populaires en bourse est qu’il y a un bon moment pour investir et un mauvais moment pour investir.
La vérité est qu’au niveau émotionnel : vous aurez toujours l’impression que le moment est mal choisi pour investir. Comme le dit Buffett dans son interview « there is always something to worry about« .
Voici un graphique récapitulant toutes les raisons de vendre que nous avons eu au cours de la dernière décennie :
Le problème si vous vous laissez impressionner par tous ces évènements de court terme au détriment du long terme, c’est que vous ferez toujours parti de la majorité d’investisseurs qui achètent et vendent systématiquement au pire moment (ou de ceux qui ne passent jamais à l’action).
C’est pour cela que vous devez avoir une stratégie d’investissement solide et vous y tenir, sans quoi vous douterez sans cesse de ce que vous faites à chaque revers de marché (ou ne ferez qu’acheter et revendre sans cesse, ce qui, comme je l’ai expliqué dans mon article « 5 raisons pour laquelle la majorité des gens échouent en bourse » sera très négatif pour vos performances à long terme).
Conclusion
La correction que beaucoup attendaient depuis des mois est finalement là. Est-ce le début du mouvement, est-ce la fin : nul ne peut le savoir pour l’instant.
Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’en moyenne acheter des actions quand les prix sont bas rapporte plus que les acheter quand les prix sont hauts, et que d’ici 10 ans les prix des actions d’entreprises de bonne qualité seront selon toutes probabilités plus hauts qu’aujourd’hui.
Pour l’investisseur en phase de capitalisation qui achète des titres régulièrement, les chutes de marché ne doivent pas être vues comme des raisons de paniquer, mais comme des opportunités qu’il faut savoir mettre à profit.
Wei says
Merci Pierre pour ce très bon article!
Moi pour moi part, je ne sais plus où mettre la tête tellement les opportunités d’achat fusent de partout.
J’avoue que sur le coup, j’ai certainement attrapé pas mal de « couteaux qui tombent ». Ma réserve de cash (pour investissement) est maintenant à sec, ce qui veut dire que je manquerai probablement des opportunités qui apparaitront à court terme.
Je dois maintenant me persuader que j’ai acheté des titres qui sont tombés à des niveaux que je jugeais acceptable. Je sais que j’ai fait de bonnes affaires, même s’il y aura sûrement encore mieux. S’ils tombent encore, tant pis pour moi. Mais effectivement, d’ici 10 ans je serai content d’être entré à ce moment là.
Et si ce nouveau coronavirus signe la fin de tout, bah je pense que l’argent sera le dernier de mes soucis…
Pierre says
Bonjour Wei (et merci pour le retour positif),
Concernant le côté « fin de tout » a priori nous en sommes loin pour l’instant, et il y a énormément de surreaction de la part des gouvernements et des médias concernant la situation.
Le problème c’est que si le climat de paranoïa actuel se poursuit, la peur du virus risque de faire plus de dégâts que le virus lui même ;
Cdt
David says
Merci Pierre ,pour cette article .
Finalement aujourd’ huit je me concentre sur la stratégie all Weather .
l’ objectif c ‘est la sécurité du portefeuille ,avec un rendement correcte sur le long terme,par rapport au produit bancaire.
Pierre says
Bonjour David,
C’est en effet la stratégie la plus défensive que j’ai présenté sur le site (je ferai d’ailleurs sans doute un petit récapitulatif dans le futur sur comment ces types de portefeuilles ont performé durant la crise du virus) ;
Cdt
stef says
Bonsoir,
OK mais quelles actions de qualité (qui gagneront donc dans 5/10ans) préconisez vous ?
Pierre says
Bonjour Stef,
Je vous invite à relire l’article de la semaine dernière qui concerne justement cette question : https://plus-riche.com/pire-question-investissement 😉
(Ceci dit si vous cherchez des idées plus concrètes, vous pourrez en trouver plusieurs en parcourant le site (quelques exemples) :
https://plus-riche.com/dividende-air-liquide
https://plus-riche.com/johnson-and-johnson
https://plus-riche.com/investir-ethique-socialement-responsable )
Bien Cordialement
Pierre
Pierre says
Bonjour Pierre,
Je rejoins David sur l’intérêt d’une stratégie « tout temps ». Mon portefeuille permanent maison est en baisse de 1% environ sur un mois, les pertes sur les actions (BX4 revendu bêtement et trop tôt) sont en parties compensées par les gains sur l’or, les monnaies et les cryptomonnaies.
Je reste tout de même un peu déçu de l’absence de protection supérieure du Bitcoin lors de cette correction. Je suppute un sell-off des instututionnels qui sont maintenant présents sur les marchés de futures (la hausse reste néanmoins de 26% depuis le 01/01, ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain). Autant je ne suis pas hyper confiant dans mes renforcements sur les actions, autant j’ai rechargé avec plus d’entrain sur le bitcoin (3% du portefeuille actuellement).
Valerie says
Merci Pierre pour cet excellent article, très complet, instructif et clair qui personnellement m’a aidé à prendre plus de hauteur par rapport à cette correction de marché, et à me rappeler que la PATIENCE est certainement le maître-mot encore une fois si on veut tirer le meilleur profit de cette baisse.
Par contre, je n’ai aucune inquiétude sur mon portefeuille actuel même s’il baisse, car je sais que mes sociétés détenues sont solides : elles vont donc remonter.